Interviewé sur la 12, Blinken explique comment éviter la violence. Le secrétaire d’État américain en entretien exclusif: « L’accord avec l’Iran est moins dangereux que la situation sans celui-ci ».

Dans un entretien sur la chaine 12 avec Yonit Levy, Anthony Blinken parle de la confrontation entre Israël et le Hamas: « Les deux parties doivent empêcher les choses qui pourraient raviver la violence ».

• Blinken, la plus haute personnalité de l’administration Biden qui s’est entretenue avec le public israélien ‒ sans pour autant faire apparaitre un signe d’avertissement ‒ signale qu’il se passe des choses qui doivent être abordées.
• Propositions de son parti d’annuler les accords d’armement avec Israël: » Nous nous engageons pour votre sécurité « 

Le secrétaire d’État américain a abordé le problème de Gaza, de la critique d’Israël au sein du Parti démocrate ‒ de la question iranienne et de la question de savoir pourquoi l’administration Biden veut signer un nouvel accord nucléaire avec l’Iran, malgré l’opposition israélienne. En tant que fils de parents juifs et de celui dont le beau-père est un survivant de l’Holocauste, Linken parle également de l’aggravation des incidents antisémites aux États-Unis.

Ce n’est bien sûr pas la première fois que vous venez ici, vous y êtes déjà venu plusieurs fois, mais c’est votre première visite en tant que secrétaire d’État. Je veux commencer par vous poser des questions sur le cessez-le-feu. Nous semblons être coincés dans un cycle où, toutes les quelques années, il y a une guerre courte mais destructrice entre Israël et le Hamas, et les États-Unis ont bien sûr contribué à instaurer un cessez-le-feu, mais de nombreux Israéliens pensent que ce n’est qu’une question de temps avant la prochaine confrontation. Que peut-on faire, quelle est l’issue?

«Je pense que nous devrions essayer de sortir du cycle de la violence, car sinon elle se répétera, que ce soit dans un mois, un an ou cinq ans, mais je ne pense pas que cela sert les intérêts de qui que ce soit, ni d’Israël ni des Palestiniens», a déclaré Blinken. « Nous devons travailler ensemble pour essayer de réhabiliter et créer des opportunités pour une vie meilleure pour les habitants de Gaza ».

« En même temps, je pense qu’il incombe aux deux parties d’essayer d’empêcher certaines choses qui pourraient raviver le cycle de la violence », a-t-il ajouté. Égalité de sécurité, d’opportunités et de respect, et ce sont des choses qui s’expriment dans une variété de façons ».

À propos de l’assistance militaire américaine à Israël ‒ au cours de cette opération à Gaza , les législateurs progressistes ont entendu une résistance croissante de l’ accord sur les armes avec Israël et des tentatives de l’annuler. Y a-t-il une chance que le gouvernement américain reconsidère l’accord pour la fourniture d’armes et de munitions à Israël?

« Le Président Biden a dit très clairement et à plusieurs reprises: nous sommes attachés à la sécurité d’Israël », a souligné Blinken. « Nous veillerons à ce qu’Israël ait les moyens de se défendre. Et surtout lorsqu’il s’agit d’un événement comme celui que les Israéliens ont vécu ces dernières semaines, une organisation terroriste qui attaque et tire sur des civils sans discrimination, nous nous assurerons qu’Israël ait la possibilité de faire face à une telle chose ».

En même temps, en tant que régime démocratique, Israël porte un double fardeau, un fardeau qui nous est également familier en tant qu’États-Unis ‒ faire en sorte que lorsqu’il se défend et défend ses citoyens, il fasse tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher des pertes civiles ».

Pensez-vous que c’est ce qu’Israël a fait dans cette affaire?

« Je pense qu’Israël a pris des mesures très importantes pour y parvenir, mais nous savons aussi que des deux côtés, des hommes, des femmes et en particulier des enfants ont perdu la vie. Je veux profiter de cette occasion pour parler de la situation dans son ensemble ‒ la relation entre Israël et les Palestiniens ».

