Les chefs peuvent faillir pour deux sortes de raisons.

15 Adar Rishon, 5774

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Ki Tissa (5774) – כי תישאLa première est indépendante de notre volonté. Le moment choisi peut ne pas être propice. Les conditions peuvent ne pas être réunies. Il se peut également qu’il n’y ait pas d’interlocuteur en face auquel s’adresser.

Lorsqu’on questionnait le Premier Ministre britannique Harold Macmillan sur ce qu’il a eu de plus difficile à gérer au sein du gouvernement, il rétorquait, invariablement : « Les Evènements, mon cher garçon, les Evènements ». Machiavel appelait cet état de faits Fortuna -1- (la mauvaise fortune) : la puissance qu’exerce la malchance, qui peut vaincre même les plus grands. Parfois, en dépit de nos plus grands efforts, il nous arrive d’échouer. C’est la vie.

La seconde sorte de défaillance nous est propre. Un chef peut simplement manquer de courage pour diriger. Parfois, les dirigeants doivent s’opposer à la foule. Ils doivent dire « non », lorsque tout le monde crie « oui ». Ce devoir peut être terrifiant. Les foules ont une volonté et un élan intrinsèques. Savoir dire « Non » peut mettre votre carrière, voire votre vie, en danger. C’est lorsque le courage est d’une nécessité vitale qu’en manquer peut constituer le pire travers moral qui soit.

L’exemple classique est celui du Roi Saül , qui n’est pas parvenu à mettre en œuvre les directives de Samuel dans sa bataille contre les Amalécites. Saül a reçu l’ordre de n’épargner rien ni personne. C’est pourtant ce qui s’est produit, comme il est dit en Samuel 1-15 :

Lorsque Samuel vint à lui, Saül dit alors « Le Seigneur te bénisse ! J’ai réalisé les desseins du Seigneur ».

Mais Samuel remarqua : « Qu’est-ce que ce bêlement de mouton à mes oreilles ? Quel est ce meuglement de bétail que j’entends ? »

Saül répondit, « Les soldats les ont ramenés en les prenant aux Amalécites ; ils ont gardé le meilleur des bœufs et des moutons afin de les offrir en sacrifice au Seigneur, votre D., mais nous avons totalement détruit le reste ».

« Assez ! » dit Samuel à Saül « Laisse-moi te dire ce que le Seigneur m’a dit la nuit dernière.» « Raconte-moi » répondit Saül.

Samuel dit : « Bien que tu puisses te considérer comme infime à tes propres yeux, n’es-tu pas à la tête des tribus d’Israël ? Le Seigneur t’a oint pour être le roi d’Israël. Et Il t’a envoyé en mission, en disant, « Va et détruis complètement ce peuple méchant, les Amalécites ; mène la guerre contre eux jusqu’à ce qu’ils soient anéantis. « Pourquoi n’obéis-tu pas au Seigneur ? Pourquoi te livres-tu au pillage et fais-tu le mal aux yeux du Seigneur ? »

“ Mais j’ai obéis au Seigneur » dit Saül. « J’ai réalisé la mission assignée par le Seigneur. J’ai complètement détruit les Amalécites et j’ai ramené comme captif Agag leur roi. Les soldats ont pris des bœufs et des moutons du butin, le meilleur de ce qui était consacré à Hachem, afin de les apporter en sacrifice propitiatoire pour Hachem, votre D. à Gilgal.

Saül se cherche des excuses . Le manquement n’était pas de son fait, mais de ses soldats. Sans compter qu’autant eux que lui avaient les meilleures intentions. Le mouton et le bétail avaient été préservés pour être offerts en sacrifice. Saül n’a pas tué le Roi Agag mais l’a fait prisonnier. Samuel reste inflexible. Il lui dit : « Etant donné que tu as rejeté la parole de Hachem, il t’a rejeté en tant que roi. » C’est seulement à ce moment que Saül a reconnu, “ J’ai péché”. Mais dès lors, il était trop tard. Sa carrière de chef avait atteint son terme. Il existe une maxime apocryphale (2) attribuée à plusieurs hommes politiques :

« Bien évidemment que je suis la ligne du parti. Après tout, je suis leur chef ».

