Peter Neumann, directeur du Centre international pour l’étude de la radicalisation (ICSR) de l’université King’s College de Londres, affirme qu’Al-Qaida ou l’Etat islamique (EI) ne veulent plus réitérer des attaques de type 11-Septembre, mais plutôt des attentats de petite échelle « impliquant peu de gens et ne nécessitant pas beaucoup de préparation », comme les attaques qui ont frappé Paris du 7 au 9 janvier.

L’attaque contre « Charlie Hebdo » et les événements en France marquent-ils un tournant dans la stratégie du terrorisme islamiste visant le monde occidental ?

Oui, j’en suis convaincu. Les groupes islamistes, que ce soit Al-Qaida ou l’Etat islamique (EI), perpètrent désormais des attentats de plus petite ampleur. Depuis 2001, nous avions d’une certaine manière de la chance, car les djihadistes cherchaient absolument à commettre des attaques complexes et ambitieuses qui supposaient beaucoup de préparation et un grand nombre de participants. C’était beaucoup plus facile pour la police de les détecter, car ils étaient obsédés par l’idée de réitérer un 11-Septembre. L’an dernier, ils ont compris qu’il n’y avait pas besoin de s’attaquer au World Trade Center pour causer la terreur et exacerber les tensions dans nos sociétés. Un attentat de petite échelle impliquant peu de gens et ne nécessitant pas beaucoup de préparation peut créer un choc identique. C’est ce que nous avons commencé à voir l’an dernier à Ottawa et à Sydney.

Cette nouvelle stratégie marque-t-elle une dérive ou procède-t-elle d’une décision ?

Le 22 septembre 2014 a été diffusée sur les réseaux sociaux une déclaration d’un porte-parole de l’Etat islamique qui disait en substance : « Allez-y, faites tout ce que vous pouvez ! » Le message visait les Occidentaux et explicitement les Français. En constatant l’impact en Europe des exécutions comme celle du journaliste américain James Foley, les djihadistes se sont rendu compte qu’il suffisait de poster sur Internet la vidéo d’une exécution pour mettre le monde entier en émoi. Il n’y a pas besoin de lancer des avions contre le World Trade Center : en tuant une personne on peut faire réagir le président des Etats-Unis. Ils ont constaté que c’était plus efficace que les attaques d’ampleur qui ont d’ailleurs parfois échoué. Ce message a eu un grand impact chez les djihadistes d’Europe : ils ont compris que, pour devenir célèbre, il n’y avait pas besoin de faire comme à New York ou Madrid et qu’une attaque individuelle pouvait apporter la même renommée.

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Pensez-vous que le type de situation que connaît la France peut se répéter ailleurs dans le monde occidental ?

Je ne fais pas que le penser, j’en suis absolument certain. Il y aura d’autres attaques en France ou dans d’autres pays occidentaux. Il s’agit d’un nouveau modus operandi et je crois qu’à la fin de 2015 on se dira que cette année aura été celle des attaques de faible ampleur et d’énorme impact. Les sociétés occidentales comptent beaucoup de gens radicalisés, non seulement des djihadistes qui sont rentrés après avoir combattu en Syrie, mais aussi des partisans d’Al-Qaida et de l’EI qui n’ont jamais été là-bas. Donc, le potentiel est vaste pour de nouvelles attaques, car ces personnes comprennent l’ampleur du choc que peut produire un acte isolé.

Vous parlez de « tournant ». Mais l’idée d’attentats perpétrés par des individus n’est pas nouvelle…

C’est vrai, l’idée n’est pas nouvelle, évidemment. Elle est aussi vieille que le terrorisme lui-même. C’était la stratégie des anarchistes au XIXe siècle. Mais c’est nouveau si l’on se réfère aux années 2001-2010 où l’ensemble des mouvements djihadistes était tellement fasciné par le 11-Septembre que leur ambition était de recommencer.

