LE  TESTAMENT  DE  L’AU-DELA

Ce que l’on pourrait appeler  «le testament de l’au-delà »  existe.

Lors des fouilles effectuées en 1945, près du crématoire III de Birkenau, par la commission d’enquête de l’armée soviétique, on a découvert les notes de Zalmen  GRADOWSKI  sonderkomando , enfouies sous la cendre.

Dans les heures de son plus grand désespoir, il décrit le calvaire vécu par lui, le voyage en wagon plombé, la sélection, les coups, les chiens hurlant à la mort, les odeurs de chair brûlée, partout la même douleur, la même souffrance atroce.

Il a vu, comme dans un rêve, de ses yeux émerveillés de «jeunes vies, palpitantes, frémissantes, en fleur, abreuvées aux  sources de vie» Et puis , soudain, ses mêmes yeux exorbités, ont vu  toutes ces âmes pétrifiées, figées dans la mort et bientôt réduites en cendres dispersées dans l’enfer du camp.

Les sentiments  se bousculent en lui : il ne peut étouffer sa peur, son épouvante. Il est terrorisé.

Alors dans sa détresse, un éclair de conscience lui dicte de parler à ceux qui viendront après, bien après ce cataclysme et qui, espère-t-il , ne l’auront pas connu et encore moins vécu.

Son testament, à travers ses notes gribouillées à grand peine, c’est sa façon à lui de nous interpeller avec des dizaines d’années d’avance.

J’en ai pris connaissance avec une émotion infinie, comme si cet écrit s’adressait directement à moi tout comme à ceux qui ont eu la chance d’échapper à la tragédie de la Shoah. Ce qu’il écrit est bouleversant, non seulement parce qu’il est prémonitoire, mais parce qu’il nous interpelle dans notre conscience.

«Cher découvreur de ces écrits !

J’ai une prière à te  faire, c’est en vérité, mon essentielle raison d’écrire, que ma vie condamnée à mort trouve au moins un sens. Oui, j’ai une prière personnelle à te faire, cher toi, qui trouvera et imprimera ces écrits.

Renseigne-toi à l’adresse indiquée pour savoir qui je suis.

Demande à ma famille la photographie des miens et la mienne avec ma femme, inclus –les dans le livre, comme il te semblera bon ; ainsi voudrais-je rendre immortels leurs chers noms pour lesquels je ne peux verser même une seule larme maintenant, car je suis dans l’enfer de la mort.

Moi-même, je suis condamné à mort. Un mort peut-il pleurer ses morts ?

Mais toi, étranger, citoyen libre du monde, je te prie de laisser couler une larme pour eux quand tu verras leurs photographies.

Je dédie ces écrits à ma mère Sarah, mes sœurs Luba et Esther, Rachel ma femme, mon beau-père Raphaël, tous ont péri gazés, brûlés.»

Ces paroles pénètrent  dans le cœur car elles sont le dernier vœu d’un condamné à mort, son ultime souhait. Elles  résonnent   en moi avec émotion et elles évoquent tous  ceux qui me sont chers.

Elles ne s’adressent pas spécialement à moi, mais davantage aux chercheurs,  aux historiens, aux passeurs de mémoire , car Zalmen  GRADOWSKI nous a montré la voie de ce qu’il convient de faire après la Shoah.

Une voie ouverte avec Serge KLARSFALD qui a su, un par un,  retrouver les noms  de tous les juifs déportés de France, désormais inscrits dans  son  mémorial , et leur restituant ainsi leur identité. Mais il a été plus loin encore, en insérant dans le Mémorial des Enfants Juifs Déportés de France, des centaines  de photos d’enfants. Ces photos sont la preuve qu’ils ont existé. Ils n’étaient pas de simples numéros  d’un catalogue de condamnés à mort, mais des êtres qui auraient pu connaître une vie merveilleuse. Les flammes de l’enfer de la Shoah n’ont pu brûler le souvenir de ces enfants, de ces fillettes au visage radieux et de ces adolescents posant le jour de leur bar mitsvah.

Ainsi les efforts conjugués des survivants, des orphelins, des témoins, le travail inlassable de KLARSFELD , la ténacité du Mémorial de la SHOAH, les initiatives du MJLF, ont respecté à la lettre la volonté posthume de Zalmen  GRADOWSKI.

En égrenant ces identités disparues lors de la lecture des noms, instituée par le Mouvement Juif Libéral de France, et en  feuilletant les pages du Mémorial, nous redonnons vie à ces existences brisées, même si nous ne les avons pas connues.

C’est comme si, à travers les années, un lien spirituel nous unissait à ces êtres, pour nous dicter de ne pas les oublier. Un lien qui devrait relier tous les hommes, quelle  que soit leur couleur, leur religion, leur croyance. Tout simplement  parce qu’ils sont les enfants  de Dieu…

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Moise COHEN

Président d’Honneur du Consistoire de Paris

וְנָתַתִּי לָהֶם בְּבֵיתִי וּבְחוֹמֹתַי יָד וָשֵׁם, טוֹב מִבָּנִים וּמִבָּנוֹת; שֵׁם עוֹלָם אֶתֶּן לוֹ, אֲשֶׁר לֹא יִכָּרֵת

je leur donnerai dans ma maison et dans mes murs un monument et un nom qui vaudra mieux que des fils et des filles : je leur donnerai un nom éternel, qui ne sera point retranché.
Esaïe 56 – 5

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