source : Abraham COHEN-SABBANLes Juifs et les Prières des Morts par www.yerouchalmi.com
Les juifs prient pour les morts en récitant 3 fois par jour et durant 11 mois, le Kaddich, puis aux dates anniversaires et aux fêtes juives (Yzkor).
Le Kaddich fut une prière initialement dite après l’étude. Son texte araméen (langue commune au temps du Temple*, sans rapport avec la mort prie pour que le Nom divin soit magnifié, y compris dans les pires moments de douleur afin que cette abnégation influence favorablement le tribunal céleste devant lequel se tient l’âme du disparu (ce que ne peut plus faire le disparu lui-même).
La prière est dite uniquement en présence d’un quorum de 10 personnes et en général par des hommes (fils, père, frère ou, en leur absence et selon les décisionnaires, gendres, petits-fils ou délégués rémunérés). Cela sauf exception : Henrietta Szold, fondatrice de Hadassah et aînée de huit filles, insista ainsi pour réciter le Kaddich au décès de sa mère en 1916, suivant en cela la possibilité offerte par un tiers des décisionnaires orthodoxes. Moshe Sneh, fondateur de la Hagana et du PC israélien, insistait pour qu’à sa mort son fils dise le Kaddich selon les règles, car il y voyait, tout athée qu’il était, un puissant ciment national !
*Selon le Talmud de Jérusalem (Sota), « le Latin est adapté à la guerre, la langue du pays d’accueil aux cantiques, l’hébreu aux discussions et l’araméen aux lamentations ».
Les Chrétiens et les Prières des Morts
Les Evangiles n’en parlent pas, bien qu’affirmatives sur la vie future et sur le jugement des âmes. Au 4ème siècle, Aerius, combattit ces prières pour les morts. Les protestants les abolirent mais elles sont restées en honneur dans les pays catholiques, et dans l’Église orthodoxe.
L’Islam et les Prières des Morts
Les musulmans interdisent toute intercession des morts pour les vivants et ne recommandent pas leur prière pour les morts ; insistant sur l’invocation de la miséricorde ou sur les aumônes.
Des païens à la Bible
– Grecs, Romains ou Hindous priaient leurs morts, d.ieux familiers en implorant leur assistance.
– La Bible a montré que des hommes agréables à D. peuvent intercéder auprès de lui pour les leurs. Même déjà morts, ils peuvent le faire – cf. Jérémie (15) où D. dit au prophète qu’il ne se laisserait fléchir ni par Moïse ni Samuel.
– Mais la Bible ne montre jamais un vivant priant pour l’intercession d’un mort. et ne prescrit pas de prières pour les morts. Les juifs ont pourtant développé un rituel de prières pour la mémoire et la supplique des morts pour des intercessions auprès de D.
Allusions juives au Kaddich comme Prière des Morts

