Le moins que je puisse dire est que je ressens un profond soulagement à la fin de ce spectacle désolant qui m’a énormément choqué, pas seulement en tant que philosophe mais en simple Juif, attentif à ce qui passe dans la terre natale de mes ancêtres, un pays renaissant de ses cendres, après deux millénaires d’exil, tel un phénix, mais dont les citoyens (surtout la classe politique) adoptent des conduites indignes.

La campagne en elle-même, anormalement longue, devenait insupportable et avec une presse qui ne laissait rien passer car il faut bien avoir une ou deux choses, croustillantes si possible, à se mettre sous la dent.

Tant de journaux télévisés ou d’éditoriaux dans la presse écrite, sans compter les réseaux sociaux qui se sont vraiment surpassés.

Mais venons-en au contenu :
Ces élections ne se sont pas distinguées par la richesse d’un contenu programmatique ni par le charisme de leurs chefs, elles se sont limitées à un système binaire désolant en vertu de son indigence politique: pour ou contre Monsieur Netanyahou.

A aucun moment il n’a été question de l’économie, de la politique, de la réforme des systèmes de santé, de l’éducation, sans même parler de politique étrangère, à savoir le dialogue avec les Palestiniens.

Même le cas douloureux de Gaza n’a pas vraiment fait l’objet de débats… Alors, que s’est il passé ?

Il y a des responsables dans le camp anti Netanyahou et notamment le chef du parti Yesh ‘Atid qui devra attendre quatre longues années avant d’espérer le pouvoir ou simplement d’en rêver.

Cet homme, venu de la presse télévisuelle, n’a pas laissé passer une seule occasion de s’en prendre au Premier Ministre lequel, il faut le rappeler, l’avait chassé d’un gouvernement au motif qu’il complotait contre lui…

Le général avec lequel il avait fait alliance n’a rien fait pour réorienter le débat : enlever la personne du Premier Ministre du centre des débats pour s’occuper de politique: et Dieu sait que ce pays a besoin de mettre de l’ordre dans ses affaires, même si, grâce à ce même Premier Ministre, sa situation nationale et internationale s’est considérablement améliorée. Alors que reprochait on à Monsieur Netanyahou ?

Au fond, je ne vois pas très bien ce qu’on pourrait lui reprocher. Au vu de tout ce qu’il a accompli par ailleurs. Aimer les cigares de qualité et les vins raffinés n’est pas un crime.

Ses adversaires ont monté en épingle je ne sais quels procès en sorcellerie, appelés corruption ou prise illégale d’intérêts et la presse ne pouvait pas faire autrement qu’appuyer de telles accusations contre un homme politique qu’elle honnit et dont elle rêve de provoquer la chute.

Du coup, j’ai pensé à la Haine de soi de Théodore Lessing qui avait créé un concept psychanalytique en analysant la vie de six personnalités juives allemandes qui furent poussées au suicide en raison de leur haine de soi…

Quand on voit les résultats de ce matin, démentant ce qu’on avait annoncé la veille (curieuse réplique de ce qui se passa avec le Brexit il y a quelques années), on ne peut pas nier que le Premier Ministre a remporté un très vif succès.

La désormais opposition n’accepte pas sa défaite et parle de l’activation des plaintes visant le Premier Ministre … C’est se montrer mauvais perdant.

Car avec la majorité du bloc de droite, le camp de Monsieur Netanyahou a au moins dix sièges de plus que le bloc de la gauche et du centre.

Il faut aussi ajouter que ce qui unissait les membres de bleu-blanc n’avait rien de politique ni d’idéologique, mais ne devait sa cohésion qu’à la volonté de chasser M. Netanyahou du pouvoir.

Le discours du général Gantz en début d’après-midi était surréaliste, il parlait comme s’il avait remporté les élections. En fait, il a accompli une performance au niveau des sièges gagnés, pour un parti qui n’existait pas il y a moins d’un an.

Mais au niveau de la gouvernance, il n’a aucune chance d’occuper le poste de Premier Ministre.

Même s’il s’alliait avec les voix des députés arabes de la Knesset, il n’aurait pas la majorité. Certes, il a parlé d’un gouvernement aussi large que possible, mais M. Netanyahou ne fera jamais un gouvernement d’union nationale alors que rien ne l’y contraint.

Reste l’attitude du président de l’Etat qui a la prérogative de confier à qui il veut la constitution du prochain gouvernement.

Comme il n’entretient pas avec le Premier Ministre les meilleures relations, il va tenter le tout pour le tout, en insinuant en faveur d’un gouvernement d’union, afin de cicatriser les blessures de la campagne électorale.

Sans jouer au devin, je vois mal M. Netanyahou se plier à cette demande. En fin de compte, ce sera le vainqueur du jour de former un gouvernement de droite nationale.

La première leçon à tirer de cet épisode électoral, c’est la confirmation de la droitisation des Israéliens car aux trente cinq députés du Likoud il faut ajouter une pléthore de petits partis qui constituent la réserve en voix de M. Netanyahou.

On nous annonce aussi que le camp arabo-israélien a refusé d’aller voter, se disant que cela ne changerait rien à son affaire.

C’est un problème sur lequel le gouvernement devra se pencher. Il faut que les citoyens loyaux envers leur Etat aient le même traitement que la majorité juive, faute de quoi le caractère démocratique de l’Etat serait contesté.

Dernier point : les suffrages du peuple s’étant portés sur M. Netanyahou et la justice en Israël étant rendue au nom de ce même peuple, que va t il se passer ?

Pour ma part, moi le non juriste, le Procureur mettra la pédale douce, fera preuve d’une grande modération, faute de quoi le fossé ira en s’aggravant entre l’institution judicaire et le peuple.

Je n’irai pas jusqu’à dire qu’il y aura abandon des poursuites mais ceux qui comptaient se débarrasser du Premier Ministre par la voie judiciaire, à défaut de la voie des élections, devront se consoler. La justice est rendue au nom du peuple, on le voit mal accepter une mise en accusation alors qu’il vient de donner un blanc seing à un homme politique.

Les lendemains de défaite sont toujours amères mais je pense sincèrement que Monsieur Netanyahou a encore un bel avenir devant lui et qu’il pourra rendre de grands service à la société israélienne.

Mais il doit infléchir sa politique économique et avoir plus de souci à l’égard des pauvres dans son pays.

Bonne chance, Monsieur le Premier Ministre !

Maurice-Ruben Hayoun

Le professeur Maurice-Ruben Hayoun, né en 1951 à Agadir, est un philosophe, spécialisé dans la philosophie juive, la philosophie allemande et judéo-allemande de Moïse Mendelssohn à Gershom Scholem, un exégète et un historien français. il est également Professeur à  l’université de Genève. Son dernier ouvrage: Joseph (Hermann, 2018)

 

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hocdin

Cher professeur, j’avais déjà dit sur ce forum que ce Grand Homme a la BARAKA. IL a gagné, sa victoire est une bénédiction pour Israël. Les mauvais perdant peuvent toujours s’attaquer à lui, il sortira toujours vainqueur !
Israël forever