Une des contributions essentielles du Judaïsme à notre compréhension de l’art de gouverner tient en son insistance, très tôt dans l’histoire, sur ce que Montesquieu a appelé, au 18ème siècle, « la séparation des pouvoirs ».
8 Adar Rishon, 5774
Tetzaveh (5774) –
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Ni l’autorité, ni le pouvoir, ne peuvent être concentrés
Une de ces distributions les plus importantes – anticipant, plusieurs millénaires avant, sur la «
Dans le Judaïsme, par un contraste saisissant, la monarchie a très peu ou pas du tout de
Non moins fondamentale était la division de la gouverne religieuse elle-même en
1 – Le rôle du prêtre découlait de
2 – Les prêtres portaient des tenues très particulières pour officier. Il n’y avait pas d’uniforme officiel qui distinguait le prophète.
3 – La prêtrise était exclusivement
.
4 – Le rôle du prêtre n’a pas varié avec le temps. Il existait un calendrier annuel
5 – Par conséquent, le prophète et le prêtre ont des
6 – Le prêtre était “saint” et, par conséquent, il se tenait à l’écart du peuple. Il devait consommer sa nourriture en état de pureté, et devait éviter tout
7 – Les mots-clés pour le prêtre étaient :
8 – La mission du prêtre était de marquer les limites. Les verbes essentiels assortis au sacerdoce, sont :
9 – Il n’y a
10 – Les Prêtres constituaient un ordre religieux. Les prophètes, au moins ceux dont les messages sont restés pour la postérité dans le Tanakh, n’étaient pas un ordre, mais un contre-ordre, un contre-pouvoir, porteurs d’une critique en règle des autorités constituées.
Le rôle des prêtres et des prophètes a évolué avec le temps. Les prêtres ont toujours officié au service des offrandes dans le Temple. Mais ils étaient, également, Juges. La Torah dit que si un dossier est trop difficile à traiter par le tribunal local, on doit « aller vers les prêtres, les Lévites et vers le Juge qui est en charge, en cette période. Fais-leur ta requête et ils te donneront leur verdict » (Deut. 17: 9). Moïse bénit la tribu de Lévi en disant qu’ « Ils vous enseigneront Vos ordonnances pour Jacob et Votre Torah à l’intention d’Israël » (Deut. 33: 10), suggérant par là-même, qu’ils avaient aussi un rôle
Malachi, prophète de la période du Second Temple, dit : « Par les lèvres du prêtre, la connaissance devrait être préservée, parce qu’il est le messager du Seigneur Tout-Puissant et le peuple cherche les directives qui sortent de sa bouche » (Mal. 2: 7). Le prêtre était le gardien de l’ordre social sacré d’Israël. Pourtant, il est évident, à travers le Tanakh, que la prêtrise a été en proie à la corruption. Il y a eu des périodes où des prêtres ont obtenu des pots-de-vin, d’autres où ils ont compromis la Foi d’Israël et se sont adonné à des pratiques idolâtres. Certaines fois, ils se sont engagés en politique. Certains se sont pris pour une élite d’exception, n’éprouvant que du mépris pour le peuple en général.
En de telles périodes, le prophète se faisait la voix d’Hachem et la conscience de la société, rappelant au peuple sa vocation spirituelle et morale, l’appelant à revenir et à se repentir, rappelant au peuple ses devoirs envers Hachem et envers son prochain, en l’avertissant des conséquences s’il ne le faisait pas.
La prêtrise s’est massivement politisée et s’est laissée corrompre, au cours de la période helléniste, particulièrement sous le règne des Séleucides, au deuxième siècle avant l’ère commune. De Grands Prêtres hellénisés, comme Jason et Ménélas ont introduit des pratiques idolâtres, et même, à un certain moment, une statue de Zeus, à l’intérieur même du Temple. Cela a provoqué cette révolte interne qui conduit aux évènements que nous commémorons lors de la fête de Hanukkah.
Pourtant, en dépit du fait que l’instigateur de la révolte, Mattathias, était lui-même un prêtre vertueux, la corruption a refait surface sous les rois Hasmonéens. La secte de Qumran, qu’on connaît grâce aux rouleaux de la Mer Morte, était particulièrement acerbe envers l’ordre sacerdotal de Jérusalem. Il est frappant que les Sages retracent le parcours de leur legs spirituel des prophètes, et non des prêtres (Avot 1: 1).
Les Cohanim avaient un rôle essentiel dans l’antique Israël. Ils ont donné à la vie religieuse sa structure, sa continuité, ses rites et ses pratiques, ses fêtes et célébrations. Leur tâche était de garantir qu’Israël reste un peuple saint avec Hachem au milieu de lui. Mais ils représentaient une institution, et comme toute institution, ils étaient, au mieux, les gardiens des plus hautes valeurs de la nation mais au pire, ils sont devenus corrompus, usant de leur position pour conserver le pouvoir, en s’engageant en politique intérieure pour obtenir des avantages personnels. C’est la destinée des institutions, particulièrement celles où l’adhésion dépend, uniquement d’une question de naissance.
C’est pourquoi les prophètes étaient essentiels. Ils étaient les premiers critiques de l’ordre social au monde, missionnés par Hachem pour parler le langage de la vérité, face au pouvoir. Jusqu’à aujourd’hui, pour le meilleur ou pour le pire, les autorités religieuses ressemblent toujours à la prêtrise d’Israël. Qui, cela étant dit, sont les prophètes d’Israël,
L’art de gouverner, dans le Judaïsme, est un contrepoint, une forme musicale définie comme « la technique qui superpose deux lignes mélodiques ou plus, de telle façon qu’elles établissent une concordance harmonieuse en conservant leur propre individualité linéaire. » C’est sa complexité interne qui procure à l’art Juif du pouvoir, sa vigueur, le préservant de l’entropie, de la perte d’énergie au fil du temps.
Le pouvoir doit toujours, je crois, être conçu ainsi. Chaque équipe doit être composée de personnes avec des rôles, des forces, des tempéraments ainsi que des perspectives différentes. Ils doivent toujours rester réceptifs et ouverts aux critiques et ils doivent être vigilants à l’état d’esprit d’un groupe particulier. La gloire du Judaïsme est son insistance sur le fait qu’il n’y a qu’au ciel qu’il puisse y avoir Une voix qui ordonne. Ici-bas sur cette terre, aucun individu ne peut jamais détenir le monopole du pouvoir. En dehors de ce conflit d’opinions –le roi, le prêtre et le prophète – il réside un dessein plus grand que chaque individu ou rôle doit accomplir.
Rabbin et Lord Jonathan Sacks Article original
Adaptation : Florence Cherki & Marc Brzustowski.
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1″>Article original Kiddushim 66a.
2″>Article original Dans le pouvoir au sein du Judaïsme, excepté ce qui est réalisé par Hachem, il n’y a rien de sacré.
3″>Article original Concernant cette idée plutôt difficile à comprendre, voir Philip Rieff, My Life Among the Deathworks, University of Virginia Press, 2006. Rief a été un critique inédit et perspicace de la modernité. Pour une introduction à son œuvre, voir : Antonius A.W. Zondervan, Sociology and the sacred : an introduction to Philip Rieff’s theory of culture, University of Toronto Press, 2005.
C’est le secret de la vraie démocratie.
Bravo pour ce bel article très instructif.