Lorsque nous célébrons les réalisations d’autrui, nous changeons notre vie et la leur.

Pekudei (5774) –

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28 Adar Richon, 5774

Si les chefs veulent révéler le meilleur de ceux qu’ils dirigent, ils doivent leur donner la possibilité de montrer qu’ils sont capables de grands accomplissements, et, ensuite, ils doivent célébrer leurs réalisations. C’est ce qui se produit à un moment-clé vers la fin de notre parasha, qui porte le livre de l’Exode à une conclusion sublime, après toutes les dissensions qui se sont données libre cours auparavant.

Les Israélites ont finalement terminé la construction du Tabernacle. Nous entendons alors : ainsi tout le travail du Tabernacle, la tente d’assignation, ont été achevés. Les Israélites ont tout réalisé selon ce que Hachem a ordonné à Moïse… Moïse a inspecté le travail accompli et a constaté qu’ils l’avaient fait comme Hachem l’avait demandé. Aussi Moïse les a t-il bénis. (Ex. 39: 32, 43). Le passage semble assez simple , mais pour l’oreille avertie, cela rappelle un autre texte biblique, de la fin du récit de la création dans la Genèse :

Les cieux et la terre ont été achevés dans toute leur vaste gamme de nuances. Le septième jour, Hachem a fini le travail qu’il devait faire ; ainsi, le septième jour, il s’est reposé de tout son travail. Alors Hachem a béni le septième jour et l’a sanctifié, parce que ce jour-là, il s’est reposé de tout le travail de la création qu’il avait à accomplir. (Gen. 2: 1-3)

Trois mots-clés ressortent aussi bien dans l’un que l’autre passage : « travail », « accompli » et « béni ». Les répercussions de ces mots n’ont rien d’accidentel. Elles représentent la manière dont la Torah signale une intertextualité, c’est-à-dire quand elle fait allusion à une loi ou un récit qui doit être interprété dans le même contexte que l’autre. Dans ce cas, la Torah souligne que l’Exode comme la Genèse a commencé, avec le travail de création. Observez bien la différence comme la similitude. La Genèse a commencé par un acte de création Divine. L’Exode se termine par un acte de création humaine.

Plus nous examinons ces deux textes de près, plus nous nous apercevons de leur construction étroitement parallèle. Le récit de la création dans la Genèse est solidement organisé autour de séries impliquant le chiffre sept . Il y a sept jours de création. Le mot « bien » apparaît sept fois, le mot « Hachem » trente-cinq fois, et le mot « terre » vingt et une fois. Le verset du début de la Genèse contient sept mots, le second quatorze, et les trois versets de fin trente-cinq mots. Le texte complet se décompose en 469 (7x 67) mots.

Le récit de la construction du Tabernacle dans Vayakhel-Pekudei est construit de la même façon autour du nombre sept. Le mot « cœur » apparaît sept fois dans l’Exode 35 : 5-29, lorsque Moïse précise les matériaux devant être utilisés dans la construction, et sept fois encore dans 35 : 34- 36 : 8, la description de la manière dont les artisans Betsalel et Oholiav devaient réaliser ce travail. Le mot Terumah, « contribution » /prélèvement »>Article original apparaît sept fois dans cette section. Dans le chapitre 39, qui décrit la réalisation des vêtements du prêtre, le groupe de mots « lorsqu’ Hachem ordonne à Moïse » apparaît sept fois. On le retrouve de nouveau sept fois dans le chapitre 40.

Un parallèle remarquable est esquissé entre la Création de l’univers par Hachem et la création du Sanctuaire par les Israélites. Nous comprenons maintenant ce que le Sanctuaire représente. C’était un microcosme, un univers en miniature, construit avec la même minutie et la même sagesse que l’univers lui-même, un lieu ordonné a contrario du caractère informe du désert et du chaos toujours menaçant qui peut surgir du cœur humain. Le Sanctuaire a été un rappel tangible de la présence d’Hachem à l’intérieur même du camp, qui est, lui-même, une métaphore de la présence d’Hachem au cœur de l’univers tout entier.

