La première lettre antisémite de Hitler mise au jour

Le Centre Simon Wiesenthal, spécialisé dans la recherche d’ancien nazis, a fait l’acquisition d’une lettre de Hitler passant pour le premier exposé de l’idéologie nazie.
« Une race non-allemande vit avec nous, une race avec ses propres sentiments, sa propre religion et ses propres aspirations tout en ayant les mêmes droits que nous ».

Ces mots, transcrits à la machine, sont extraits d’une lettre de quatre pages écrite par Hitler le 16 septembre 1919. Il s’agit de la trace la plus ancienne de l’idéologie nazie. « Mein Kampf », l’ouvrage antisémite de référence de Hitler, ne sera publié que six ans plus tard.

Le Centre Simon Wiesenthal, spécialisé dans la recherche d’ancien nazis, a acquis cette lettre le 7 juin dernier. Pour l’ONG, ce document constitue une pièce centrale de l’histoire du IIIe Reich. Plus loin, son contenu annonce en effet vingt ans avant sa mise en oeuvre le futur Holocauste qui causera la mort de plus de 6 millions de juifs: « Le but sera, toutefois, de faire disparaître de notre société les juifs, et ce sans compromis », écrit Hitler. Cette lettre constitue en outre le seul document signé de la main de Hitler en lien avec l’extermination des juifs. 

Mise en garde

Le site de la BBC indique mercredi que cette lettre prouve qu’Adolf Hitler, alors âgé de 30 ans, avait formé très tôt son projet d’exclure les juifs de la société. Pour le rabbin Marvin Hier, le fondateur du Centre Simon Wiesenthal, cette source historique représente un important enseignement et joue le rôle de mise en garde pour les générations futures, car elle montre le passage d’une correspondance privée à la réalisation d’un génocide: « Les démagogues pensent ce qu’ils disent et, lorsqu’ils en ont l’occasion, mettent réellement en place ce qu’ils promettent », explique-t-il sur le site de l’ONG.

Le document a été acheté à un autre centre d’archives historiques par le Centre Simon Wiesenthal pour plus de 125 000 francs suisses (150 000 dollars). Il sera exposé de manière permanente au Musée de la Tolérance de Los Angeles. Ce dernier ouvrira ses portes le 11 juillet prochain. 

Original ou copie ?

La lettre se nomme « Lettre de Geimlich », du nom de son destinataire. Hitler l’a rédigée pendant son service militaire. Il était alors vétéran de la Première Guerre mondiale et encore employé de l’armée, précise le blog sur les religions de la CNN et le site du Monde.fr. Un officier supérieur l’aurait chargé de mettre par écrit ses idées sur les juifs. A l’époque, le jeune Hitler galvanisait déjà ses camarades d’armée par ses discours antisémites, précisait le 3 juin dernier le « New York Times ».     

La connaissance de l’existence de ce document historique remonte à 1988. La lettre avait été découverte originellement par un soldat américain en 1945. Il existe toutefois aujourd’hui deux « Lettres de Geimlich ». L’une se trouve à Los Angeles – l’acquisition du Centre Simon Wiesenthal -, l’autre à Munich. Selon les historiens, la version originale serait celle de Los Angeles, indique encore le « New York Times », notamment en raison de corrections typographiques ajoutées dans la version conservée aux archives de Munich. 

Propagande antibolchévique

Les lettres dactylographiées n’étaient pas courantes en 1919. Ce point a également semé le doute chez les historiens quant à l’authenticité du document. Une explication est toutefois avancée par le rabbin Marvin Hier : Hitler était rattaché en 1919 à la propagande militaire antibolchévique de Munich mise en place pour contrer l’influence des prisonniers de guerre russes. Dans ce cadre, Hitler aurait également été désigné pour clarifier la « question juive », précise le « New York Times ».

Sandrine Perroud

La Tribune de Genève.ch