Il y a des leaders qui suivent au lieu de guider. Rabbi Yisrael Salanter les comparait à un chien qui va faire une ballade avec son maître. Le chien court devant, mais se retourne pour apprécier s’il va bien dans la direction où son maître veut qu’il aille. Le chien peut bien penser qu’il guide mais en fait, il suit.

Si on s’en tient à une lecture littérale du texte, tel est le destin d’Aaron dans la Paracha de cette semaine. Moïse est parti sur la montagne pendant quarante jours. Le peuple est saisi de panique. Est-il mort ? Où est-il ? Sans Moïse, ils se sentaient perdus. Il était leur seul point de contact avec Hachem. Il réalisait des miracles, pouvait provoquer la séparation des eaux de la Mer, leur donnait de l’eau pour s’abreuver et de la nourriture pour rassasier leur faim. C’est de cette manière que la Torah décrit ce qui s’est produit par la suite :

Lorsque le peuple a constaté que Moïse était si long à revenir de la montagne, il s’est rassemblé autour d’Aaron et lui a dit : « Viens, fais-nous un dieu qui marchera devant nous. Quant à cet homme Moïse qui nous a fait sortir d’Egypte, nous ne savons pas ce qui lui est arrivé. » Aaron leur a répondu : « Prenez les boucles d’oreilles que portent vos femmes, vos fils et vos filles et amenez-les moi ». Ainsi, tout le peuple s’est départi de ses bijoux et boucles d’oreilles et les a amenés à Aaron. Il a pris ce qu’ils lui ont remis, l’a façonné à l’aide d’un outil et en a fait un veau fondu. Ils ont alors dit : « Voilà ton dieu, Israël, qui t’a sorti d’Egypte. » (Ex. 32: 1-4)

Cela n’a pas été, non plus, tâche aisée pour Moïse de rétablir l’ordre à ce moment-là. Il n’a pu le faire que par l’action la plus dramatique : briser les Tables et réduire le veau en poussière. Il a, ensuite, demandé un soutien que lui ont accordé ses fidèles Lévites. Ils ont mené des représailles contre la foule, tuant trois mille individus, ce jour-là. L’Histoire confère à Moïse le statut d’un héros, mais il aurait bien pu être considéré par ses contemporains comme un autocrate (3) brutal. Nous savons, grâce à la Torah, ce qui s’est passé entre Hachem et Moïse, à l’époque. Les Israélites, au pied de la montagne, ne savaient pas à quel point ils étaient passés tout près d’être totalement détruits.

La tradition traite d’Aaron avec bienveillance. Il est décrit comme un homme de paix. Sans doute, est-ce la raison pour laquelle il a été fait Grand Prêtre. Il existe plusieurs types de rôles de leaders, et la prêtrise implique de suivre les règles, pas de prendre des postures et l’ascendant sur les foules . Le fait qu’Aaron n’était pas un chef fabriqué dans le même moule que Moïse ne signifie pas qu’il aurait été un raté. Cela signifie qu’il était voué à un type de rôle différent. Il y a des fois où vous avez besoin de quelqu’un d’assez courageux pour se dresser contre la foule, et d’autres fois, il vous faut un conciliateur. Moïse et Aaron étaient taillés dans un bois différent. Aaron a échoué lorsqu’on lui a demandé d’être un autre Moïse, mais il est devenu un grand dirigeant à part entière, quand il a s’agi d’exercer une tout autre capacité. Aaron et Moïse étaient complémentaires. Une seule et même personne ne peut pas tout faire.

La vérité, c’est que lorsqu’on perd tout contrôle sur une foule, il n’existe aucune réponse aisée. C’est la raison pour laquelle tout le Judaïsme est un enseignement prolongé de la responsabilité individuelle et collective . Les Juifs ne forment pas ou ne devraient pas former des foules. Quand ils le font, il faudrait un Moïse pour restaurer l’ordre. Mais, en d’autres circonstances, on aura besoin d’un Aaron pour ramener ou maintenir la paix.

Ki Tissa (5774) – כי תישא

15 Adar Rishon, 5774

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Grand Rabbin et Lord Jonathan Sacks

rabbisacks.org Article original

Adaptation : Florence Cherki et Marc Brzustowski.

