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«L’Islam a un point de vue idéologique particulier et un programme pratique qui vise à instaurer des réformes qui assureront le bien-être de l’humanité. L’Islam veut détruire tous les Etats et les gouvernements de la Terre qui sont opposés à son idéologie. Le but de l’Islam est de mettre en place un Etat sur la base de son idéologie et de son programme, quel que soit le pays qui assumera le rôle de porte-étendard de l’Islam et de la nation qui sera mise à mal dans le processus de la mise en place d’un Etat islamique.

L’Islam exige non seulement une partie de la Terre, mais l’ensemble de la planète, parce que l’humanité entière devrait bénéficier de l’Islam».

Ces mots ont été prononcés en 1939 à Lahore, dans ce qui était encore alors l’Inde britannique indivisible, par Abul A’la Maududi, un érudit islamiste et philosophe politique, dont les adeptes et admirateurs incluent entre autres Hassan al Banna et Sayyid Qutb [le doctrinaire dses Frères Musulmans et d’al Qaïda .

Considéré comme le parrain du salafisme moderne, Maududi a fondé le Jamaat Islami, une puissante organisation du renouveau islamique présente dans tous les pays d’Asie du Sud. Maintenant, 75 ans plus tard, l’Etat islamique, dont il a épousé la cause, semble prendre forme avec l’Etat islamique (EI) et son calife Al- Baghdadi.

Alors que la plupart des commentateurs occidentaux ont fait valoir que le wahhabisme constitue la pierre angulaire de l’EI, il serait peut-être plus juste de dire que l’organisation a habilement combiné wahhabisme (comme on le voit dans la destruction de sanctuaires vénérés par les sunnites et par l’antipathie affichée non seulement envers les non-Musulmans, mais aussi envers les chiites et les takfiris, etc) et l’Islam politique , tel qu’énoncé par Maududi (démantèlement des frontières politiques entre l’Irak et la Syrie et appel des Musulmans du monde entier à prêter allégeance au nouveau calife). Le fait que cet Islam politique se trouve un pilier en Asie du Sud ne devrait pas être une surprise, puisque le centre démographique du monde musulman s’est depuis longtemps déplacé du monde arabe – le centre religieux de l’Islam – vers l’Asie du sud.

L’Asie du sud est le foyer d’un tiers de la population pauvre, analphabète et jeune du monde entier et fournit ainsi un terrain fertile de recrutement pour l’EI. À cela se combinent les souvenirs historiques de la gloire et de la puissance musulmane, qui ont atteint leur apogée dans l’Empire moghol. Et c’est aussi le lieu où le premier djihad du monde moderne a été mené : l’Afghanistan [Khorasan, dans la cartographie de l’Islam »>Article original.

Alors qu’est-ce que l’EI signifie pour notre région? Et plus spécifiquement pour l’Inde et sa population musulmane, de loin la plus pacifiste du monde?

Même si la carte du nouveau califat d’Al Baghdadi inclut des parties de l’Inde, il faut une imagination très fertile pour penser que l’État islamique pourrait, un jour, marcher triomphalement en Inde. Cependant, il y a des signes inquiétants qui doivent être considérés comme des signaux d’alerte précoces.

L’EI s’est imposé à la conscience indienne en prenant en otage quelque 80 Indiens, dont 42 infirmières travaillant en Irak. Cet incident a constitué la première crise du gouvernement Modi nouvellement élu. Après une intense joute diplomatique et la coopération des services de renseignement de plusieurs pays, y compris Israël , les infirmières ont été libérées. Les autres sont toujours prises en otage jusqu’à ce jour.

Un autre signe inquiétant montrant que les Musulmans indiens ne sont plus isolés du djihad mondial vient de rapports de l’Agence nationale d’investigation de l’Inde, selon lesquels quelque 40 Indiens combattent auprès de l’EI.

