Alors qu’il est au plus bas dans les sondages, François Hollande pourrait être contraint ou tenté de dissoudre l’Assemblée nationale. Le politologue Christophe de Voogd voit au moins cinq bonnes raisons à cela.

Rappelons que les deux présidents qui ont subi la cohabitation s’en sont bien tirés. Mitterrand a été réélu en 1988, et Chirac en 2002.

À chaque fois les présidents en place ont profité de la prime au sortant sans payer le prix de l’échec politique du gouvernement sortant.

Hollande peut-il se refaire une santé, et arrêter là le jeu massacre alors qu’il n’a plus de réelle majorité ?

l’article tente d’y répondre.

Christophe de Voogd, ancien élève de l’École normale supérieure, est docteur en histoire et enseigne à l’Institut d’études politiques de Paris.

Si Machiavel a encore bien des choses à nous dire, c’est que nos princes, malgré le passage des siècles, se trouvent dans une situation assez proche du sien. Car le problème traité par ce manuel de la modernité politique est celui du maintien au pouvoir d’un nouveau dirigeant ne disposant ni de la légitimité de Dieu ni de celle du sang. Problème éminemment technique donc (comment garder le pouvoir?) qui est aussi celui de l’homme qui accède de nos jours en France au poste suprême. Avec cette différence tout de même que nos présidents disposent, à la différence des condottieri de la Renaissance, d’une légitimité certes temporaire, mais solide: celle de l’élection au suffrage universel. Sans elle et notamment dans un régime purement parlementaire, François Hollande aurait, avec la déroute des municipales, déjà perdu ce pouvoir.

Si l’on veut donc bien s’inscrire dans cette perspective technique sans y mêler des considérations morales et/ou idéologiques, la question de la dissolution de l’Assemblée nationale devient pertinente. D’ailleurs, l’hypothèse commence à être évoquée, alors que le consensus des experts la jugeait jusqu’ici incompatible avec «l’esprit du quinquennat». On se place donc ici du seul point de vue de l’intérêt politique du président de la République ; en se mettant en somme, pour reprendre le titre d’un récent documentaire, «dans la tête de François Hollande»…

La référence au grand Florentin est d’autant plus séduisante que notre président est le disciple d’un autre Florentin dont, comme par un clin d’œil de l’histoire, il partage le prénom : François Mitterrand.

1- François Hollande a retenu les leçons de François Mitterrand

La référence au grand Florentin est d’autant plus séduisante que notre président est le disciple d’un autre Florentin auquel, on ne le rappellera jamais assez, il doit son apprentissage politique et dont, comme par un clin d’œil de l’histoire, il partage le prénom: François Mitterrand. Comme il en partage certaines caractéristiques de tempérament, allant de la froideur du calcul à l’art de diviser (amis comme ennemis), en passant par une gestion du temps politique d’où toute impétuosité est bannie. Et l’on cherchera en vain, chez l’un comme chez l’autre, la moindre dimension sacrificielle: comment, sauf naïveté, le leur reprocher politiquement? Nous tenons là la première raison d’une possible dissolution: par tempérament et par formation, François Hollande dissoudra, si à un moment donné, tel est – ou tel lui paraît être – son intérêt politique.

Or ce «moment donné» se produira bien avant la fin du quinquennat. Disons-le d’emblée: il ne s’agit pas là d’une prédiction, encore moins d’une prophétie. Mais seulement d’une probabilité, seul mode de calcul en politique, comme disait déjà Aristote. Et probabilité qu’un brusque caprice de dame Fortune peut réduire à rien, nous rappelle encore Machiavel…

L’automne prochain s’annonce particulièrement périlleux avec la conjonction des effets de la rigueur : hausse des impôts décidée l’an dernier et baisse des dépenses décidée ces jours-ci.

2- Une impopularité abyssale

Quatre autres raisons vont en tout cas, «les choses étant ce qu’elles sont», pour parler comme le Général, dans le sens de la survenue (probable) de ce moment critique, d’ici au printemps 2015 au plus tard. Tout d’abord l’impopularité abyssale du président, qui doit nous inciter dans le raisonnement à ne pas trop nous fier aux précédents … puisqu’il n’y en a pas. Cette impopularité, si elle persiste – et là encore nous estimons ce point probable -, deviendra tôt ou tard insoutenable et, interdisant l’exercice même du pouvoir, obligera au retour devant le peuple.

3- François Hollande et Manuel Valls ne disposent ni d’une vraie majorité parlementaire, ni d’un vrai soutien sociologique.

