« Plus de 600 ONG, dédiées à la collaboration économique et sociétale, travaillent des deux côtés […] Quant aux militants de la paix, ils sont encore nombreux, multipliant les rencontres entre Israéliens et Palestiniens pour bâtir un avenir commun. » Par le Rabbin Yann Boissière (*), un article publié par Ouest France

Je volais vers l’Orient compliqué avec quelques idées simples ​a pu dire le Général de Gaulle. Le voyage que les Voix de la Paix viennent de mener en Israël et Territoires palestiniens a cherché à faire l’inverse, et nous n’avons pas été déçus ! Depuis 2015, l’association les Voix de la Paix promeut un dialogue inter-convictionnel ​entre philosophes, artistes, religieux, monde de l’entreprise : partagée par tous, la notion de convictions ​permet de dépasser le clivage de la foi. Aussi, parce que le conflit israélo-palestinien s’invite souvent de manière illégitime dans le débat français, nous sommes allés sur place, juifs, chrétiens, musulmans, religieux ou non religieux, pour déconstruire les clichés et écouter des voix multiples. De Ramallah à Jérusalem en passant par Bethléem et Jaffa, nous avons rencontré les sociétés civiles israélienne et palestinienne pour en percevoir les énergies positives.

La solution à deux états n’a plus le vent en poupe, et il faudra le déplorer

Au premier abord s’impose le constat d’une situation politique inextricable, d’une paix improbable. L’idée d’un conflit entre deux nationalismes légitimes, appelant dès lors la construction de deux états, a été portée, on s’en souvient, par le plan de partage de l’ONU du 29 novembre 1947. Acceptée par le mouvement sioniste pour fonder l’État d’Israël, refusée par la partie arabe : 75 ans plus tard et après six guerres israélo-arabes, nous en sommes toujours là. À une différence près : les extrémismes, des deux côtés, érodent le paradigme de la solution à deux états​. Chacun espère secrètement que la démographie jouera en sa faveur et réglera la question sur le terrain. Par ailleurs, le tumulte identitaire et le refus de céder un seul centimètre carré des lieux saints ​(chacun a les siens) brouillent la rationalité politique ; aujourd’hui, la solution à deux états n’a plus le vent en poupe – et il faudra le déplorer.

Entre la mer et le Jourdain, 60% de la population a moins de 20 ans

D’autres facteurs négatifs alourdissent l’horizon. Quand l’occupation israélienne en Cisjordanie (en dehors de la Zone A contrôlée par l’Autorité palestinienne) produit une folie administrative quotidienne qui favorise l’exaspération, une certaine culture politique et sociétale palestinienne ne favorise pas non plus les dynamiques d’avenir : conservatisme sociétal problématique vis-à-vis des femmes, culture du blâme permanente anti-israélienne, gouvernance sclérosée dont se détourne la jeune génération – rappelons qu’entre la mer et le Jourdain, 60 % de la population a moins de trente ans. Côté israélien ? Traumatisée par les attentats à répétition des années deux-mille, la société israélienne se protège de son côté du mur, et l’énergie s’est remobilisée autour des promesses de la start-up nation​. Âpre vérité, formulée en son temps par Max Weber : entre un peuple d’entrepreneurs et un peuple de combattants, l’attelage est difficile…

600 ONG travaillent des deux côtés

Est-ce le fin mot de l’histoire ? Absolument pas ! Plus de 600 ONG, dédiées à la collaboration économique et sociétale, travaillent des deux côtés ; Ramallah possède un hub technologique florissant, et nombreux sont ceux qui, des deux côtés, abandonnent l’idéologie pour, tout simplement, réussir. Quant aux militants de la paix, ils sont encore nombreux, multipliant les rencontres entre Israéliens et Palestiniens pour bâtir un avenir commun. Pas encore d’horizon politique en vue, mais les graines de la paix sont bel et bien là, en germe. Notre devoir est de ne pas l’oublier. Et, pour paraphraser Shimon Peres, de savoir que nulle terre n’est jamais trop petite pour héberger un grand rêve !

(*) Rabbin de JeM (Judaïsme en Mouvement), président des Voix de la Paix, secrétaire général de l’IHEMR (Institut des Hautes Études du Monde Religieux)

JForum – Ouest france

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