Y aurait-il une tentative de relancer le processus de paix israélo-palestinien? Vous avez dit lors de l’audience d’approuver votre nomination concernant un État palestinien que vous aviez du mal à voir les options pratiques pour progresser à court terme. Pensez-vous toujours ainsi?

Nous sommes toujours convaincus qu’une solution à deux États est non seulement le meilleur moyen, mais probablement le seul moyen de vraiment garantir qu’à l’avenir Israël reste un État juif, démocratique et sûr, et que les Palestiniens obtiennent l’État auquel ils ont droit. Telle est notre ambition, mais nous nous concentrons actuellement sur ce dernier, pour essayer de s’appuyer sur le cessez-le-feu, pour répondre aux besoins immédiats – et ensuite nous examinerons si au fil du temps les circonstances changent pour créer un environnement permettant une solution à deux États ».

Le président iranien Hassan Rohani   a déclaré que l’Iran était proche de parvenir à un accord. Il a déclaré: « Nous avons fait un grand pas en avant et sommes parvenus à un accord de principe ». C’est vrai? À quel point l’accord est-il proche?

«Si cela est vrai, nous n’en avons pas entendu parler, car nous sommes maintenant au milieu du cinquième cycle de discussions à Vienne. Comme vous le savez, il s’agit de discussions indirectes, nous n’avons pas eu de pourparlers directs avec l’Iran, tout est fait par l’UE et nos autres partenaires. Je pense que nous avons clarifié ce qui est nécessaire. « Une partie doit revenir au respect de l’accord nucléaire, mais la question demeure de savoir si l’Iran est vraiment disposé à faire ce qui est exigé de lui pour revenir au respect de l’accord nucléaire. Il n’y a toujours pas de réponse à cette question ».

Comme vous le savez, le Premier ministre israélien ne cache pas son opposition à l’accord avec l’Iran. Aujourd’hui, lors de votre déclaration conjointe, il a déclaré: « J’espère que les États-Unis ne reviendront pas à l’accord nucléaire ancien.  Etes-vous sûr que vous avez l’intention de revenir aux mêmes conditions qui existent dans l’accord nucléaire, ou d’ajouter d’autres sections pour garantir que l’Iran signera un accord?

 «Les États-Unis et Israël sont d’accord complètement sur le fait que l’Iran ne doit pas acquérir d’armes nucléaires. Ce n’est pas un secret non plus qu’au fil des ans, nous avons eu des désaccords sur la meilleure façon de garantir cela, de nous assurer que l’Iran n’acquiert pas d’armes nucléaires. De notre point de vue, l’accord sur le nucléaire a atteint son objectif: bloquer tous les moyens de l’Iran de produire des matières fissiles au profit de la production d’armes nucléaires en peu de temps. Nos experts ont confirmé que l’accord fonctionne, les experts internationaux ont confirmé que l’accord fonctionne et qu’il y avait un régime d’essais très invasif, plus que tout autre accord de maîtrise des armements, et le résultat était que lorsque l’accord était appliqué, si l’Iran décidait de produire des matières nucléaires , cela prendrait au moins un an pour le faire ‒ que c’était assez long pour le remarquer, et en cas de besoin de faire quelque chose à ce sujet ».

« Et voici ce qui s’est passé depuis lors », a déclaré Blinken, « maintenant que nous sommes hors de l’accord, l’Iran a commencé à ignorer les restrictions de l’accord et est plus proche de la capacité de produire des matières fissiles pour les armes nucléaires, à très court terme. Donc, au lieu d’être moins dangereux sans l’accord, il est devenu plus dangereux. L’Iran reviendra pour respecter l’accord, nous ferons de même. Nous voulons aussi prolonger et renforcer l’accord. De plus, nous travaillons dur sur les questions où l’Iran est un acteur dangereux et problématique pour nous et pour Israël, actions qui sapent la stabilité dans la région, prolifération des armes, soutien aux organisations terroristes, etc.

Lorsque vous dites prolonger, voulez-vous prolonger l’accord, qui doit expirer en 2031?

