La femme et le monothéisme : le cas du judaïsme
Les trois religions monothéistes n’ont pas accordé aux femmes une place de choix.

Même au niveau du sexe de la divinité, comme le rappelait Ernest Renan, le mot déesse serait en hébreu un barbarisme.

La même chose vaut de la langue arabe. Pour le christianisme qui a converti l’immense majorité du monde gréco-latin, l’adjonction d’un statut spécial pour Marie, «mère de Dieu» a quelque peu modifié la donne… Il demeure, malgré ce qu’on va lire, infra au sujet de «femmes d’Evangile»

Dans la Bible hébraïque, on se souvient de la malédiction prononcée à l’encontre d’Eve, responsable de la chute car ayant induit son époux en tentation pour manger du fruit interdit.

Certes, il y a parfois des actes de bravoure et de grand courage effectués par des femmes (Sara, Sephora, Myriam, Deborah, Judith, etc…) mais dans l’écrasante majorité des cas, le beau rôle revient à l’homme.

Il y a aussi, ne l’oublions pas, la belle supplique de Hannah (I Samuel,) la mère du prophète Samuel, qui est devenue le parangon de la prière en général.

Introduction
Jamais les femmes n’ont eu le droit de formuler la halacha, pas même celle les concernant. Le traité Nedarim fol. 50b du Talmud de Babylone signale : une femme qui ose parler de halacha devant rav Juda finit mal…

Bien que l’homme ait le pouvoir discrétionnaire de divorcer de son épouse, la loi rabbinique a établi des garde-fous au bénéfice de la femme: la halacha (règle normative) prévoit toute une série de procédures qui, sans empêcher l’homme de divorcer de sa femme, cherchent à limiter les séparations dans le feu de la colère.

Le talmud introduit des cas où la femme peut contraindre le mari à demander le divorce. Les rabbins ont aussi introduit l’idée de l’acte de mariage, la ketubba (contrat de mariage) qui donne une assurance aux femmes.

Enfin, à l’époque de la première croisade, Rabbénu Gershom (dit le luminaire de l’exil ; mé’or ha-gola) interdit de divorcer sans le consentement de l’épouse. Pas de répudiation pure et simple. Et il introduisit la monogamie.

La plupart des rabbins, et notamment rabbi Abraham ben David (XIIIe-XIVe siècle), ont toujours insisté sur la nécessité pour l’homme de satisfaire les demandes sexuelles de son épouse… Kiddushin 33b : les Sages du Talmud ont énuméré une série d’obligations religieuses positives (le séjour dans la sukka, la fête des cabanes), , le lulav (la branche de palmier), le port des franges rituelles, l’audition du shofar (sonnerie de la corne de bélier) et le port des phylactères) dont les femmes sont dispensées.

Des commentateurs plus tardifs (e.g. Rabbi David ben Joseph Abudarham (XIVe siècle) ont motivé cette dispense en arguant des servitudes de la femme au foyer : prise entre la nécessité de satisfaire les demandes de l’époux et les injonctions divines, ce sont ces dernières qui cèdent.

On ne pouvait contraindre la femme au respect des règles religieuses à date fixe: la prière quotidienne, le port des tefilines, la résidence dans la soukka.

Mais le même folio talmudique stipule qu’il existe aussi des préceptes non assujettis au temps et dont les femmes sont exemptées : l’étude de la Tora, la procréation et la rédemption du premier-né…

Le fait que la femme soit dispensée de certains commandements qui ne sont pas à date fixe permet de penser que les hommes l’ont graduellement exclue de l’espace religieux public : l’étude de la Tora, la lecture du Pentateuque et la récitation des prières…

Comment s’explique cette inégalité de traitement ? Celle-ci semble déjà implicite dans le récit de la création : dans une première version, la femme est créée à égalité avec le mâle, à l’image de Dieu tout comme lui, et plus tard, elle est issue de sa côte, ce qui est un mythe moins valorisant… Le principe de l’exemption de la femme de l’accomplissement des préceptes à heure fixe n’est ni général, ni universel, et souffre de tant d’exceptions..

a) La prière est un valeur religieuse fondamentale : comment en dispenser les femmes ? De la Mishna à Maimonide en passant par les tossafistes, tout le monde souligne que la femme doit prier, même si nous savons, que dans les faits, elle n’avait guère le temps de le faire et donc, ne le faisait pas.

