Behar: la dimension économique de la Torah? Vidéo

Dans la paracha Béhar on trouve une idée majeure. «Que si vous dites: «Qu’aurons nous à manger la septième année puisque nous ne pouvons ni semer ni rentrer nos récoltes? », Je vous octroierai ma bénédiction dans la sixième année tellement qu’elle produira la récolte de trois années» (Lévitique, 25, 20 et 21). Bible du Rabbinat.

Cette mitsva est l’une de celles qui illustrent le plus exactement le modèle économique de la Thora car il y a bien une dimension économique, au sens littéral, de la Création et c’est pourquoi dans le Chemoné Êsrei, la prière axiale d’Israël, le Créateur est qualifié concrètement «d’intendant de la vie: mekhalkel h’aym».

La vie au sens biblique n’est pas insubstantielle. L’homme ne se nourrit certes pas exclusivement de pain, mais sans pain il défaille et ne pense plus qu’à sa pitance. Il faut y veiller tout en préservant les ressources vives de la Création, ne pas les exténuer, ne pas les carencer, ne pas les nécroser.

A cette fin, il importe que les créatures apprennent à se défaire d’un véritable réflexe: celui de l’emprise qui consiste à s’emparer par vive force de l’objet d’une envie ou d’un désir.

Le geste remonte loin et haut. Il se rapporte à la transgression primordiale commise au Gan Eden lorsque le premier couple porta la main sur la fruit de l’arbre de la connaissance, qu’il s’en saisit avant de le porter à sa bouche et de le dévorer (Gn, 3, 6).

Un pareil réflexe forme la base de la volonté de puissance, celle qui ne connaît d’autre loi que la sienne. De ce point de vue, le champ économique, connexe à celui des armes, est devenu le champ électif d’une volonté de puissance aussi absolue.

La possession des biens et des êtres devient critère de souveraineté. L’être équivaut à l’avoir et les deux se dilatent au même rythme, jusqu’au moment où les volontés de puissance, se découvrant horriblement présentes et concurrentes en un même lieu, entrent en collision et entreprennent de d’annuler réciproquement.

Le modèle économique d’Israël s’inscrit à l’encontre de ces tendances archaïques et mortifères. La volonté de puissance doit le céder à la relation de confiance. La terre n’est pas chose inerte. Elle est vivante.

C’est d’elle que provient l’humus, le âphar où les humains seront façonnés avant de recevoir l’insufflation divine qui les dotera du langage (Gn, 2, 7). Elle aussi à ses rythmes et ses cycles.

On ne saurait l’exploiter jusqu’à saturation, jusqu’à l’épuiser. Le rythme vital sera ainsi le rythme chabbatique, à trois degrés comme tout ce qui doit être élaboré: le chabbat hebdomadaire, celui du repos des corps redevenus réceptacle des âmes; le chabbat septennal, la chemitta, celui du repos de la terre elle même de sorte qu’elle aussi reconstitue son énergétique vitale; et le chabbat jubilaire, le yovel, au cours duquel les conduites d’emprise et de captation se dénoueront pour qu’apparaissent des nouvelles formes de vie sociale, des modèles économiques inédits, et cela sans catastrophes et sans crises destructrices.

A cette fin, et dès la sixième année du cycle initial, chacun doit entreprendre le travail sur soi qui lui permettra de se défaire des conduites d’emprises, des comportements auto- centrés par lesquels chacun aussi se fait l’assureur absolu et compulsif de sa propre existence, sans faire confiance à personne d’autre, comme si l’univers n’était pas une Création issue de la bénédiction du Créateur.

C’est la raison pour laquelle cette paracha prolonge la paracha Kédochim qui liait ensemble le respect parental et l’observance du chabbat. Ce respect n’est pas formel. Il atteste de l’existence même des parents, de leur antériorité et donc du principe généalogique qui fait de la vie une infinie transmission. L’observance des rythmes chabbatiques conforte alors le principe généalogique premier de la Création tout entière d’où sera issu ensuite le principe généalogique parental lui même.

Cesser d’œuvrer au terme de la sixième année, c’est reconnaître l’existence divine et fonder cette reconnaissance sur un acte fondamental de confiance. Car seule la relation de confiance mérite le qualificatif d’éthique. Par elle, «l’homo oeconomicus» cesse de s’auto-couronner et s’en remet à la sollicitude d’autrui dont il ne doutera plus qu’il gagera réciproquement sa vie sur la sienne.

La vie est don de l’Éternel. Elle ne se reproduit et ne se développe que d’être donnée à son tour.

L’économie politique contemporaine acharnée aux surplus et avide d’extrêmes profits, l’économie obsessionnelle, idolâtre du signe «plus», l’a telle compris?

Raphaël Draï zatsal

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