« Oui, je pense que c’est important, bien sûr, avec le temps, les délais se sont raccourcis. Cependant, les deux sections les plus importantes: le degré d’enrichissement autorisé pour l’Iran – 3,67% et les restrictions sur l’accumulation d’uranium enrichi, 300 kg, ces deux sections sont valables jusqu’en 2030, donc si « l’Iran reviendra pour respecter l’accord, nous aurons le temps de prolonger ces délais et plus encore ».

Dans votre discours de remerciement, vous avez parlé de votre beau-père, Samuel, qui est un survivant de l’Holocauste. Je pense que cela a affecté de nombreux Israéliens. Je voulais vous demander, lorsque vous constatez cette augmentation des incidents antisémites aux États-Unis, pouvez-vous nous dire ce que vous ressentez, non seulement au niveau national en tant que secrétaire d’État, mais aussi au niveau personnel?

« Cela me dérange profondément. Et nous assistons à une flambée très inquiétante d’incidents antisémites, mais en vérité, l’antisémitisme a augmenté aux États-Unis et dans le monde entier depuis des années. Nous le savons par l’histoire, c’est un signe préliminaire qui est presque inévitable, lorsqu’il y a une flambée d’antisémitisme, la haine envers d’autres groupes suit presque toujours. Et nous voyons cela se produire maintenant aux États-Unis, par exemple avec la haine envers les Américains d’origine asiatique, donc ces vues m’affectent aussi à un niveau très personnel, mais je le vois aussi comme un avertissement, que des choses se passent et qu’elles devraient être traitées; mais si cela reste autorisé, ces évènements continueront à augmenter et à se développer, à continuer sans loi, à la fin, vous obtenez un incendie qui affecte beaucoup de gens ».

Vous savez, le conflit israélo-palestinien aboutit depuis des années à une augmentation des incidents antisémites violents en Europe. Lorsque nous voyons, par exemple, des personnalités bien connues de la gauche progressiste aux États-Unis, qui appellent Israël un «État d’apartheid», ne craignez-vous pas que cette rhétorique ne conduise à davantage d’incidents antisémites, au lieu de les calmer?

« L’une des choses merveilleuses à propos de mon travail ‒ en ce moment en tant que secrétaire d’État ‒ est que je ne suis pas impliqué dans la « politique politicienne ». Je ne suis impliqué que dans l’action politique. Je pense que nous devons tous faire attention, et quand nous voyons de l’antisémitisme apparaître partout, que ce soit aux États-Unis, dans cette partie du monde ou ailleurs dans le monde, nous devons le prendre au sérieux et y faire face ».

Le président Biden est venu ici à plusieurs reprises et, bien sûr, il y a sa célèbre histoire en tant que jeune sénateur qui rencontra Golda Meir. Il était ici en tant que sénateur et aussi en tant que vice-président. Pouvez-vous nous dire quand aura lieu sa première visite en Israël en tant que président?

 Je ne sais pas quand ni à quelle date, mais je peux vous dire qu’il a très hâte de revenir et vous avez raison, il est impliqué ici depuis… l’époque de Golda Meir. Et il a répété à plusieurs reprises qu’il avait travaillé avec tous les premiers ministres israéliens depuis Golda Meir. C’est quelque chose de très touchant. La connexion avec Israël, l’engagement pour la sécurité d’Israël. C’est quelque chose qui y est profondément enraciné. Et bien sûr, en tant que véritable ami d’Israël, il est prêt à dire honnêtement quand il est en désaccord avec quelque chose. En fin de compte, nous essayons de résoudre les problèmes ensemble. Telle était la nature des conversations que j’ai eues avec le Premier ministre, avec le ministre des Affaires étrangères, avec le ministre de la Défense et bien d’autres. Je pense que lorsque le Président viendra enfin ici, il poursuivra une très longue conversation qu’il entretient depuis des années ».

Traduit de l’hébreu par Eliezer Zis pour JForum ‒ N12-mako.il.news