Une idée, aussi grande que fatidique, prend forme. Les Israélites, qui ont été décrits à travers presque tout l’Exode comme des êtres ingrats et peu enthousiastes, ont eu l’occasion, après la faute du veau d’or, de montrer qu’ils ne sont pas irrécupérables. Ils sont capables de grandes choses. Ils ont montré qu’ils pouvaient être créatifs. Ils ont employé toute leur générosité et leurs facultés à construire un univers miniature. Par cet acte symbolique, ils ont montré qu’ils sont capables de devenir, comme dans la puissante phrase rabbinique : « les partenaires d’Hachem dans le travail de création ».

C’était fondamental pour leur remobilisation et leur estime de soi en tant que peuple de l’alliance avec Hachem. Le judaïsme n’émet pas un avis a priori ou à courte vue sur le champ des possibles humains . Nous ne croyons pas que nous sommes entachés par un péché originel. Nous ne sommes pas incapables de grandeur morale. Bien au contraire, le seul fait que nous soyons à l’image du Créateur signifie que – de façon unique parmi toutes les formes de vie –nous avons la capacité d’être créatifs. Alors que la première réalisation créative d’Israël atteint son point culminant, Moïse les bénis, en leur disant, en accord avec les sages, « Puisse t-il être la volonté d’Hachem que Sa présence se repose sur le travail de vos mains » 1″>Article original Notre grandeur potentielle réside dans le fait que nous pouvons créer des structures, des relations et des vies qui deviennent des résidences pour la Présence Divine.

En les bénissant et en célébrant leur réussite, Moïse leur a montré ce qu’ils pouvaient être. C’est potentiellement une expérience de changement de vie. En voici un bel exemple contemporain :

En 2001, peu de temps après le 11 Septembre, j’ai reçu une lettre d’une femme à Londres dont je n’ai pas immédiatement reconnu le nom. Le matin de l’attaque du World Trade Center, je donnais un cours sur la manière d’élever le statut de la profession d’enseignant, et elle a lu un reportage sur ceci dans la presse. Cela l’a incité à m’écrire et à me rappeler un rendez-vous que nous avions eu 8 ans plus tôt.

Elle était alors, en 1993, directrice d’une école qui battait de l’aile. Elle avait entendu parler de certaines de mes émissions, et avait ressenti une affinité avec ce que j’évoquais, et ainsi, elle pensait que je pouvais avoir la réponse à son problème. Je l’ai invitée, avec deux de ses adjoints, dans notre maison. L’histoire qu’elle m’a raconté était la suivante : le moral à l’intérieur de l’école, parmi les enseignants, les élèves et, de même, pour leurs parents, était au plus bas. Des parents avaient retiré leurs enfants. Le nombre d’élèves était passé de 1000 enfants à 500. Les résultats aux examens étaient faibles : seulement 8% des étudiants ont obtenu leur diplôme. Il était évident qu’à moins que quelque chose ne change fondamentalement, l’école devrait fermer.

Nous avons parlé pendant environ une heure ou plus de sujets généraux : l’école en tant que communauté, comment créer une éthique, etc. Soudain, j’ai réalisé que nous nous égarions. Le problème qu’elle rencontrait était pratique, non philosophique. J’ai dit alors : « Je veux que vous ressentiez le sens d’un mot : célébrer ». Elle s’est tournée vers moi en poussant un soupir : « Vous ne comprenez pas – nous n’avons rien à fêter. Tout, au sein de cette école va de travers ». « Dans ce cas » lui ai-je répondu, « trouvez quelque chose à célébrer. Si un seul élève a fait mieux cette semaine que la semaine dernière, alors fêtez cet évènement!. Si c’est l’anniversaire de quelqu’un, alors fêtez-le!. Si c’est Mardi, célébrez-le! » Elle semblait sceptique, mais m’a promis de donner une chance à cette idée et d’essayer.

Et maintenant, 8 ans plus tard, elle m’écrivait pour me raconter ce qui s’était passé depuis. Les résultats aux examens des diplômes supérieurs étaient passés de 8 à 65%. Le nombre d’étudiants avait augmenté de 500 à 1000. Gardant le meilleur pour la fin, elle a ajouté qu’elle avait été décorée de l’Ordre de l’Empire Britannique – un des plus grands honneurs que la Reine puisse accorder – pour sa contribution à l’enseignement. Elle a fini en précisant qu’elle voulait juste que je sache comment un mot avait changé l’école et sa vie.