Certains ont été recrutés alors qu’ils travaillaient dans les pays du Golfe, alors que d’autres l’ont été par l’endoctrinement internet. De nombreuses vidéos et des clips exhortant les Musulmans indiens à se joindre au djihad pour établir le califat ont été téléchargés sur les médias sociaux par une organisation se faisant appeler « Ansar ut Tawhid Fi Bilad Al Hind » – les partisans du monothéisme en Inde. Chacune des vidéos de Baghdadi est méticuleusement sous-titrée en différentes langues indiennes.

Le wahhabisme/salafisme, généreusement financé par des dons en provenance des pays du Golfe, a longtemps été populaire en Inde, en particulier auprès de la classe moyenne urbaine et auprès de la jeune population musulmane, loin de l’Islam syncrétique pratiqué dans le sous-continent. Les forces transfrontalières ont également encouragées l’endoctrinement et la radicalisation de petites sections de la jeunesse musulmane. L’Inde a ainsi fait récemment face à des attaques de groupes terroristes locaux comme les Moudjahidin indiens.

Dans la même veine, l’EI a été accueilli avec ambiguïté par les Musulmans indiens. Sultan Shaheen, rédacteur en chef du New Age Islam, une institution musulmane libérale, a dit: «le silence avec lequel les Musulmans indiens ont accueilli l’appel du soi-disant Califat de Baghdadi est plutôt déroutant. On ne sait pas s’il est significatif et révélateur. On aurait pu penser que l’ouléma musulmane d’ici se serait soulevée contre les coups de feu de cette absurdité d’un califat médiéval du 21e siècle« .

Ainsi, par exemple, l’activisme frénétique des groupes musulmans en Inde contre l’opération israélienne à Gaza cet été, n’a pas eu son équivalent, face aux atrocités commises contre les Yézidis.

D’autre part, on a essayé de montrer le «visage humain» de l’EI, après que l’une des infirmières prise en otage a vanté «l’humanité» de l’organisation à son retour en Inde. Une partie des médias ourdous s’est emparée de cette nouvelle et a gonflé son importance. Des drapeaux de l’EI sont apparus dans différentes régions de l’Inde, notamment au Cachemire.

Peu de temps après qu’Al-Baghdadi a déclaré l’établissement d’un califat islamique, l’un des plus importants universitaires musulmans indiens, Maulana Salman Al-Husseini Nadwi, a écrit une lettre ouverte saluant Al-Baghdadi d’être devenu le calife des Musulmans. Il a ensuite promis au gouvernement saoudien qu’il allait mettre en place une armée de Musulmans (indiens) pour défendre les sunnites. Il enseigne dans un séminaire musulman influent dans le nord de l’Inde et a de l’influence. Il n’y a eu aucune condamnation publique de ses déclarations.

Bien qu’il y ait eu une certaine condamnation des horribles décapitations publiques de journalistes occidentaux, un silence ambigu sur l’émergence soudaine de l’EI et de ses objectifs s’est aussi fait remarquer. Les analystes estiment que cela s’explique par la montée du wahhabisme/salafisme au sein des communautés musulmanes à travers l’Inde, qui ne sentent plus le besoin de cacher leur allégeance à cette idéologie. Et cela cause un malaise.

L’EI a également trouvé des alliés dans le Pakistan voisin , au sein de divers groupes terroristes comme le Tehreek-e-Taliban qui a changé d’allégeance pour Baghdadi. L’objectif déclaré de ces groupes est, entre autres, de «faire saigner l’Inde de mille coupures» et de hisser le drapeau de l’Islam à Delhi. Les médias pakistanais ont rapporté que la propagande de l’EI était ouvertement distribuée et des recrues cherchées dans des endroits comme le Baloutchistan.

Un récent rapport de l’Agence nationale d’investigation dont les médias ont eu copie allègue que plus de 300 jeunes Indiens ont été recrutés par le TTP.

