James Bond n’existe pas ! Un ancien de la DGSE nous explique pourquoi [Interview]

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10/07/2017 – 07h10 Paris (Breizh-Info.com) –  Francois Waroux, officier traitant à la DGSE pendant plus de vingt ans a oeuvré entre légalité et illégalité au nom de la raison d’Etat. Fils de militaire et commandant d’une compagnie des transmissions, il a décidé de quitter une carrière militaire toute tracée pour devenir « espion » au SDECE, ancien nom de la DGSE, la Direction Générale de la Sécurité Extérieure.

Pour justifier son choix, il n’hésite pas à dire : « Quel jeune homme résisterait à la perspective de travailler dans le secret et l’illégalité avec la permission de l’Etat ! » .

Dans son livre « James Bond n’existe pas, mémoires d’un officier traitant », Francois Waroux détaille par le menu la vie d’un officier traitant aidé d’honorables correspondants dans divers lieux de missions comme aux Etats-Unis, en Ethiopie ou au Pakistan. Il ne cache rien d’une réalité où se mêlent souvent le mensonge, la tromperie, le chantage et la manipulation. Il témoigne de ce métier d’agent de renseignement qui représente un art délicat fondé, selon lui, sur une action guidée par le patriotisme et la dignité.

Nous l’avons interrogé pour en savoir un petit peu plus, ci-dessous.

James Bond n’existe pas – François Waroux – Louis de Mareuil éditions .

Breizh-info.com : Tout d’abord avec un tel titre, vous allez provoquez le même drame que lorsque l’on annonce aux enfants ce qu’il en est du père noël ….pourquoi l’avoir choisi ? 🙂

François Waroux : Ce titre a été choisi par ce que nous l’avons trouvé original. Le sous titre sur la première page de couverture donne une interprétation plus explicite .Il montre bien l’antagonisme entre le vrai  “James Bond” et le “ James Bond” des films . Il est là, précisément pour démystifier la légende propulsée à travers tous les films qui sont sortis sur le sujet. Ce n’est pas une démystification péjorative, loin de là. Ce livre n’est pas destiné aux enfants . il peut et même il doit être lu par les adolescents ( qui ne croient plus au Père Noël ) …  Ces mémoires se veulent didactiques et susciter pourquoi pas, des vocations.

J’aime énormément les films sur James Bond . Mais ils ne reflètent pas la réalité . Cette réalité j’ai voulu l’écrire . Je l’ai gardée pendant des années depuis 1995 date de ma retraite  et cela me fait du bien d’en parler .

Enfin je ne pense pas que beaucoup de livres ont été écrits, décrivant la réalité  du travail sur le terrain des officiers traitant (OT) . Ces OT  font le même “métier” que J B,  mais ils travaillent dans l’ombre sans se montrer ni  profiter  de leur physique  ou  de  jouir de la plastique de belles femmes qu’il rencontrent sur leur chemin ou ailleurs ……….

Breizh-info.com : Qu’est ce qui vous a amené à rentrer dans les services spéciaux ? Vous évoquez une fascination pour l’immoralité, expliquez vous ?

François Waroux : Comme beaucoup de jeunes, j’était fasciné par le coté exceptionnel et « interdit » que représentaient pour moi les services spéciaux . Entrer dans une enceinte dans laquelle peu de personnes pouvaient entrer … devenait pour moi un challenge ; une barrière à franchir.

La barrière « immorale » que l’on franchit vient après une long processus qui intervient dans une formation spécifique qui dure 8 à 9 mois au moment où l’on intègre à la Centrale ( la caserne Mortier ou la piscine ou le SDECE ou maintenant la DGSE .) . Travailler dans l’illégalité avec, bien évidemment la caution de l’Etat est plus que grisant. On ne travaille que sous l’autorité de l’Etat. Il n’est pas question de faire n’importe quoi.

Breizh-info.com : Vivre plusieurs vies en même temps, n’est-ce pas un coup à devenir schyzophrène ?

François Waroux : C’est une excellente question car elle est souvent posée. Avant d’entrer dans cette institution somme toute particulière on subit des tests psychos en tout genre et ce , en fin de formation. Si on est jugé par les psy. apte à faire ce pourquoi on est entré dans le Service, on est destiné dans un futur proche à manipuler des agents ou des sources pour les pousser à trahir . les autres, sont destinés à être analystes dans des services spécialisés de la Centrale.

Ce sont eux qui décident de la qualité des renseignements recueillis sur le terrain par les officiers traitants. IL s’agit là d’un travail essentiel qui sera ensuite fourni aux dirigeants de notre pays .

Breizh-info.com : Y’a t’il des relations « artificielles « , des trahisons (ou des belles expériences) que vous ressassez encore aujourd’hui ?

François Waroux : Non pas du tout. Pendant 22 ans je n’ai absolument pas parlé des mes activités passées. Certaines étaient connues de mon épouse. Cette question rejoint un peu la précédente. Ma personnalité ne m’a jamais trahie. Il faut se mettre quelquefois dans la peau d’un acteur de théâtre . Lui aussi se dédouble devant de vraies personnes (les spectateurs) . Ensuite, une fois la pièce jouée, il redevient lui-même. C’est un peu comme cela que j’ai assumé mon métier. Il ne faut pas avoir d’état d’âme : c’est clair. Si non, on ne fait pas ce métier qui est dangereux et fascinant.