C’était une enseignante merveilleuse, et elle n’avait certainement pas besoin de mon conseil. Elle aurait sûrement découvert la réponse par elle-même. Mais je n’ai jamais douté que la stratégie réussirait. Nous grandissons pour répondre aux attentes des autres à notre égard. Si elles sont basses, nous restons petits. Si elles sont élevées, nous marchons la tête haute.

L’idée selon laquelle chacun d’entre nous a une « dose » d’intelligence, des vertus, des capacités universitaires, de la motivation et une conduite limitées est absurde…Evidemment que nous ne pouvons pas tous peindre comme Monet ou composer comme Mozart. Mais chacun d’entre nous a des dons, des capacités, qui peuvent rester latents toute une vie, jusqu’à ce que quelqu’un ne les réveille. Nous pouvons atteindre des sommets que nous n’aurions jamais pensé pouvoir atteindre. Tout ceci réside, pour nous, dans la rencontre avec quelqu’un qui croit en nous, nous met au défi, et ensuite, lorsque nous avons relevé le défi, nous bénit et célèbre nos réalisations.

C’est ce qu’a fait Moïse pour les Israélites après la faute du veau d’or. Tout d’abord, il les a incités à créer, et ensuite, il les a bénis, eux et leur création, par l’une des plus simples et des plus émouvantes de toutes les bénédictions, qui est que la Shekhinah (Présence Divine) réside dans le travail de leurs mains.

La célébration est une partie essentielle de la motivation. Cela retourne une école. Dans un temps plus ancien, et dans un contexte plus sacré, cela a renversé les Israélites . Lorsque nous célébrons les réalisations d’autrui, nous changeons notre vie et la leur.
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1″>Article original Sifre, Bamidbar, Pinhas, 143.

Par Le Grand Rabbin et Lord Jonathan Sacks.

rabbisacks.org Article original

Adaptation : Florence Cherki et Marc Brzustowski.

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Pninat Hahalakha

Question : Nous allons lire ce Shabbat la parachat Chekalim, afin de rappeler la mitsvah de Ma’hatsit Hachekel , somme que l’on ramassait de chacun, afin d’acheter de nouvelles bêtes pour le service au Temple. Que peut-on apprendre de cette mitsvah de nos jours ?

Réponse : Le sentiment le plus essentiel que l’on doit développer au sein d’une nation est le sentiment d’être associé à la collectivité.

Ceci est vrai au sein de toute société et de tout peuple qui veut préserver sa cohésion , et ceci est à plus forte raison vrai au sein du peuple d’Israël.  » il fut roi de Yechouroun, les chefs du peuple étant réunis, les tribus d’Israël rassemblées  » ( Devarim 33,4 ).

Ce sentiment doit évidemment d’abord apparaitre au plus profond du cœur  » et Aaron portera sur son cœur, lorsqu’il entrera dans le sanctuaire, les noms des enfants d’Israël « ( Chemot 28,30 ).

Mais il doit aussi se traduire par des actes, comme par exemple une contribution pécuniaire égale, ainsi que le signale le verset le » riche ne donnera pas plus, le pauvre ne donnera pas moins que la moitié du sicle  »

( ibidem 30,15 ). Dans l’édification du Mishkan, tout Israël fut associé  » Moïse convoqua toute la communauté des enfants d’Israël, et leur dit : voici les choses que D’… a ordonné de faire! « (Ibidem 35,1).

De même, le Roi David fit participer toutes les tribus à l’achat de l’emplacement du Temple , comme l’enseigne Rachi sur le verset des Chroniques I,21,25  » David donna donc à Ornan pour cet emplacement des sicles d’or, au nombre de six cents- soit cinquante sicles par tribu « .

De même dans toute société et communauté, chacun, avant de vérifier quels sont ses droits , doit vérifier quels sont ses propres devoirs . En quoi il contribue à assurer les besoins du Klal, et comment il est associé aux taches publiques. Ceci se fait non seulement par la pensée, mais aussi par des actes, et en remplissant des fonctions indispensables à la bonne marche des affaires publiques, en tenant compte des aptitudes et qualités de chacun, avec joie et modestie. Parmi les vertus nécessaires à l’acquisition de la Torah, nos Sages ont énuméré la capacité de «  supporter un fardeau avec son prochain « en traduction littérale (Pirkei Avot 6.6).

Harav Yehouda Ben Ichay emounachelema.com Article original

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