Les agences de sécurité de l’Inde et son nouveau chef belliciste Ajit Doval prennent ces menaces au sérieux. Le terrorisme est l’une des priorités de l’actuel gouvernement. Mais pour l’instant, il a exclu la possibilité d’adhérer à la coalition militaire contre l’EI. Il ne veut pas, d’une part, mettre la vie des otages indiens de l’EI en péril. Et d’autre part, l’Inde se méfie de la réaction de groupes musulmans radicaux contre les intérêts indiens. La région est importante pour l’Inde en raison de ses besoins en énergie et en raison de l’importante communauté d’expatriés indiens qui y réside. Et celà est sans mentionner la guerre contre l’EI qui manque encore de clarté et d’une stratégie claire avec les Etats comme la Turquie qui refusent de prendre une position claire contre l’organisation.

Certains analystes ont fait valoir que dans son propre intérêt, l’Inde devrait jouer un rôle plus actif dans la région, dans le contexte d’une Amérique qui se retire et pour sécuriser la distribution énergétique. Bien que cet argument ait du mérite, on peut aussi faire valoir que les exportateurs d’énergie pourraient tout aussi être intéressés à sécuriser les lignes d’approvisionnement. Si les revenus principaux de l’EI sont aussi issus de la vente de pétrole, on ne voudrait pas mettre cet enjeux en péril.

Enfin, l’option que l’EI devienne un acteur qui perdure dans le temps, comme les Talibans en l’Afghanistan, ne doit pas être exclue. Et dans ce cas, l’Inde pourrait avoir à faire des affaires avec le groupe.

Le danger pour l’Inde est qu’elle possède des ressources démographiques qui pourraient intéresser l’EI. Et son idéologie pernicieuse pourrait à son tour catalyser ses admirateurs à recourir à la violence contre d’autres sectes – les chiites, les Ahmediyas- qui cohabitent toutes pacifiquement depuis des siècles. Même un petit groupe a le potentiel de déchaîner l’enfer dans un endroit déjà aux prises avec de nombreuses menaces terroristes.

Aditi Bhaduri est une journaliste indépendante et une chercheuse primée. Elle écrit pour des médias indiens et internationaux. Elle est également consultante pour diverses organisations sur les questions de politique étrangère, de résolution des conflits et de genre.

[i24news.tvArticle original

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Inde : Lettre ouverte aux parents musulmans pour les mettre en garde contre la radicalisation de leurs enfants

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Meena Kadri, Prayer Time, 2009.

Suite au phénomène de radicalisation des musulmans indiens, un activiste social met en garde les parents : vous pensez que votre fils ne rejoindra pas le djihad, mais d’autres parents, qui pensaient de même, sont aujourd’hui en deuil.

Récemment, quatre jeunes musulmans de Kalyan, banlieue de Mumbai, ont pris l’avion pour Bagdad pour rejoindre l’organisation djihadiste Etat islamique (EI). L’un d’eux aurait été tué en Irak.

D’autres rapports de médias indiquent que des jeunes musulmans de plusieurs régions d’Inde se sont radicalisés et sont attirés par l’idée du djihad et du califat islamique.

Plusieurs jeunes de la ville indienne d’Hyderabad, au sud, ont été arrêtés à Calcutta, alors qu’ils partaient rejoindre l’EI. Les rapports font également état de la radicalisation dans d’autres parties de l’Inde, à savoir à Manipur, à Tamil Nadu et au Cachemire, entre autres.

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Ces derniers mois, des vidéos djihadistes montrent des jeunes suivant un entraînement quelque part en Afghanistan ou au Pakistan. Un jeune Indien a récemment été tué en combattant en Afghanistan, comme l’ont confirmé des sources djihadistes.

Dans le contexte de cette radicalisation de la jeunesse musulmane d’Inde, l’activiste social indien Javed Anand, membre de l’organisation non-gouvernementale des Musulmans pour une démocratie laïque, a écrit une lettre ouverte aux parents musulmans indiens dans le magazine The Week, les exhortant à admettre l’existence d’une menace de radicalisation en leur sein et à s’opposer aux extrémistes parmi eux, tel Zakir Naik, un prédicateur de la télévision réputé pour ses positions contre la coexistence et le pluralisme.

Lire l’article dans son [intégralité en anglaisArticle original

[memri.frArticle original

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