Il aura fallu attendre 2014 pour que la Knesset adopte une loi fixant au 30 novembre de chaque année la commémoration de l’expulsion et de l’exode des Juifs des terres d’Islam.

Cette date, non choisie au hasard, correspond aux émeutes anti-juives qui ont éclaté à Aden au Yémen au lendemain du vote de l’ONU sur la partition de la Palestine mandataire.

Les autorités israéliennes s’activent d’ailleurs en coulisse pour réparer une blessure historique: restituer les biens des Juifs originaires des pays arabes.

D’après un rapport universitaire, la somme des biens saisis avoisinerait les 20 milliards de dollars.

L’histoire de cette destruction de dizaines de communautés juives en terres d’Islam n’a quasiment pas été racontée, ni écrite, ni analysée.
Avant la création de l’Etat d’Israël, près de 900.000 Juifs vivent sur les terres musulmanes d’Egypte, d’Irak, du Yemen, d’Algérie, du Maroc, de Tunisie ou de Libye. Une présence millénaire qui s’achève avec la montée du nationalisme arabe depuis les années 30.
Expulsés, poussés au départ, légalement discriminés, spoliés, les Juifs des pays arabes ont, pour 600 000 d’entre eux, trouvé refuge en Israël et, pour 300 000 environ, en Europe de l’Ouest, notamment en France et en Amérique du Nord.
Cliquer sur l’image pour visionner le film de Pierre Rehov
C’est une histoire qui doit être racontée.
On estime le nombre de Juifs vivant dans les pays arabes et en Iran à plus de 850 000 personnes au moment de l’indépendance d’Israël. Certains chercheurs pensent même que ce nombre est plus proche du million.
Dans la région nord-africaine, 259 000 Juifs ont fui du Maroc, 140 000 d’Algérie, 100 000 de Tunisie, 75 000 d’Egypte et 38 000 autres de Libye.

