Par Maître Bertrand Ramas-Muhlbach.

Le 5 mai 2014, l’Etat d’Israël célèbre le 66ème anniversaire de sa naissance. Les drapeaux bleu et blanc ornés d’une étoile de David garniront les maisons, les voitures et les rues pour fêter l’indépendance retrouvée après 2000 ans d’exil.

Sur le terrain institutionnel, le premier Ministre Benjamin Netanyahou a, le 1er mai 2014, indiqué qu’il devenait nécessaire de défendre le statut d’Israël comme Etat national du peuple juif et l’ancrer comme tel dans une Loi constitutionnelle. La question peut donc se poser de savoir si l’Etat d’Israël doit devenir l’Etat des seuls juifs qui vivent en Israël ou si au contraire, il doit devenir l’Etat des juifs dans leur globalité, c’est-à-dire non seulement des juifs qui résident en Israël, mais aussi des juifs de diaspora.

Une chose est certaine, le devenir de l’Etat d’Israël doit être dissocié de ce qui est communément appelé « les négociations de paix avec les palestiniens». Les dirigeants du Hamas et du Fatah (a priori réconciliés) ne sont manifestement intéressés, ni par le concept de paix, ni par celui d’un éventuel Etat palestinien qui vivrait en paix aux côtés de l’Etat juif. Le Hamas reste attaché à la destruction d’Israël, alors que le Fatah ne veut pas reconnaître la judéité d’Israël pour ne pas renoncer à cette invention de la communauté internationale couramment appelée « droit au retour des palestiniens », alors même que les petits et arrières petits-enfants des palestiniens de 1948 n’ont jamais foulé le sol de l’Etat juif…

La réflexion sur le concept « d’Etat nation » en Israël pourrait être ainsi appréhendée à travers les évènements qui se produisent dans le monde. S’agissant de la population, il n’est peut être pas nécessaire de rattacher le concept de « nation » à la « population » qui vit sur le territoire. En effet, les membres de la nation peuvent être implantés dans d’autres pays sans pour autant être exclus de la nation. C’est la cas de la nationalité libanaise : la population libanaise qui vit à l’intérieur des frontières du Liban comprend 4.1 millions de personnes alors que le nombre de libanais qui vivent en diaspora se monte à près de 10 millions de personnes, sans qu’il n’y ait de leur part renonciation à leur identité nationale. Un pays peut donc comprendre des nationaux qui vivent, pour les trois quarts à l’étranger sans que l’identité nationale spécifique soit remise en question. Inversement, le fait pour les libanais de l’étranger de ne pas contrôler les institutions nationales présente un risque, celui de voir un groupe minoritaire, en l’occurrence les chiites, prendre le contrôle du pays.

De la même manière, bon nombre de juifs israéliens vit en dehors des frontières nationales pour des raisons professionnelles ou économiques, sans que ce départ n’ait entraîné une annulation de leur passeport israélien. Il est donc possible pour un juif israélien de vivre en dehors d’Israël, sans que le lien à la terre ne soit remis en question.

Pour apprécier le concept de nation juive, il convient également de prendre en considération la partie des citoyens d’Israël qui ne se sent pas concernée par le devenir du pays et qui refuse les institutions de l’Etat juif, contrairement aux vœux de David Ben Gourion en 1948, qui imaginait l’intégration naturelle des arabes israéliens dans le processus politique. Force est de constater qu’ils se considèrent majoritairement, non comme des arabes israéliens mais bien comme des palestiniens en Israël, c’est-à-dire comme des non nationaux qui n’attendent qu’une mutation institutionnelle de l’Etat. Les institutions de l’Etat juif ne sauraient donc accorder plus de prérogatives à ses ennemis de l’intérieur, qu’elles n’en réservent aux juifs de diaspora, c’est-à-dire aux membres du peuple qui vit l’extérieur du pays.

L’assassinat sauvage, le 1er mai 2014, de Shelly Dadon, jeune israélienne âgée de20 ans, originaire de la ville d’Afulla par des arabes israéliens qui se disent « libérateurs de la Galilée » illustre une nouvelle fois l’impossibilité d’admettre une population qui ne se reconnaît pas dans l’histoire d’Israël. L’Etat juif doit donc bien intégrer dans ses institutions qu’il est celui des juifs qui y résident, tout comme celui des juifs de diaspora qui sont attachés à sa pérennité (Non celui des personnes qui y résident et qui aspirent à sa disparition à plus ou moins long terme).