Je dois dire que ce livre constitue maintenant une sorte de libération. Ne rien dire pendant toutes ces années est un poids à supporter. c’est vrai . Mais là aussi, on est formé pour ça.

Breizh-info.com : Quelles sont les expériences qui vous ont marqué plus particulièrement ?

François Waroux : Deux expériences m’ont particulièrement marquées. En Ethiopie , pays particulièrement difficile à l’époque de la famine 83-85 sous le régime dictatorial de Mengistu où j’ai frôlé un attentat. En Ethiopie je travaillais sous couverture diplomatique. Puis quand j’étais sous légende aux Etats Unis. Sous légende on est en stress permanent ; cette tension permanente n’est pas simple à gérer mais elle est aussi palpitante et captivante . Le risque du métier engendre des situations à gérer. Cette gestion vaut le coup d’être vécue. Mais il vrai que tout le monde ne souhaite pas vivre ce que j’ai vécu.

Breizh-info.com : Quelles sont les qualités principales selon vous pour faire un bon agent de la DGSE ?

François Waroux : Question , il est vrai classique et je vais y répondre aussi simplement que possible.

Je crois qu’il faut être parfaitement équilibré, être bien dans sa peau ou dans ses « bottes ». Ne surtout pas fantasmer et croire que l’on est suivi partout. Ne pas se prendre pour un Caïd. On travaille dans l’ombre Il faut également faire preuve d’empathie afin de bien manipuler la personne qui va devenir sa source ou son agent . Il faut faire preuve de psychologie ; savoir faire, sans se faire remarquer, l’environnement des futurs agents ( c’est-à-dire ceux qui vont être amenés doucement mais surement à trahir) Enfin il faut être convaincu que l’on est en guerre permanente et tout ce que l’on fait même dans la turpitude , pour raison d’Etat , est une bonne chose . Ce que je viens d’écrire est terrible, mais c’est la réalité vécu par l’officier traitant.

Breizh-info.com :  Les profils recherchés ont-ils évolué avec la situation internationale et les changements profonds ? Un agent de la DGSE bon dans les années 70 le serait il encore aujourd’hui ?

François Waroux : Les profils recherchés sont fondamentalement les mêmes. En effet le métier de l’officier traitant est de manipuler des sources. C’est ce qu’on appelle l’objectif « Homo » On aura toujours besoin d’infiltrer un réseau , de pénétrer un objectif défini par le gouvernement etc. il faut donc faire preuve d’astuces , de finesse, d’intelligence, et de patience.

Mais il est vrai que le développement de l’informatique, des téléphones cellulaires, des réseaux sociaux ont considérablement changé la toile de fond ou le décors dans lequel l’OT 2017 évolue . Un bon agent en 70 serait encore bon en 2017 , mais il devra s’adapter très vite aux nouvelles techniques d’investigation basées sur l’informatique en particulier . Je pense en particulier à tout ce qui touche le cyber espace : la cyber attaque et/ ou la cyber défense. Les aspects cruciaux relatifs au terrorisme, aux attentats etc. étaient moins criant dans les années 70 complètement figées par ailleurs par l’antagonisme Est – Ouest .. qui n’existe plus et qui a été, pour simplifier, remplacé par un axe Sud-Nord avec le djaïdisme et toutes ses composantes.

Breizh-info.com : La série « le bureau des légendes » connait actuellement un franc succès sur Canal + et ouvre la porte d’une profession et d’un monde très peu connu. L’avez vous regardé ? Et si oui quel regard portez vous sur cette série ?

François Waroux : Oui absolument. C’est une très bonne série mais je ne pense pas qu’elle suscite des vocations ( à l’inverse de mon livre que je prétends humblement posséder un petit coté didactique …) En effet on ne peut pas être sous légende pendant une année ou plus. Cela est impossible. J’ai en effet vécu la chose et c’est difficile de faire semblant pendant longtemps. Un jour ou l’autre on peut commettre un oubli, une attitude que l ‘on croit avoir mise de coté et que l’on retrouve inconsciemment . Dans ce cas la mission est compromise pour ne pas dire foutue…

Enfin le haut responsable du bureau des légendes n’a pas à s’impliquer autant dans l’action. Si le chef est tué ou s’il disparait , que se passe t’il ? Le film est passionnant et excellent. Dans la réalité ce n’est pas tout à fait cela . Mais c’est un film !

Breizh-info.com : Est-on vraiment un jour véritablement à la retraite lorsque l’on quitte la DGSE ?

François Waroux : En ce qui me concerne : oui. Je n’ai eu jusqu’à maintenant et ce depuis 1995 aucun contact avec qui que ce soit de la DGSE. Par ailleurs je n’ai jamais écrit pendant mes 22 ans de retraite, aucune « nouvelle » aucun texte ; je n’ai fait état d’aucun regret ni de cas de conscience . Peu de temps après avoir pris ma retraite j’ai été conseiller municipal, puis maire puis maire adjoint . Maire adjoint car, j’en avais assez de traiter au niveau de ma petite commune des histoires de voisinage etc.

J’avais de quoi m’occuper.

En octobre dernier, par le biais de mes relations en Dordogne , un éditeur ( Louis de Mareuil ) me téléphone. Voulez vous raconter votre passé ? J’ai dit : oui , pourquoi pas ?

Propos recueillis par Yann Vallerie

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