Le coup d’Etat manqué en Turquie pose de nombreuses questions sur son origine, sur son manque de préparation et sur ses auteurs présumés. Il donne aujourd’hui l’occasion à Erdogan de renforcer son pouvoir, de limiter les libertés et de neutraliser ses adversaires politiques. Il est clair que l’épuration ne va pas s’arrêter à l’armée, mais s’étendra aux journalistes, aux fonctionnaires, aux enseignants et aux intellectuels.

Le putsch en Turquie est une preuve supplémentaire de la situation délicate de ce pays immense, huitième puissance militaire du monde, pont entre l’Orient et l’Occident, dont le rôle est essentiel pour l’équilibre de la région, mais qui joue depuis une quinzaine d’années un jeu dangereux sur l’échiquier proche-oriental. La Turquie est une pièce maîtresse pour l’OTAN, qui entretient plusieurs bases militaires sur son territoire, et notamment à Incirlik où se trouvent des bombardiers américains équipés, selon des sources militaires fiables, de missiles nucléaires.

La force de frappe de l’OTAN repose sur la fiabilité de la relation avec le pouvoir turc, et en particulier sur les liens avec son armée. Plusieurs partenaires privilégiés des forces de l’OTAN font partie des personnes éliminées par Erdogan depuis la tentative de coup d’Etat, et notamment le commandant de la base d’Incirlik le général Bekir Ercan. La question qui se pose pour les Etats-Unis et l’Europe n’est pas seulement de savoir si la démocratie sera respectée, mais bien de savoir qui seront à l’avenir les dirigeants de l’armée turque, car dans l’entourage d’Erdogan bon nombre de ses conseillers sont des islamistes proches des Frères musulmans, qui vouent une haine sans limite à l’Egypte, à la Syrie et à Israël bien entendu.

Erdogan n’a cessé d’avoir une attitude ambigüe sur la lutte contre l’Etat islamique Daech, qui lutte contre son ennemi traditionnel Assad, et il a d’une manière indirecte aidé les forces djihadistes dont les principaux adversaires sont les Kurdes, qu’il combat lui-même par ailleurs. Dans cet imbroglio géopolitique personne ne possède toutes les clés, mais il est évident que seules les deux grandes puissances, les Etats-Unis et la Russie sont en mesure de contrôler Erdogan et de l’empêcher de précipiter la région dans le chaos.

Obama est en fin de mandat et fait face à un regain de violences à caractère racial, qui inquiète les Américains et en tant que premier président noir, il ne peut pas se permettre de négliger ce dossier. Poutine, de son côté, éprouve un profond mépris pour Erdogan, qu’il considère comme le responsable du soutien logistique à l’islam radical et depuis l’affaire de l’avion russe abattu, le dialogue avec Ankara repose uniquement sur un rapport de forces et des menaces de représailles russes en Turquie.

Les timides réactions européennes expriment la crainte de voir Erdogan ouvrir le robinet de l’immigration et permettre à des dizaines de milliers de réfugiés de déferler vers l’Europe, qui n’a surtout pas besoin de ça en ce moment, au lendemain du Brexit, des attentats en France et en Allemagne, et à la veille d’élections dans lesquelles cette question sera cruciale.

Erdogan, malgré ses excès et ses velléités autoritaristes, a réussi jusqu’à présent à ne jamais aller trop loin, car le fondement du soutien populaire dont il jouit repose sur une bonne croissance et une relative prospérité, mais la chute du tourisme dans les prochaines semaines s’il se lance dans une répression brutale, que la presse internationale ne manquera pas de dénoncer, devrait malgré tout freiner ses ardeurs de vengeance. Le récent accord avec Israël ne semble pas être remis en cause. Toutefois il faut s’attendre dans les jours à venir à de nouveaux rebondissements dans cette affaire, qui est loin d’être terminée.

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Chronique de Michaël Bar-Zvi | Tet Vav be Tamouz 5776 – 21 juillet 2016

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