Il convient d’ailleurs de mentionner les conséquences d’une population non nationale,animée d’autres valeurs, qui tend à devenir majoritaire au sein d’un pays. L’exemple français est à ce sujet symptomatique. L’absence de culture, de rappel et d’imposition des valeurs historiques nationales à la population résidente, qu’elle soit implantée depuis longtemps ou nouvellement arrivée, révèle des mutations tout à fait surprenantes. Des français vont désormais faire le Jihad en Syrie ou en Afghanistan (antérieurement au mali) et aspirent à détruire l’Etat au sein duquel ils ont grandi, après s’être converti à une autre religion. Or, la société française « laïco-athée », est un terreau extraordinaire pour une jeunesse en mal de spiritualité.

La France peut donc envisager d’expulser les ressortissants étrangers qui favoriseraient le départ vers l’étranger de jeunes désireux d’apprendre les techniques du combat, informer les familles d’un candidat au djihad par le canal d’un numéro vert, prendre « toutes les mesures pour dissuader, empêcher, punir ceux ou celles » qui seraient tentés par le djihad, y compris au moyen de la cybersécurité, les mesures resteront vaines. Le phénomène n’est d’ailleurs pas spécifiquement français. En 2013, la Grande-Bretagne a adopté une loi visant à confisquer le passeport de toute personne dont les activités « réelles ou présumées » sont jugées contraires à l’intérêt public. En réalité, pour le candidat au Djihad, les actes ne relèvent pas du terrorisme mais participent d’un acte de foi plus global.

Ainsi, la démocratie ne vaut qu’au sein d’une population animée des mêmes valeurs. A défaut, elle devient l’instrument d’une destruction étatique. Israël pourrait donc instituer une Loi fondamentale sur la nationalité (leoumayoute), distinguant les citoyens (ezrahim) nationaux juifs, des citoyens non nationaux (voire palestiniens) en situation régulière, et ceux qui ne le sont pas. La qualité d’électeur et de membre éligible aux « élections nationales » serait réservée aux seuls nationaux qui résident sur le territoire, c’est-à-dire aux juifs israéliens, alors que les juifs de diaspora qui sollicitent l’acquisition de la nationalité israélienne (et qui auraient une double nationalité avec celle du pays dont ils sont originaires) pourraient être consultés sur toutes les décisions concernant le devenir de l’Etat. Une assemblée spéciale (ha Knesset ha yeoudim mi routs laharetz) les représenteraient alors.

Les juifs de diaspora se verraient alors amenés à participer au devenir du pays par le biais de périodes passées en Israël ou au moyen d’une contribution financière pour ceux qui le souhaitent (l’apprentissage de l’hébreu moderne serait bien évidemment systématisé au sein des différentes communautés de diaspora). Ainsi, la populations israélienne ne seraient plus de 8.1 millions d’habitant mais de 15.1 millions de personnes dont 1.2 millions de non nationaux. Bien évidemment, les non nationaux (en situation régulière) qui portent atteinte aux intérêts supérieurs de l’Etat juif pourraient faire l’objet d’expulsion temporaire ou définitive, comme dans le cas des membres du groupe qui se dit « libérateur de la Galilée Article original»).

L’Etat d’Israël deviendrait alors « l’Etat juif » ou « l’Etat des juifs », chaque juif étant rattaché à la terre par la « nationalité » (c’est-à-dire par le lien national), ce qui pourrait satisfaire le premier Ministre Benjamin Netanyahou.

Par Maître Bertrand Ramas-Muhlbach.

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kravi

Cher Monsieur,
merci pour cet article et ses implications passionnantes. Au reste, nous avons déjà été en contact à ce sujet, que je trouve fondamental.

Vous pourriez cependant être étonné par la virulence des réactions que j’ai reçues lorsque j’ai abordé ce même sujet à l’occasion de commentaires sur tel ou tel article.

De toute évidence, les citoyens israéliens qui m’ont – au pire — invectivé répugnent à cette idée, sourcilleux qu’ils sont –- à juste titre — de leur indépendance.

Si ce projet devait un jour prendre réalité, il faudrait plus de hasbara que l’État d’Israël est accoutumé à faire…