Deuxième facteur: la mission impossible du pouvoir socialiste pris en étau entre les impératifs économiques et budgétaires et sa base sociologique et politique. Manuel Valls est, dit-on partout, pris dans l’étau de cette contradiction, mais il ne fait que la révéler, la mettre à nu (non sans courage): il ne la crée pas. La politique de rigueur et le pacte de responsabilité sont incompatibles avec la «culture» de nombreux élus socialistes et les intérêts (du moins apparents et immédiats) de leur électorat. Autrement dit, le gouvernement actuel ne dispose plus d’une vraie majorité parlementaire, ni même d’un vrai soutien sociologique. Le moment de vérité pourrait arriver très vite avec les prochains votes de l’Assemblée. L’automne prochain s’annonce particulièrement périlleux avec la conjonction des effets de la rigueur: hausse des impôts décidée l’an dernier et baisse des dépenses décidée ces jours-ci. «Timing» redoutable que l’on ne relève pas assez, mais que Manuel Valls a bien perçu en promettant d’amortir les première.

4- La pression de la gauche de la gauche

Troisième facteur qui découle du précédent: l’hostilité de plus en plus affirmée, on le constate en ce moment, des syndicats et de la «gauche de la gauche» (y compris socialiste). Plus le plan d’économies budgétaires sera précis, plus le mécontentement montera et plus nombreux seront ceux qui, à gauche, songeront à des recompositions politiques. N’est-ce pas déjà le cas de Cécile Duflot? Calcul qui explique son rejet d’un gouvernement dont elle a visiblement, à tort ou à raison, anticipé l’échec.

5-Profiter de l’impréparation de l’opposition

Quatrième facteur: l’impréparation de l’opposition, qui n’a pas même commencé le bilan du précédent quinquennat et dont «la guerre des chefs» est sur le point de reprendre. Les ténors de la droite qui, on le sait, «jouent 2017», pourraient bien être pris à contre-pied par une dissolution anticipée.

Quelle sera l’attitude de la droite si le président, « respectueux du verdict populaire », nomme « simplement et démocratiquement » le « chef de l’opposition » à Matignon ? C’est-à-dire, les choses étant ce qu’elles sont, Jean-François Copé ?

Sans doute une «vague bleue» est-elle, là encore, très probable: mais justement, quelle sera l’attitude de la droite si le président, «respectueux du verdict populaire», nomme «simplement et démocratiquement» le «chef de l’opposition» à Matignon? C’est-à-dire, les choses étant ce qu’elles sont, Jean-François Copé? Refusera-t-il? Et si oui, d’autres prétendants feront-ils de même? Et si oui encore, la droite, héritière des institutions gaulliennes, pourra-t-elle exiger du président-élu-du-peuple qu’il se démette? On entend déjà l’argumentaire sur le thème du «coup d’État» institutionnel…
Or, si la droite accepte Matignon et applique son programme de «réformes dures» (fin des 35 heures, diminution drastique de la fonction publique, etc.), avec quelle délectation le président s’en fera le commentateur assassin! Que l’on se rappelle la période 1986-1988 (autre leçon mitterrandienne)…

Encore une fois, il ne s’agit que de probabilité: un succès de Manuel Valls, à la faveur d’une reprise économique qui est désormais aussi possible que souhaitable, peut redistribuer les cartes. De plus, le scénario d’une possible dissolution que nous prêtons au président pourrait fort bien lui être imposé par une explosion sociale et politique incontrôlable, qui le priverait de sa libre «gestion du temps». Un scénario dont l’issue électorale serait d’ailleurs tout sauf certaine pour lui car, si l’histoire aime les clins d’œil, elle est trop intelligente pour se répéter.

Un scénario qu’enfin le vaste monde peut renvoyer à l’hypothèse gratuite ou à l’insignifiance, en même temps que cet article, si demain la Russie envahit l’Ukraine…

Par Christophe de Voogd – Le FIGARO Article original

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poid lourd

Bonjour, Pépère devrait étudier et méditer les écris de Werner Heisenberg qui constituent un des fondements de la physique quantique, appelés: principe du hasard et de l’incertitude, eh oui encore un juif.
Ce dont l’article devrait parler ce sont les élections sénatoriales de l’automne prochain, Pépère sait que si il peut dissoudre l’assemblée nationale, il ne peut rien contre le nouveau sénat et même pas une dissolution.
Quand à ces alliés écologistes de salons, ce sont des morpions qui n’ont toujours pas trouvé les bonnes parties auxquelles il faut s’accrocher. Duflot n’est vraiment pas la politicienne qu’il faut. Cordialement.