Le cas de la prière de la femme est réglée en disant que celle-ci peut adresser à Dieu une sorte de pétition privée en commençant sa journée. Même pour la lecture du rouleau d’Esther, très peu d’autorités rabbiniques permettent à la femme de compter dans le quorum liturgique exigé…

Or, le talmud fait obligation à tous (femmes et hommes) de participer à la lecture de la megillah (le rouleau d’Esther à l’occasion de la fête de pourim) puisque tous en ont bénéficié et qu’il convient de donner à la miraculeuse victoire des juifs le plus de publicité possible…

b) la lecture de la Tora :
Megilla 23a semble accorder ce droit aux femmes mais spécifie que ceci ne se fait pas en raison du respect dû à la communauté (mi-pené kevod ha-tsibbur). Qu’est-ce à dire ?

c) l’étude de la Tora.
En fait et en règle générale, les rabbins sont toujours tentés de donner une logique juridique à la réalité sociale. Ketubot 62b mentionne le cas de Rachel qui, issue d’une riche famille, a tout perdu pendant 24 ans, la durée de l’étude de son mari, Rabbi Aqiba, qui, alors, était ignorait tout avant de devenir le plus grand érudit du judaïsme rabbinique.

C’est seulement après cette dure épreuve qu’elle retrouva son statut d’antan. La règle générale est que la femme ne doit pas étudier la Tora en profondeur mais permettre aux hommes de sa famille de le faire : ainsi, elle prend part à leur mérite… Mais peuvent-elles, de leur propre initiative, étudier ? Oui, car exemption ne signifie pas exclusion…

Rosh ha-Shana 33a nous informe que Michal, la fille du roi Saül avait l’habitude de mettre les tefillin sans susciter la protestation des Sages, mais Moshé Isserlès de Cracovie dans son commentaire du Shulhan Arukh élève une protestation là contre…

Le mariage :
Au fond, la Bible n’énonce aucune procédure, ni rituel pour le mariage. Elle en vient directement au fait, c’est-à-dire à la vie intime partagée, contenue dans la notion de prendre (la-qahat).

Or, que connote ce terme ?  L’acte de se marier avec cérémonies et décorum, ou l’action de posséder physiquement une femme ? La tradition ultérieure a voulu renforcer les droits de la femme et de sa famille en instaurant la cérémonie de la huppa (le dais nuptial) et les kidduhin (consécration d’une femme à un seul homme, à l’exclusion de tous les autres).

Signalons que l’inverse n’est pas valide : l’homme est censé avoir des relations intimes avec toute autre femme non mariée Mais cela n’est jamais recommandé..

Par la suite, la halacha, la règle normative juive, a mis suffisamment d’obstacles sur la voie de maris inassouvis et rendu la polygynie impraticable …

Déjà, Sanhédrin 21a stigmatisait le travers du roi Salomon qui aurait eu mille femmes, cela le détournait d’une bonne gestion des affaires du royaume… A suivre

Maurice-Ruben Hayoun

Le professeur Maurice-Ruben Hayoun, né en 1951 à Agadir, est un philosophe, spécialisé dans la philosophie juive, la philosophie allemande et judéo-allemande de Moïse Mendelssohn à Gershom Scholem, un exégète et un historien français. il est également Professeur à  l’université de Genève. Son dernier ouvrage: Joseph (Hermann, 2018)

 

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AYIN BEOTHY

Permettez-moi de ne répondre qu’à un fragment de votre article :
« (…) Comment s’explique cette inégalité de traitement ? Celle-ci semble déjà implicite dans le récit de la création : dans une première version, la femme est créée à égalité avec le mâle, à l’image de Dieu tout comme lui, et plus tard, elle est issue de sa côte, ce qui est un mythe moins valorisant… Le principe de l’exemption de la femme de l’accomplissement des préceptes à heure fixe n’est ni général, ni universel, et souffre de tant d’exceptions… (…) »
Dans les années ’70, j’ai écouté ces claires affirmations de Josy Eisenberg, au cours de « La Bible Ouverte » :
« le premier humain créé est androgyne. Quand HaShem décide d’en faire un couple, ce n’est pas une « côte » qu’il coupe, comme on le répète depuis, mais un côté. Le mot hébreu « tsélah » signifie « côté ». Et le seul autre endroit de la Torah où il est utilisé, c’est pour désigner le côté – justement – du mini-sanctuaire porté dans la traversée du désert, à la libération d’Egypte. »