Il aura fallu attendre 2014 pour que la Knesset adopte une loi fixant au 30 novembre de chaque année la commémoration de l’expulsion et de l’exode des Juifs des terres d’Islam.
Cette date, non choisie au hasard, correspond aux émeutes anti-juives qui ont éclaté à Aden au Yémen au lendemain du vote de l’ONU sur la partition de la Palestine mandataire.
Les autorités israéliennes s’activent d’ailleurs en coulisse pour réparer une blessure historique: restituer les biens des Juifs originaires des pays arabes.
D’après un rapport universitaire, la somme des biens saisis avoisinerait les 20 milliards de dollars.
Immigrants du Maroc à bord d’un navire en route vers Israël, 1957-Photo: Leni Sonnenfeld
Beit Hatfutsot, Archives de photos, Tel Aviv, Collection Sonnenfeld
Il y a cinquante six ans cette année, les juifs d’Algérie ont quitté leur terre. Contrairement aux pieds noirs, descendants de colons et d’immigrés italiens ou espagnols, ils étaient installés sur cette terre d’Algérie depuis plus de 2000 ans.
Pour ces communautés ancestrales de Constantine, de Henchir Fouara, de la région de Tebessa ou de Setif, ce départ vers la métropole, maquillé en « retour », fut un cruel déracinement et un déni, un exil.
Ni « rapatriés », ni « pieds noirs », ni colons, leurs racines étaient en Algérie, et plus largement en Afrique du Nord.
De Palestine, de Rome, d’Egypte ou de Cyrénaïque, leur venue était liée à la destruction du Temple par Titus et à la déportation des premiers juifs en Afrique comme esclaves et prisonniers de guerre.
Autrement dit, avant l’arrivée du christianisme, qui s’est répandu dans l’Empire romain par le biais des synagogues. Et, a fortiori, longtemps avant l’islam.
La mémoire juive de l’Algérie
« On aura beau faire, affirme Raphaël Draï, la mémoire de l’Algérie est une mémoire juive. »
Mais les amitiés individuelles n’empêchent pas les épreuves collectives et une mémoire douloureuse, comme en témoignent l’expulsion des juifs d’Oran en 1666, le massacre d’Alger en 1805, ou la décapitation du grand rabbin d’Alger, Isaac Aboulker, dix ans plus tard.
Beaucoup se plaisent à dater du décret Crémieux la mésentente entre les populations, mais c’est faire peu de cas de la dhimma, qui régissait les non-musulmans dans la loi coranique.
En effet, la conquête de l’Algérie, en 1830, mettait fin à trois siècles de domination ottomane.
Le décret Crémieux, qui accorde, en 1870, la nationalité française aux populations indigènes, offre aux juifs le moyen de se libérer enfin du statut de dhimmis, de « protégés ».
Cet affranchissement déclenche autant le ressentiment des musulmans, attachés à leur propre statut, que la fureur des populations « européennes » foncièrement antisémites, qui exigent son abrogation — ou du moins, le retrait du droit de vote aux juifs.
« La hiérarchie des racismes organisait la société, » résume Jacques Tarnero, originaire d’Oran (1).
Au tournant du siècle, l’affaire Dreyfus et la publication du J’accuse d’Emile Zola se traduisent, en Algérie, par une violence inouïe : meurtres, viols, assassinats de nourrissons…
Même si, au moment de la Grande Guerre, 14.000 juifs d’Algérie, mobilisés dans les régiments de zouaves, se distinguent au combat (plus de 1700 morts, un millier de veuves et 560 orphelins) certains à Alger nient l’existence du sacrifice, faisant du négationnisme avant la lettre.
Dans les années trente, la crise économique aidant, ce sont les juifs que les colons chargent de tous les maux, y compris des revendications nationalistes des musulmans.
Des heurts violents éclatent à Alger, Constantine, Oran et Sétif. Et le 5 août 1934, c’est le pogrom de Constantine : les musulmans se ruent dans le quartier juif et assassinent, pillent, mutilent, saccagent, comme l’illustrent les documents de l’exposition.
Enfin, en 1940, Vichy décide l’abrogation du décret Crémieux, dépouillant les juifs d’Algérie de tout statut officiel jusqu’en 1943. Ils ne se remettront jamais tout à fait de cette trahison.
En 1962, c’était la grande époque du photo-journalisme. Michel Salomon, le rédacteur en chef de L’Arche, le mensuel du FSJU qui a cessé de paraître en 2011, avait compris que c’était la photo qui faisait la force du témoignage dans des hebdomadaires comme le Nouvel Observateur et l’Express, sans parler de Paris-Match.
Il envoya Bernard Nantet, un jeune reporter photographe, à Marseille et à Orly pour photographier l’arrivée des nouveaux immigrants, les juifs d’Algérie.
Les photos ci-dessous, à Marseille dans le camp de transit du Nouvel Arenas, inédites, attestent de leur désarroi et des conditions de leur accueil. Sur la photo n°4, il est écrit en hébreu : Broukhim Habahim, « bénis ceux qui viennent », autrement dit : soyez les bienvenus. Il s’agit probablement de la salle de prières.
(1) Jacques Tanero, Le Nom de trop : Israël illégitime ? Ed. Armand Colin
On rappellera à l’auteur de l’article, que avant l’arrivée des Français, Oran était une ville espagnole…
Parmi les miens, j’ai un oncle dont le père était d’origine espagnole et sa mère juive berbère.Il est juif?
En tout cas , c’est un pied noir comme moi…
Raphael Dray a écrit un bouquin en 2003 demandant les retour des pieds noirs en Algerie…
Le mot pied noir est une invention des patos…Pour l’Algerie francaise, qui était composée de départements,
le terme pour les juifs et chrétiens étaient Français d’Algerie.
Je vous ai compris.
Deouis l’exode ……
Nous n’étions nulle part » chez nous » ni en sécurité .
La chasse était ouverte à chaque instant .
Celui qui avait un problème , même banal n pouvait se défouler sur les Juifs sans défense .
Tellement facile .