Il y a une spécificité française, qui va de pair avec cette autre perversion qu’est le chauvinisme, la tendance à la haine de soi

Incroyable. Donald Trump insulte le Premier ministre canadien Justin Trudeau et, aussitôt, le pays tout entier, oppositions de droite et de gauche confondues, font bloc pour le soutenir.

Incroyable, parce qu’en France ce serait inconcevable.

Ainsi réagiraient, certes, le monde politique et l’opinion en Allemagne, en Angleterre. En France, non!

Lorsque Trump a rudement mis en cause l’Europe, le chroniqueur très conservateur du Figaro, Ivan Rioufol, suivi en cela par des centaines sinon des milliers d’internautes déchaînés, a célébré la grandeur exemplaire de Trump comparée à la petitesse, à la médiocrité de notre pauvre et minable président Emmanuel Macron.

Lorsque Jacques Chirac avait contribué à rehausser l’image de la France en s’opposant à la calamiteuse intervention américaine en Irak, Rioufol avait acclamé George Bush et ridiculisé la position française. Pour qui se prenait-on?

Cette fois, il récidive « le nouveau monde nous tourne le dos » jubile-t-il. Hourra! « Partout, renchérit-il, les populations écrivent l’Histoire sans nous », hourra! « Nous avons essuyé des déconvenues sur le climat, sur l’Iran, sur le commerce », hourra! Et de stigmatiser notre « veulerie de Bisounours » comparée aux « colères bienvenues » de Trump. L’article s’intitule « Trump sonne la fin de l’angélisme ». En 1936, des intellectuels de droite avaient signé un texte approuvant l’intervention de Mussolini en Ethiopie. Presque sous le même titre. Déjà.

En face, venu de la gauche et de l’extrême gauche, tous les prétextes sont bons (le drame de l’Aquarius en fut un de plus) pour clamer qu’on a « honte de la France ».

A lire tous ces étranges patriotes-là, contre notre pays, l’Italie a raison, la Hongrie a raison, la Pologne a raison; comme hier déjà l’Italie, une autre Italie, l’Allemagne, une autre Allemagne ou la Russie, une autre Russie, avaient raison. Tout le monde a raison. La France jamais. Ce qui n’excuse pas l’aveuglement de ceux qui considèrent, qu’à quelques méfaits qu’elle se soit livrée (et Dieu sait… !), la France a toujours eu raison.

Il y a là une spécificité française, qui va de pair avec cette autre perversion qu’est le chauvinisme, la tendance à la haine de soi (tout simplement).

Lorsque, récemment, un grand patron américain, intéressé un temps à la reprise de l’usine française de pneus Goodyear, y renonça, il argua, dans une lettre ouverte, que les ouvriers hexagonaux étaient fainéants, alcooliques et incompétents. Aussitôt, des internautes de droite le félicitèrent chaudement, il avait bien raison et lui, au moins, il osait le dire!

Lorsque l’acteur Gérard Depardieu accompagna un éloge de Vladimir Poutine et de la grande Russie d’une charge contre une France misérable, il fut, par les mêmes, acclamé. Lui, au moins, osait dire la vérité.

C’est là une tradition: finalement, pourquoi Jeanne d’Arc échoua-t-elle devant Paris? Les Anglais n’y furent pour rien. C’est le parti Bourguignon (plutôt de gauche celui-là) qui la repoussa parce qu’il était pro-Anglais.

Quand la Sainte Ligue, le parti des ultra catholiques, contrôla à son tour la capitale au XVIème siècle pour lutter contre Henri IV, elle appela les troupes espagnoles à la rescousse.

Et ce sont encore des troupes espagnoles dont le Grand Condé prit la tête, contre Mazarin, au nom de la réaction féodale.

Toujours il y eut en France une droite nationale et une droite anti-nationale.

Au nom de la droite nationale le duc d’Orléans, le futur Louis-Philippe, combattit à Valmy, dans les armées de la République. La droite anti-nationale, les légitimistes, s’engagea, elle, dans les rangs autrichiens, prussiens et russes contre la France.

Elle combattit également, cette droite nationale ralliée à Bonaparte, à Austerlitz, mais, de nouveau, l’autre droite, la droite anti-nationale, s’engagea dans les troupes russes et autrichiennes. Et, en 1814, elle revint au pouvoir dans les fourgons de leurs armées. En 1870, contre ceux qui appelaient à la résistance contre l’envahisseur prussien, elle imposa la conclusion d’une paix honteuse qui impliquait que l’on abandonnât l’Alsace et la Lorraine.

En 1940, enfin, quand le général de Gaulle incarna, avec panache, la droite nationale, cette droite éternellement anti-nationale se donna au maréchal Pétain et bascula dans la collaboration. Tandis que, jusqu’en juin 1941, une certaine gauche condamna la résistance, soit par pacifisme, soit par stalinisme.

C’est finalement le même clivage que l’on retrouve aujourd’hui.

Comme hier, il y a ceux qui font passer leurs réflexes de classe ou de caste, mais aussi leurs fureurs idéologiques avant toute forme de solidarité avec leur propre nation ou avec leur propre peuple.

Jean-François Kahn Journaliste et écrivain

 Le HuffPost

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

1 Commentaire
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
AJJ

Une critique improductive… un double « Axel » à mon gout. Rappelons tt de même que la position de la France contre la guerre en Irak correspondait , ni plus ni moins, à la politique pro arabe que nous payons encore aujourd’hui, très cher. Enfin, la dhimmitude n’aurait pas crée notre « Marianne » sans Jeanne D’Arc.