Immigrants du Maroc à bord d’un navire en route vers Israël, 1957-Photo: Leni Sonnenfeld
Beit Hatfutsot, Archives de photos, Tel Aviv, Collection Sonnenfeld
Au Moyen-Orient, 135 000 juifs ont été exilés de l’Irak, 55 000 du Yémen, 34 000 de la Turquie, 20 000 du Liban et 18 000 de la Syrie.
L’Iran a expulsé 25 000 juifs.
Les descriptions suivantes caractérisent ce que les Juifs vivant dans les pays arabes et en Iran ont enduré à partir des années 1940 et depuis la Déclaration d’Indépendance d’Israël jusqu’à la seconde moitié du 20ème siècle :
Irak
En Irak, où une grande communauté de Juifs vivait pendant 2600 ans, des émeutes violentes connues sous le nom de « Farhud » ont éclaté en juin 1941, ciblant la population juive, principalement à Bagdad.
Les soldats déprimés à l’issue d’un coup d’Etat échoué ont profité d’une vacance de pouvoir et se sont jetés sur des communautés juives ensanglantées, tuant 179 personnes innocentes, blessant plus de 2 100 personnes et laissant 242 enfants orphelins. Cet acte de violence a été l’objet de célébrations dans le monde arabe et en Allemagne nazie.
En 1948, en réponse à la résolution 181 de l’Assemblée générale des Nations Unies («le plan de partage») et à l’Indépendance de l’Etat d’Israël, des lois ont été adoptées pour faire du sionisme une infraction pénale, permettant à la police de rechercher dans des milliers de foyers juifs toute « preuve de sionisme ».
Les Juifs ont été retirés de milliers de postes gouvernementaux et leurs habitations ont été évaluées à 80% de valeur en moins que celles de leurs voisins arabes.
Dans les années 1948-1951, plus de 120 000 Juifs irakiens ont immigré en Israël pour se forger une nouvelle vie. Ce faisant, ils ont aussitôt perdu leur citoyenneté d’origine et dès mars 1951, leur propriété.
L’ancienne communauté juive en Irak – qui représentait à peu près un tiers de la population totale de Bagdad – est à présent totalement inexistante.
Groupe de jeunes Juifs qui ont fui l’Irak pour Eretz Israël suite au pogrom de Bagdad en 1941. Ils ont atteint Eretz Israël, ont été arrêtés par les autorités britanniques, condamnés à l’emprisonnement, certains ont été expulsés. Photo: Moshe Baruch, Ramat Hasharon. Beit Hatfutsot, Archives de photos, Tel Aviv, avec l’aimable autorisation de Moshe Baruch
Egypte
L’histoire de la population juive égyptienne est semblable. Dans les années 1940, l’hostilité contre la communauté juive égyptienne, qui comptait environ 80 000 personnes, augmente.
Des lois ont été adoptées, limitant les conditions d’emploi des Egyptiens d’ascendance juive, tout en exigeant que les actionnaires majoritaires des entreprises soient des ressortissants égyptiens.
Étant donné que les Juifs ont été privés de citoyenneté en règle générale, de nombreux Juifs ont alors perdu leur emploi et se sont vu confisquer leurs entreprises.
Au cours de la guerre d’indépendance d’Israël en 1948, des milliers de Juifs égyptiens ont été placés dans des camps d’internement, ont été forcés de travailler et ont été arrêtés pour « collaboration avec un Etat ennemi », les synagogues juives, les maisons et les entreprises ont été bombardées.
Beaucoup de Juifs ont été tués et blessés. Plus de 14 000 juifs ont immigré en Israël pendant ce temps à la recherche de sécurité.
Entre 1948 et 1958, plus de 35 000 Juifs ont fui l’Égypte. Alors qu’une grande partie de cette immigration était due à une oppression systématique, un autre facteur de motivation était leur sionisme et leur désir de vivre dans la patrie juive nouvellement rétablie en Israël.
Entre 1956 et 1968, 38 000 Juifs ont fui l’Égypte, principalement en Israël, pour échapper à des injustices systématiques telles que l’expropriation par le gouvernement de leurs maisons et de leurs entreprises et des arrestations arbitraires de citoyens juifs.
Réunion de famille: le père, qui était en prison en Egypte, retrouve sa femme et ses enfants, Israël, 1950-1960, Photo: Leni Sonnenfeld – Beit Hatfutsot, Archives de photos, Tel Aviv, Collection Sonnenfeld
Yémen
Les Juifs yéménites ont fait face à la pire persécution.
À la fin du mois de novembre 1947, la population arabe d’Aden au Yémen a décidé de faire une grève de 3 jours pour protester contre la Résolution 181 de l’Assemblée générale des Nations Unies (le Plan de partage).
La protestation est rapidement devenue violente. Plus de 80 juifs yéménites innocents ont été abattus, plus de 100 entreprises appartenant à des Juifs ont été complètement pillées, et les maisons, les écoles et les synagogues ont été brûlées au sol. C’était l’une des attaques les plus violentes contre toute population juive dans le monde arabe.
Une solution unique et créative a été trouvée pour sauver les Juifs Yéménites persécutés.
De 1949 à 1950, le gouvernement israélien a promulgué l’Opération Magic Carpet (ou « On the Wings of Eagles »).  L’opération a été mise en œuvre conjointement par l’aviation américaine et britannique qui ont volé jusqu’à Aden et transporté par avion les Juifs du Yémen vers Israël.
À la fin de l’opération, plus de 47 000 Juifs yéménites ont été sauvés de la persécution et emmenés vers leur nouveau foyer dans l’État d’Israël.
Une famille yéménite marchant à travers le désert pouir rejoindre un camp de regroupement organisé par le Joint près d’Aden, photo : Kluger Zoltan – Archives photographiques nationales israéliennes
Libye
Les Juifs de Libye y étaient établis pendant plus de 2 300 ans et y avaient une culture prospère, avec une population de plus de 37 000 habitants.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, le régime libyen a mis en œuvre son propre ‘holocauste’ nazi (Shoah), où plus de 2 000 juifs ont été transportés dans des camps de concentration du désert et des centaines d’entre eux y sont morts.
Dans la Libye d’après-guerre, le nationalisme arabe a grandi en popularité, entraînant des pogroms violents contre la communauté juive.
En 1945, dans la ville de Tripoli, plus de 140 Juifs ont été tués dans une violente émeute antisémite et quelques années plus tard en 1948, un autre pogrom a éclaté, ce qui a entraîné 12 morts juifs et la destruction de plus de 280 maisons juives.
Entre 1948 et 1951, 30 972 Juifs ont fui vers Israël en raison du gouvernement arabe hostile de la Libye.
Cliquer sur l’image pour visionner le film de Michael Grynszpan
Se souvenir de leurs histoires 
Les descendants de ces immigrants des pays arabes représentent maintenant la majorité de la population juive israélienne.
Les exilés juifs qui ont été forcés de fuir leurs maisons et ont dû surmonter leur tragédie personnelle et communautaire : beaucoup ont occupé des postes importants dans le gouvernement national et dans les secteurs public et privé.
Ils ont apporté une contribution précieuse au tissu de la société israélienne et leurs cultures vivantes font partie intégrante de la mosaïque colorée du peuple juif sur la Terre d’Israël.
Il est temps pour le monde d’entendre leur histoire !

Il y a cinquante six ans cette année, les juifs d’Algérie ont quitté leur terre. Contrairement aux pieds noirs, descendants de colons et d’immigrés italiens ou espagnols, ils étaient installés sur cette terre d’Algérie depuis plus de 2000 ans.

Pour ces communautés ancestrales de Constantine, de Henchir Fouara, de la région de Tebessa ou de Setif, ce départ vers la métropole, maquillé en « retour », fut un cruel déracinement et un déni, un exil.

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Crédits: Bernard Nantet.
En 1962, 800.000 « rapatriés » quittent l’Algérie précipitamment. Parmi eux, des « Européens », des harkis, et 150.000 juifs adoubés d’une pseudo-identité d’Européens, alors qu’ils étaient parmi les plus anciennes populations indigènes.