Ce nouveau type d’attentats moins ambitieux est-il plus difficile à prévenir

Oui, et c’est le grand défi d’aujourd’hui pour les polices et les services secrets européens : trouver de nouvelles méthodes pour les détecter et les empêcher de passer à l’acte.

L’attentat contre « Charlie Hebdo » reflète-t-il la rivalité entre Al-Qaida et l’Etat islamique ?

Oui, car Al-Qaida, confronté aux succès de l’EI, est sur la défensive. Nous savons qu’Al-Qaida pense que la seule façon de reprendre l’avantage est de perpétrer des attentats spectaculaires dans le monde occidental. En fait, il y aura deux faits marquants de 2015 : d’une part les attaques de faible ampleur et d’autre part la rivalité entre Al-Qaida et l’EI pour exercer la suprématie sur le mouvement.

Pour vous, les événements de France portent-ils la signature d’Al-Qaida ?

Oui, je le pense. Al-Qaida estime que ce type d’attaque est celui où ils excellent : spectaculaire, relativement coordonnée et impliquant des gens entraînés.

L’émotion mais aussi la mobilisation sont impressionnantes dans la société française. Les manifestations en faveur de la défense des libertés et les démonstrations de cohésion peuvent-elles changer les choses ?

Cela ne changera pas ce que les djihadistes ont en tête : ils manifestent beaucoup d’enthousiasme à l’égard de ce qui vient de se passer et ne seront sûrement pas impressionnés. Mais c’est une bonne chose que la société française réagisse de cette façon, notamment parce que cela mobilise les musulmans modérés contre les djihadistes. Mais les personnes qui sont déjà radicalisées ou attirées par le djihad se moquent du nombre de personnes qui défilent.

[Philippe Bernard – Correspondant au Royaume-Uni – Le MondeArticle original

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« L’attentat de Paris est ‘la nouvelle normalité' », titre The Daily Beast,

Le quotidien cite des sources au sein du gouvernement américain, sans donner leur identité. D’après l’analyse de ces voix officielles, les Etats-Unis et l’ensemble des pays occidentaux doivent se préparer à une situation nouvelle : la menace permanente d’attaques comme celles de ces derniers jours en France. « Alors que des djihadistes voyous vivant en Occident exhortent à mener des attentats contre leur pays d’origine, la menace devient ‘la nouvelle normalité' », écrit The Daily Beast, citant les sources gouvernementales :

« Eliminer cette menace est impossible. »

La situation au Moyen-Orient constitue sans doute la principale raison de ce changement. « Il y a des milliers de djihadistes vivant en Occident. Ils sont bien plus nombreux que les membres des forces de sécurité chargées de garder un œil sur eux. Et avec la guerre qui fait rage en Syrie, ce déséquilibre va nécessairement s’amplifier puisque des combattants reviennent du front en s’étant potentiellement radicalisés », explique le site d’information.

Surveillance

« Le fait que les Etats-Unis et leurs alliés ne punissent pas ou n’enquêtent pas de la même manière mène à d’importantes différences quant à la manière avec laquelle les suspects sont surveillés, arrêtés et même condamnés. » Une situation difficile à gérer pour les autorités, estime The Daily Beast, d’autant qu’il est de plus en plus difficile d’évaluer, quand une personne repérée reste inactive pendant une longue période, si elle a quitté le mouvement ou si au contraire elle est en train de préparer une attaque.

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« La longue durée de vie des mouvements djihadistes en France peut tromper les enquêteurs », poursuit le site : « Lorsque les djihadistes restent calmes pendant une longue période, comme l’ont a priori fait les frères Kouachi [principaux suspects dans la tuerie de Charlie Hebdo »>Article original, cela peut donner la fausse impression qu’ils ont quitté le mouvement. (…) Ensuite, ils descendent dans la liste des priorités [des autorités »>Article original« .

[COURRIER INTERNATIONALArticle original

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