Quand Jérémie fut sorti de Jérusalem, un ange descendit du ciel, posa ses pieds sur les murs de la ville et les renversa, criant : « Qu’arrivent les ennemis, qu’ils entrent dans la maison dont le maître est absent, qu’ils la souillent et la détruisent ; qu’ils montent dans la vigne et qu’ils en coupent les ceps, puisque le gardien l’a abandonnée et qu’il s’en est allé ! » – Les ennemis vinrent et montèrent au lieu où le roi Salomon s’asseyait pour prendre conseil des Anciens, au lieu où s’accomplit l’achèvement du Temple ; là même s’assirent les ennemis, prenant conseil sur les façons d’incendier le Sanctuaire.

Or tandis qu’ils délibéraient, ils levèrent les yeux et voici : quatre anges descendirent des hauteurs tenant dans leurs mains quatre torches allumées, et ils les mirent aux quatre coins du Temple qui s’embrasa. Quand le grand prêtre vit que le Temple était en feu, il prit la clef du sanctuaire, la lança vers les cieux, ouvrit la bouche et dit : « Voici la clef de Ta Maison, dont je fus l’infidèle gardien. »- Puis il sortit pour s’éloigner ; mais les ennemis le saisirent et l’égorgèrent près de l’autel, où il offrait chaque jour le sacrifice. Sa fille vint suppliante et cria : « Hélas mon père, joie de mes yeux ! »

On la saisit et on l’égorgea et on mêla son sang au sang de son père. Et quand les prêtres et les lévites virent que le temple brûlait, ils prirent leurs harpes et leurs trompettes, et se jetèrent dans les flammes et furent consumés et quand les vierges qui tissaient les rideaux sacrés virent que le Temple brûlait, pour échapper aux souillures de l’ennemi, elles se lancèrent dans les flammes et furent consumées.- Et quand le roi Sédécias eut vu ces choses, il sortit, afin de s’échapper par le souterrain qui mène à Jéricho et où passe la conduite d’eau.

Mais il se fatigua et ses fils marchèrent devant. Nébusanédan le vit ; on s’empara de lui et de ses dix fils, et Nabusarédan les envoya à Nabuchodonosor…Et Sédécias dit au roi des Chaldéens : » Tue-moi le premier, que je ne voie pas la mort de mes enfants. » Mais ses fils parlèrent aussi : Tue-nous les premiers, que nous ne voyions pas couler sur la terre le sang de notre père. » – Et il en fut ainsi : il égorgea les fils ; il arracha au père, ses yeux et les jeta au feu, et l’emmena à Babylone. Et Sédécias cria : « Venez et voyez, vous tous, fils des hommes, ce que Jérémie avait sur moi prophétisé, disant : Tu iras à Babylone et tu mourras à Babylone, et tes yeux ne verront pont Babylone. Et je n’ai point écouté sa parole ; et me voici à Babylone et mes yeux ne voient point Babylone ! ».
Or le prophète sortit d’Anatoth, pour retourner à Jérusalem. Il leva les yeux et vit monter la fumée du Temple. Alors il dit en son cœur : « Peut-être les enfants d’Israël ont-ils fait pénitence ; peut-être ils offrent des sacrifices car la fumée des encensements s’élève au ciel. » – Et il s’approcha et monta sur les murs, et vit qu’autour du Temple, les pierres s’amoncelaient.

Et il poursuivit sa route et se mit à crier. Sur quels chemins les pécheurs sont-ils partis ? Sur quels chemins les perdus s’en sont-ils allés ? J’y veux aller et avec eux me perdre ! » – Et il alla et il vit le sentier rempli de sang et tous les lieux remplis du sang des égorgés, de tous côtés. Et il abaissa ses yeux vers le sol ; et il vit les traces des pas des tout petits et des enfants qui avaient marché vers l’exil, et il se courba et les baisa. – Et lorsqu’il fut arrivé auprès des exilés, il les embrassa et pleura devant eux et ils pleurèrent devant lui et il commença à parler et leur dit : « Quand je remontais à Jérusalem, je levai les yeux et je vis une femme, assise au sommet du mont. Sa robe était noire, et ses cheveux dénoués, et elle criait et suppliait, cherchant quelqu’un qui la consolât.

Je m’approchai et lui dis : « Si tu es une femme parle-moi ; si tu es un esprit lève-toi de devant moi et disparais. » – Et elle me répondit : « Ne me connais-tu point ? Je suis celle qui avait sept fils dont le père était parti au-delà des mers ; et tandis que j’étais monté sur la montagne pour sacrifier, un homme est venu et m’a dit ta maison s’est écroulée, écrasant tes sept fils. – Et je ne sais pas sur lequel je dois pleurer, pour lequel je dois arracher ma chevelure ? » – Et je lui répondis : « Tu ne vaux pas mieux que ma mère Sion, qui est devenue un pâturage pour les bêtes des champs. » – Et elle me répondit : « Ta mère Sion c’est moi, la mère des sept fils, dont il est dit : Elle est fanée, celle qui sept fois enfanta. » – Et parlant au nom de l’Éternel, je lui répondis : « Ton malheur est pareil au malheur de Job ; à Job furent arrachés ses filles et ses ; à toi tes fils et tes fils et tes filles furent arrachés ; à Job, j’ai repris son argent et son or ; à toi j’ai repris ton or et ton argent ; Job je l’ai jeté dans l’ordure et toi je t’ai jeté sur un tas de fumier.

Mais comme j’ai préparé pour Job des consolations, pour toi, je prépare des consolations : A Job, j’ai doublé ses fils et ses filles ; tes filles et tes fils, je les doublerai : A Job, j’ai doublé son argent et son or, ton or et ton argent je le doublerai ; de Job j’ai secoué l’ordure et la fange, et de toi je secouerai la fange et la poussière. Et ta demeure, Ô Sion, que des hommes de sang et de chair construisirent, que des hommes de sang et de chair détruisirent, Moi, l’Eternel, dans l’avenir je la reconstruirai, ainsi qu’il est écrit : «Il reconstruit Jérusalem, l’Eternel, Il rassemble les enfants d’Israël. Amen ! (Pesikta Rabbathi, piska, 26), (Anthologie Juive d’Edmond Fleg)

Pour une lecture appropriée avec ce 9 Av 5775, « Zahor » (Se souvenir, méditer, espérer)

Alice Benchimol

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