Ni « rapatriés », ni « pieds noirs », ni colons, leurs racines étaient en Algérie, et plus largement en Afrique du Nord.

De Palestine, de Rome, d’Egypte ou de Cyrénaïque, leur venue était liée à la destruction du Temple par Titus et à la déportation des premiers juifs en Afrique comme esclaves et prisonniers de guerre.

Autrement dit, avant l’arrivée du christianisme, qui s’est répandu dans l’Empire romain par le biais des synagogues. Et, a fortiori, longtemps avant l’islam.

La mémoire juive de l’Algérie

« On aura beau faire, affirme Raphaël Draï, la mémoire de l’Algérie est une mémoire juive. »

Mais les amitiés individuelles n’empêchent pas les épreuves collectives et une mémoire douloureuse, comme en témoignent l’expulsion des juifs d’Oran en 1666, le massacre d’Alger en 1805, ou la décapitation du grand rabbin d’Alger, Isaac Aboulker, dix ans plus tard.

Beaucoup se plaisent à dater du décret Crémieux la mésentente entre les populations, mais c’est faire peu de cas de la dhimma, qui régissait les non-musulmans dans la loi coranique.

En effet, la conquête de l’Algérie, en 1830, mettait fin à trois siècles de domination ottomane.

Le décret Crémieux, qui accorde, en 1870, la nationalité française aux populations indigènes, offre aux juifs le moyen de se libérer enfin du statut de dhimmis, de « protégés ».

Cet affranchissement déclenche autant le ressentiment des musulmans, attachés à leur propre statut, que la fureur des populations « européennes » foncièrement antisémites, qui exigent son abrogation — ou du moins, le retrait du droit de vote aux juifs.

« La hiérarchie des racismes organisait la société, » résume Jacques Tarnero, originaire d’Oran (1).

Au tournant du siècle, l’affaire Dreyfus et la publication du J’accuse d’Emile Zola se traduisent, en Algérie, par une violence inouïe : meurtres, viols, assassinats de nourrissons…

Même si, au moment de la Grande Guerre, 14.000 juifs d’Algérie, mobilisés dans les régiments de zouaves, se distinguent au combat (plus de 1700 morts, un millier de veuves et 560 orphelins) certains à Alger nient l’existence du sacrifice, faisant du négationnisme avant la lettre.

Dans les années trente, la crise économique aidant, ce sont les juifs que les colons chargent de tous les maux, y compris des revendications nationalistes des musulmans.

Des heurts violents éclatent à Alger, Constantine, Oran et Sétif. Et le 5 août 1934, c’est le pogrom de Constantine : les musulmans se ruent dans le quartier juif et assassinent, pillent, mutilent, saccagent, comme l’illustrent les documents de l’exposition.

Enfin, en 1940, Vichy décide l’abrogation du décret Crémieux, dépouillant les juifs d’Algérie de tout statut officiel jusqu’en 1943. Ils ne se remettront jamais tout à fait de cette trahison.

En 1962, c’était la grande époque du photo-journalisme. Michel Salomon, le rédacteur en chef de L’Arche, le mensuel du FSJU qui a cessé de paraître en 2011, avait compris que c’était la photo qui faisait la force du témoignage dans des hebdomadaires comme le Nouvel Observateur et l’Express, sans parler de Paris-Match.

Il envoya Bernard Nantet, un jeune reporter photographe, à Marseille et à Orly pour photographier l’arrivée des nouveaux immigrants, les juifs d’Algérie.

Les photos ci-dessous, à Marseille dans le camp de transit du Nouvel Arenas, inédites, attestent de leur désarroi et des conditions de leur accueil. Sur la photo n°4, il est écrit en hébreu : Broukhim Habahim, « bénis ceux qui viennent », autrement dit : soyez les bienvenus. Il s’agit probablement de la salle de prières.

Edith Ochs Journaliste et écrivain

huffingtonpost

(1) Jacques Tanero, Le Nom de trop : Israël illégitime ? Ed. Armand Colin

 

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Leray

On rappellera à l’auteur de l’article, que avant l’arrivée des Français, Oran était une ville espagnole…
Parmi les miens, j’ai un oncle dont le père était d’origine espagnole et sa mère juive berbère.Il est juif?
En tout cas , c’est un pied noir comme moi…
Raphael Dray a écrit un bouquin en 2003 demandant les retour des pieds noirs en Algerie…
Le mot pied noir est une invention des patos…Pour l’Algerie francaise, qui était composée de départements,
le terme pour les juifs et chrétiens étaient Français d’Algerie.
Je vous ai compris.

Bonaparte

Deouis l’exode ……

Nous n’étions nulle part  » chez nous  » ni en sécurité .

La chasse était ouverte à chaque instant .

Celui qui avait un problème , même banal n pouvait se défouler sur les Juifs sans défense .

Tellement facile .