Le journaliste Didier François au tribunal de Bruxelles, jeudi.
Le journaliste a raconté, tout comme son ancien collègue Didier François, sa captivité auprès du jihadiste jugé pour l’attentat du musée juif de Bruxelles.
Pour eux, cela ne fait « aucun doute ». Les journalistes Nicolas Hénin et Didier François, anciens otages du groupe jihadiste État islamique (EI) en Syrie, ont témoigné ce jeudi 7 février au procès de Mehdi Nemmouche, jugé pour la tuerie du musée juif de Bruxelles en 2014, qu’ils ont formellement reconnu comme étant l’un de leurs geôliers.
« Je n’ai absolument aucun doute sur le fait que Mehdi Nemmouche ici présent était mon geôlier et tortionnaire en Syrie connu sous le nom d’Abou Omar », a affirmé Nicolas Hénin, 43 ans, ex-reporter de guerre devenu chef d’entreprise.
À ses côtés, le journaliste Didier François a tenu des propos similaires. « Je suis venu pour trois choses: dire qu’on le connaît, voilà la dangerosité de cette personne et le risque de récidive », a ajouté cet homme de 58 ans.
Nemmouche, « très peu religieux »
Avec deux autres journalistes français également cités comme témoins aux assises mais absents, Nicolas Hénin et Didier François ont été séquestrés par un groupe de jihadistes de l’EI dont faisait partie Mehdi Nemmouche, au second semestre 2013 dans un hôpital d’Alep (nord de la Syrie) transformé en prison.
Parmi ses geôliers, Nicolas Hénin a assuré avoir également reconnu « Abou Idriss » alias Najim Laachraoui, artificier belgo-marocain des attentats du 13 novembre 2015 à Paris (130 morts), mort en kamikaze à l’aéroport de Bruxelles le 22 mars 2016. Ces deux attaques avaient été revendiquées par Daech.
Sur Mehdi Nemmouche, l’ancien reporter indique qu’il est « l’un des geôliers avec lesquels on a le plus interagi, l’un des principaux protagonistes de notre captivité. Il était relativement atypique dans le paysage par son envie de venir vers nous, de passer de longs moments pour échanger là où les autres cherchaient davantage la discrétion. Lui était clairement très peu religieux, en tout cas ne le montrait pas ».
« Il avait podcasté des épisodes de ‘Faites entrer l’accusé' »
D’après Nicolas Hénin, Mehdi Nemmouche était le « bras armé » du responsable d’un interrogatoire qu’il a subi.
« On m’amène dans la salle de torture et je suis soumis à plusieurs questions: ‘Est-ce que tu travailles pour la DST?’. Evidemment, mes réponses déplaisent. À chaque fois que je réponds non, (…) le coup vient », a-t-il raconté.
Il poursuit: « Il aimait nous faire des petites blagues. Ca tournait aussi assez régulièrement autour de la nourriture: lorsqu’il était en charge de nous l’amener, nous savions que nous allions être particulièrement mal servis. Le 11 septembre nous avons jeuné: ‘Aujourd’hui, c’est férié on vous fait rien à bouffer' ».
« Il a fait état à plusieurs reprises de son passé judiciaire, continue Nicolas Hénin. Il connaissait très bien l’institution judiciaire. Une fois, il avait pris la voix du juge d’instruction, qu’il avait imité (…) Il avait podcasté des épisodes de ‘Faites entrer l’accusé’, qu’il venait nous raconter. À la fin, il remontait son col et repartait en chantant le générique ».
Mehdi Nemmouche « avait des références très profanes, raconte Nicolas Hénin. Je l’ai entendu chanter du Trenet, du Aznavour et même du Chantal Goya. Il organisait des quiz et faisait des ‘Questions pour un champion’ en particulier avec Didier, qu’il appelait ‘mon petit Didier' ».
Pour lui, Nemmouche est « un homme à la fois sadique, rempli de haine, en particulier de la haine contre les juifs mais aussi les chiites ». « Un homme aussi infiniment narcissique qui se mettait en scène, qui mettait en scène son aventure jihadiste, qui mettait en scène son parcours en Syrie »‘ ajoute-t-il.
Alors que les deux journalistes relatent leur captivité ce jeudi au procès, Nemmouche les regarde et ne peut réfréner un sourire à plusieurs reprises. « Ce que je retiens en particulier (de cette journée d’audience) c’est ce moment où il n’a pas pu réprimer son sourire quand on lui a raconté la façon dont il se présentait lorsqu’il venait nous voir, en disant ‘Ah mon petit Didier’ pour s’adresser à Didier François.
Ça, ça l’a fait vraiment rigoler et à ce moment-là, il s’est trahi lui-même. Le visage qui restait impassible depuis le début du procès a parlé pour lui », a témoigné Nicolas Hénin auprès de franceinfo.
Mehdi Nemmouche nie être l’auteur de l’attentat de Bruxelles
Didier François a expliqué avoir été victime de sévices et d' »une quarantaine de coups de matraque » de la part de Mehdi Nemmouche. Les violences et « tortures » étaient selon lui pires avec les prisonniers syriens et irakiens.
À ce procès à Bruxelles, le jihadiste de 33 ans est accusé d’avoir abattu de sang-froid, le 24 mai 2014 au musée juif, un couple de touristes israéliens, une bénévole française et un jeune employé belge du site. Il nie les faits.
La séquestration des journalistes à Alep fait l’objet d’une procédure judiciaire distincte en France, dans laquelle il a été inculpé fin 2017.
Opposés à ces témoignages, les avocats du jihadiste ont dénoncé « une manœuvre » de l’accusation, « un procès dans le procès ».
« C’est de la piraterie judiciaire », a affirmé à l’AFP Me Francis Vuillemin, qui défend Nemmouche en France dans le dossier de la séquestration. « La justice belge organise un procès avant le procès français » et « l’affaire en cours depuis cinq ans est au point mort, elle n’avance pas », a ajouté cet avocat parisien venu en observateur à la cour d’assises de Bruxelles.
Aux yeux de Michèle Hirsch, avocate des organisations juives parties civiles au procès, qui avait réclamé ces témoignages, il est « extrêmement important » que la cour comprenne ce qu’est allé faire Mehdi Nemmouche en Syrie.
Et quelle a été l’influence de Mohamed Merah, « son idole » d’après l’avocate.
On dépense et on consacre beaucoup trop d’énergie à juger ces psychopathes, multi-récidiviste de la violence et de la haine. C’est indécent pour leurs victimes.