Nous apprenons que le gouvernement hollandais a nommé une femme voilée pour représenter la jeunesse auprès de l’ONU. Cette décision surprend, choque une partie de l’opinion publique. Pourquoi le gouvernement hollandais agit-il ainsi ?

Comme la plupart des pays européens, la Hollande est confrontée à une immigration importante, installée durablement dans le pays, et qui manifestement, a des difficultés à s’intégrer, c’est-à-dire assimiler les contraintes qui découlent de l’application au quotidien des valeurs du pays d’accueil. (Expression extrême de ce malaise, l’assassinat de Théo Van Gogh). Devenir hollandais pour une personne qui vient de Somalie ou d’Algérie n’est pas du tout évident. Ce que le Hollandais de souche possède « naturellement » demande à l’immigré un effort continue d’adaptation. Ce travail implique une dépense d’énergie considérable, la gestion de contradictions douloureuses. En outre, l’intégration est parfois vécue comme impossible lorsque les valeurs du pays d’origine sont en contradiction totale avec celles du pays d’accueil. Bettelheim explique dans « survivre dans des conditions de détresse extrême » que la limite de l’adaptabilité, ce que nous pouvons faire ou ne pas faire, est liée aux éléments qui constituent notre intégrité, notre identité. Faire ce que nous considérons comme totalement contraire à ce qui nous constitue intimement est quasiment impossible.
La « question femme » (je dis la « question femme » comme on disait hier la « question juive ») est au cœur de ce processus complexe. C’est autour de la femme, de ses droits, de son apparence, de son ouverture ou de sa fermeture… que se focalise la question de l’intégration.

« L’intégrisme démocratique »
L’exemple hollandais est l’expression d’un drame qui ne peut déboucher que sur la violence. D’un côté les démocraties et leur volonté d’ouverture érigée en absolue ; de l’autre le renfermement dans une crispation identitaire, elle-même érigée en absolue. En clair, dans sa volonté d’intégrer absolument l’immigré, la démocratie l’admet y compris dans sa fermeture sur lui-même, dans sa non volonté d’intégration. Elle ne lui demande rien. Elle n’attend rien de lui. Elle lui permet d’être absolument lui-même ; à la limite elle l’invite à faire comme si il n’était pas en Hollande, à faire comme si il était chez lui. Or, pour l’immigré lambda, ce processus est vécu non comme un processus de libération, mais comme un processus d’enfermement. On le renvoie à la case départ. Celle qu’il a quittée ou qu’il a fuie. Cette étrange attitude est le résultat de ce que l’on pourrait appeler le syndrome du « narcissisme démocratique ». Ce syndrome conduit les démocraties à instrumentaliser l’immigré pour se tendre à elle-même le visage flatteur de celui qui fait preuve d’une tolérance absolue. Le démocrate devient irréprochable. Il vise à être le bon élève de la classe planétaire. Il veut échapper à toute critique possible, voire à tout soupçon de racisme ou d’attitude colonialiste. Il veut être « pur », « intègre ». Mais, ironie de l’histoire, cet « intégrisme démocratique » stigmatise l’autre ; renvoie sur lui la charge du refus, de la fermeture. Au plus le démocrate proclame à la face du monde « je suis ouvert et tolérant » au plus il sous-entend que l’immigré ne l’est pas, qu’il est l’unique cause de sa non intégration. L’extrême tolérance développe chez l’immigré un sentiment d’impuissance et d’humiliation. A quoi bon se battre ? A quoi bon tous ces efforts pour s’intégrer si une femme voilée non seulement me représente, mais représente la jeunesse hollandaise dans son ensemble ?

L’exclusion de l’histoire
Du haut de leur superbe, les démocrates intégristes admettent que l’immigré ne peut pas faire autrement. Qu’il est ainsi et qu’il faut le prendre comme tel. Il n’est pas dans une histoire qui se construit contradictoirement, mais dans une essence qui s’affirme dans son immobilité et qui se heurte à d’autres essences immobiles. Le démocrate à la tolérance absolue rejoint le raciste de base : « ces gens là ne sont pas comme nous ; ils n’évolueront jamais ».
Au fond, il n’y a qu’un seul lieu où le pouvoir admet totalement l’autre dans sa propre fermeture : c’est l’institution psychiatrique. Dans le cadre de l’institution asilaire, par définition, cette relation est induite par une réalité pathogène. Elle est le degré zéro de la relation à l’autre, l’unique possibilité d’établir un début de rapport avec celui que l’on appelle aliéné ; l’ultime recours pour l’aider à sortir de sa condition.
Ce ne peut être un tel but que poursuit le démocrate hyper tolérant car cela serait le signe de la survivance d’une attitude colonialiste. (Sous la Deuxième et Troisième République on s’exhibait volontiers avec les représentants des « indigènes » en tenue).
Cette hypothèse écartée, force est de constater qu’admettre l’autre jusque dans sa fermeture totale, c’est admettre la non communication comme mode de fonctionnement normal. Mettre en présence deux entités antinomiques, c’est inscrire la « rupture » dans la norme. C’est rendre impossible le processus d’intégration. C’est au mieux, valider le choc des cultures et potentiellement créer les conditions de la guerre civile comme unique mode d’échange ; au pire, c’est prendre acte de notre défaite définitive face à l’Islam dont Claude Lévi-Strauss disait : « l’Islam se développe selon une orientation masculine. En enfermant les femmes, il verrouille l’accès au sein maternel : du monde des femmes, l’homme a fait un monde clos. » (Tristes Tropiques)
N’est-ce pas cette clôture qu’exhibe la Hollande en désignant comme représentant de la jeunesse, une femme voilée ? L’heure du grand renfermement des femmes a-t-elle sonné dans le plus démocratique des pays d’Europe ?

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