– Il est évident que l’idée de la résurrection a dû d’abord gagner du terrain comme dans Ezéchiel (37), Daniel (12) en 165 av. Cependant, dans le second livre des Macchabées (120 av.), Judas critique toute intercession pour les morts.
– Le Kaddich lui-même est originairement une sanctification de D. dite après l’étude à la Synagogue et répandue à l’époque du second Temple. La phrase clé du Kaddich «Que Son Nom sublime soit béni à jamais, de siècle en siècle !» était prononcée par le peuple lorsqu’il entendait, dans le Temple les prêtres prononcer le nom sacré de D. afin « d’attirer » Sa présence et d’accueillir Sa bénédiction : Exode : «En tout lieu où Je ferai rappeler Mon nom, Je viendrai vers toi et Je te bénirai » ; Ézéchiel 37/38 : «Je serai grandi et sanctifié car Je Me ferai connaître aux yeux des nations nombreuses». Rav Kook tremblait en entendant une telle assertion unitaire !
Perpétuant le souvenir du Temple, le Kaddich, mentionné dans le Talmud, ne l’est jamais comme Prière des morts :
– Berakhot 28b – Ben Zakkai se lamente avant sa mort, ne sachant s’il se dirige vers l’Enfer ou l’Eden sans mention de prières pour lui.
– Berakhot 3a – « Rabbi Yossi le Galiléen dit trois fois par jour à l’heure où Israël entre dans les synagogues et les maisons d’étude, et répondent Yèhè chèmè hagadol mevorakh, le Saint, béni soit-Il hoche la tête et dit :’Heureux le Roi qu’on acclame ainsi dans Sa maison’ » (voir aussi les commentaires de Tossafot, Maharcha et Yaavetz sur ‘Veonin’)
-Sotah 49a – « Rava demande ‘par quel mérite le monde peut-il survivre ? Il répond : ‘Par le Yèhè Chèmè Rabba’» (formule du Kaddich)
– Chabat 119b – « Rabbi Joshua bar Levi et Rabbi Yochanan disent: ‘le Yèhè Chèmè rabba dit à l’unisson peut influer sur les décrets divins’ »
– Pessahim 56a – « Jacob sur son lit de mort répond au Chema dit par ses douze garçons : ‘Yehe chema rabba mevorakh…’ »
– Kallah 2 – Rabbi Akiba mentionne des prières pour les morts quand il prescrit au fils du défunt de prier, lui promettant que son père serait délivré du Purgatoire, ce qu’un songe lui confirme.- Midrach Tan’houma sur Noa’h en fait remonter l’usage à cette citaion talmudique de Rabbi Akiva.
– Soferim (16, 19, 21) (6è siècle) est la source la plus ancienne, de surcroît talmudique, qui mentionne le mot ‘Kaddich’ et qui fasse référence aux prières pour les funérailles ou pour les péridodes de deuil.
– Berachot 3a, 21b, 57a et Soukah 39a y font également allusion.
– Parmi les Richonim (Rambam, Roch, Rif, Ritva, Choulhan Aroukh sauf celui du Rama), aucun décisionnaire ne mentionne l’obligation de Kaddich des endeuillés. Cette coutume issue du Midrach de Rabbi Akkiba cité par le Traité Kallah et du Traité Soferim n’est donc pas au départ une Halakha mais une coutume qui se répand tellement qu’elle en tire peu à peu force de Loi.
Premières Traces Historiques du Kaddich comme Prières des Morts
– Vers le second Temple, les épitaphes chrétiennes d’Égypte attestent de fréquentes prières des survivants pour les morts. La coutume s’est sans doute introduite, au 1er siècle av., dans des communautés juives d’Égypte, comme celles du rédacteur du second livre des Macchabées.
– Matthieu 6, Luc 11 demeurent les sources juives les plus anciennes ! Le Notre Père chrétien a des similarités frappantes avec le Kaddich : la sanctification du nom de D., le désir que le royaume divin s’instaure sur terre au plus vite, que la paix céleste s’étende sur le monde entier :
« Notre père qui est dans les cieux, que Ton nom soit sanctifié, que Ton règne vienne, que Ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel » versus « Que le Nom sublime de l’Éternel soit édifié et sanctifié selon Sa volonté en ce monde qu’Il a créé Que soit établi Son règne ».
– Tertullien, en 200, en parle comme d’un usage des communautés chrétiennes naissantes.
– Le Sidour du Rav Amram Gaon en 900 est la première version connue du Kaddich.
– Quant à la généralisation du Kaddich pour les morts, on n’en a les 1ères traces qu’au 10ème siècle, puis lors des Croisades avec leurs malheurs. La coutume de prier les morts (famille, grands Rabbins) pour intercéder auprès de D. ieu n’est répandue que depuis le Moyen-Age.
– Or Zaroua (sur la Halakha au XIIIe) est la première mention d’endeuillés récitant le Kaddish !
Significations théologiques du Kaddich

En consentant à à proclamer la gloire de D alors qu’un être cher vient de disparaître, l’endeuillé est appelé à se surpasser, instaurant une continuité là où la fidélité risque de se rompre. Cette transmission des valeurs est essentielle pour l’affirmation du monothéisme dans une situation charnière entre la vie et la mort : l’affligé manifeste contre la mort en confessant que le mal n’est pas le fait d’une puissance opposée à D. Il ne s’agit pas de nier le chagrin, mais de le relativiser en situant la mort comme une étape à dépasser à l’avènement du royaume divin.
Le Kaddich rapproche D.ieu dans ce monde. Il est dit en commun avec d’autres personnes afin d’affirmer les liens nous unissant à notre Créateur. Au même moment, il élève l’âme du défunt et la rapproche de D.ieu. Le Tout-Puissant est le trait d’union entre nous et le cher disparu. La récitation du kaddich est l’occasion d’affirmer la nouvelle conscience qu’on a de D.ieu et qu’on a développée à partir de la relation avec la personne en la mémoire de qui on dit le Kaddich.
Réciter le Kaddich ainsi qu’étudier la Tora, faire la charité, accomplir de bonnes actions en sa mémoire, participer et s’engager dans la vie communautaire, sont d’importance pour la personne dans le monde éternel. Le fait de se rappeler son cher disparu signifie que sa présence était et reste importante, et qu’on aspire à maintenir cette relation à travers ses propres faits et gestes.

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Jackysmadj

Un détail important…Cette prière est dite en Araméen, car cette langue, n’étant pas connue des anges du mal, (des mauvais esprits) , ils ne peuvent, dans ce cas, influencer D.ieu pour éviter l’élévation de l’âme du défunt !
Je pensais que cela méritait d’être signalé…