NDT :

(1) La fortuna est une force non humaine, la chance, bonne ou mauvaise, qui intervient dans les affaires humaines (wikipédia)

(2) Se dit de tout écrit qui, se présentant comme un livre inspiré de Dieu, ne fait pas partie du canon biblique juif ou chrétien (Larousse)

(3) Chef politique ou personne particulièrement tyrannique (Larousse)

(4) wikipedia.org Article original

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La différence entre le rire et la débauche

Dans notre parachat Ki-Tissa il est écrit (Chemot, 32:6) : « Ils se levèrent tôt, le lendemain, pour offrir des holocaustes, amener des sacrifices propitiatoires. Le peuple s’assit pour manger et boire, puis il se leva pour se divertir (letsa’hek). »

Rachi explique, sur le mot letsa’hek (« pour se divertir ») : Ce terme letsa’hek »>Article original évoque la débauche, et il implique »>Article original le meurtre… Ici aussi, ‘Hour fut tué.

Rachi nous enseigne qu’outre l’idolâtrie du Veau d’Or, les Juifs transgressèrent d’autres graves fautes, l’immoralité et le meurtre. Rachi, rapporte le Midrach Tan’houma et explique que le mot « letsa’hek » implique ces deux fautes capitales . La racine de « letsa’hek » est « ts’hok » (צחק), habituellement traduit par rire.

Quel rapport y a-t-il entre le rire, à connotation généralement positive, et les graves péchés de meurtre et de débauche ?!

Le Maharal précise que le צחוק est provoqué par l’imprévu. C’est ce qui se passe quand les limites sont dépassées — c’est ce qui cause le rire. Ainsi, צחוק peut faire référence à toute situation qui sort de l’ordinaire. On peut donc expliquer les différentes utilisations de ce terme ; l’immoralité provient d’une familiarité à outrance, le meurtre correspond à un dépassement des limites en ce qui concerne les relations entre un homme et son prochain. L’idolâtrie est également appelée « ts’hok », car c’est une adoration sans borne. Mais toute faute ne constitue-t-elle pas un dépassement du comportement acceptable ? Dans ce cas, pourquoi est-ce précisément ces fautes qui sont appelées « ts’hok » ?

Les mots du Maharal peuvent nous aider à répondre à ces interrogations.

Selon lui, ces fautes représentent l’antithèse des trois piliers sur lesquels repose le monde : la Thora, la Avoda (service Divin) et la Guemilout ‘Hassadim (actes de bonté). Grâce à ces trois piliers, l’individu peut se rapprocher d’Hachem à trois niveaux ; ben adam laMakom (relations entre l’homme et D.), ben adam la’havéro (entre un homme et son prochain) et ben adam leatsmo (l’homme avec lui-même). Chaque faute implique, à un certain degré, une atteinte à l’un ou à plusieurs de ces piliers, mais ces trois fautes capitales supposent les profanations les plus drastiques de ces piliers et elles sont donc considérées comme les formes les plus radicales du dépassement des limites.

Nous pouvons à présent comprendre pourquoi « ts’hok » est utilisé pour évoquer les péchés les plus graves.

Il convient toutefois de noter que l’outrance exprimée par la racine du mot « ts’hok » a également des connotations positives. Le nom de notre deuxième Patriarche, Its’hak Avinou, a pour racine « ts’hok ». Quel rapport y a-t-il entre Its’hak et « ts’hok » ? On répond que Sarah exprima sa joie de pouvoir enfin enfanter. Mais, en analysant plus profondément, nous découvrons que la naissance d’Its’hak fut un dépassement des lois de la nature ; Sarah était stérile – c’est seulement parce qu’Hachem a placé Avraham et Sarah au-delà de la nature que cette naissance fut possible.

Nous avons vu à quel point le fait de rompre les limites peut avoir des conséquences dévastatrices – notre tâche consiste à garder un cadre correct dans notre Avodat Hachem (service d’Hachem). Et, en considérant ce qu’Hachem fait pour Son peuple, nous voyons aussi qu’il n’y a pas de limites aux bienfaits qu’Il nous prodigue.

Rav Yehonathan GEFEN – © Torah-Box Article original

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