Tsahal va regrouper plusieurs de ses bases dans le Néguev. Parallèlement, un parc industriel sera créé à Beer-Sheva, chef-lieu de ce Sud déshérité et semi-désertique.Des dizaines d’entreprises, ainsi que des institutions publiques et universitaires, y seront réunies.

« Faire fleurir le désert du Néguev. »

Ce vieux rêve de David Ben Gourion, le père fondateur d’Israël, resté longtemps à l’état de mirage, va devenir réalité. L’armée israélienne s’est en effet lancée dans une des plus grandes opérations d’aménagement du territoire de l’histoire du pays.

La moitié des bases installées dans la région de Tel Aviv, surpeuplée, vont déménager avec armes et bagages vers un Sud semi-désertique, qui s’étend sur la moitié du pays, mais qui abrite moins de 10% de la population.

Cet exode va concerner 30.000 soldats et officiers avec leurs familles. Une vingtaine de bases installées dans le centre du pays vont être évacuées. Dans un premier temps, l’aventure se matérialisera dès 2015 par l’ouverture d’une « mégabase » d’entraînement.

Puis viendront deux autres bases réservées à des unités d’élite spécialisées dans les renseignements militaires, la cyberguerre, les écoutes et l’espionnage.

Bref, le nec plus ultra de la haute technologie militaire, dont une partie des installations seront souterraines, à titre de précaution.

Pour compléter le tableau de ce qui pourrait se transformer à terme en une nouvelle Silicon Valley, Beer-Sheva, la capitale du Néguev, va devenir la « cybercapitale » d’Israël, selon l’expression de Benjamin Netanyahu, le Premier ministre.

Un parc industriel va être créé dans cette ville regroupant des dizaines d’entreprises privées israéliennes et étrangères, ainsi que des institutions publiques et universitaires.

Ce site abritera également une nouvelle École supérieure de la science et de la technologie, ainsi qu’un centre de développement spécialisé dans les « cyberétudes ». Plusieurs entreprises ont joué le rôle de pionniers en s’installant d’ores et déjà à Beer-Sheva, tels EMC, un groupe informatique américain, et l’allemand Deutsche Telekom.

D’autres devraient suivre. IBM et Lockheed Martin ont ainsi annoncé leur intention d’ouvrir des centres de R&D dans ce parc technologique, qui emploiera à terme 10.000 salariés. Pour financer cette opération qui comprend la construction de logements, d’infrastructures, de routes, Citicorp et Morgan Stanley, deux banques d’affaires américaines, se sont déjà mises sur les rangs. L’enjeu est de taille : 9 milliards de dollars d’investissements.

« Les multinationales font la queue »

Un pactole, qui a de quoi attiser bien des appétits locaux, mais aussi étrangers. Le gouvernement israélien veut d’ailleurs jouer la carte de l’ouverture.

« Nous sommes bien conscients des problèmes de sécurité liés à des contrats passés avec des firmes étrangères, mais nous souhaitons avant tout stimuler la concurrence et attirer le maximum d’expertises et de savoir-faire dans tous les domaines », souligne le lieutenant-colonel Zvi Peleg, qui supervise les appels d’offres du ministère de la Défense.

« Les multinationales ont compris qu’il y avait des occasions à saisir et elles commencent à faire la queue », observe Moshe Yaalon, le ministre de la Défense.

Sur le terrain, tout a été pensé pour attirer les officiers de carrière. La base d’entraînement aura des allures de « vraie » ville, avec un auditorium, trois synagogues, des terrains de sport et, bien entendu, toutes les installations militaires traditionnelles, tels des stands de tir et des sites de simulation de combats.

Selon le lieutenant-colonel Shalom Alfassy, un des responsables du projet, les classes d’enseignement et les bibliothèques seront équipées du dernier cri en matière d’informatique.

35.000 logements, dont 9.000 habitations sociales

Écologie oblige, l’armée s’est engagée à construire le plus vert possible. Résultat : les installations, qui s’étendront sur 250.000 m2, ont été conçues de telle façon qu’elles seront pratiquement autosuffisantes, grâce à une énergie solaire disponible à profusion et à une isolation des bâtiments qui devrait permettre de «réduire l’utilisation de l’air conditionné au minimum », précise le lieutenant-colonel Shalom Alfassy.

Le déménagement ne constituera toutefois pas seulement une manne pour le Néguev. Le gouvernement veut faire d’une pierre deux coups en tentant de casser la spéculation immobilière effrénée dans et autour de Tel Aviv.

Les bases évacuées vont libérer des terrains à construire. Une aubaine dans un pays où les prix de logements ont grimpé de 72% en sept ans, devenant inabordables pour la majorité des classes moyennes, qui se sont révoltées durant l’été 2011.

Plusieurs centaines de milliers de manifestants étaient descendus dans les rues lors de la plus impressionnante vague de contestation sociale qui a déferlé dans le pays, pour dénoncer la forte spéculation provoquée par la pénurie d’habitations à prix abordables. Un appartement de taille modeste peut ainsi attendre le demi-million d’euros.

Le Néguev sera d’ailleurs financée en partie par la vente des terrains
Yaïr Lapid, le ministre des Finances, espère que 35.000 logements, dont 9.000 habitations sociales, pourront ainsi être érigés, ce qui devrait en principe se solder par une baisse des prix.

Les experts restent toutefois sceptiques, tant la demande est forte. Quitter la région de Tel Aviv n’est toutefois pas du goût de tous les officiers de carrière.

Nombre d’entre eux veulent rester au coeur de la capitale économique et culturelle, de l’endroit le plus « branché » du pays. Selon un récent sondage réalisé auprès des officiers des renseignements militaires, 53% d’entre eux ne souhaitent pas émigrer vers le Sud.

Certains ont prévenu qu’ils n’hésiteraient pas à abandonner l’uniforme pour pantoufler dans la myriade d’entreprises de high-tech, autour de Tel Aviv, qui ne demandent qu’à embaucher ces militaires d’élite.

Les critiques viennent aussi des organisations de défense des droits de l’homme à propos du sort réservé aux Bédouins du Néguev, qui représentent un tiers de la population.

Ceux-ci redoutent d’être une fois de plus les laissés-pour-compte de ce vaste plan d’aménagement.

« Nous habitons ici, mais personne ne daigne nous consulter », déplore Rawia Abourabia, une avocate bédouine installée à Beer-Sheva.

L’armée répond que les Bédouins vont eux aussi bénéficier de l’arrivée en masse des militaires. Selon le lieutenant-colonel Shalom Alfassy, les travaux de construction vont permettre de donner du travail à 20.000 ou 30.000 salariés, tandis que 2.000 à 2.500 autres emplois devraient être créés ensuite par les entreprises. Bref, l’aubaine est censée l’être pour tous…

Pascal Lacorie, à Jérusalem/ La Tribune.fr Article original

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