Prier pour la Rédemption complète (3/3) Rav Steinsaltz

Le Rav Adin Even-Israël (Steinsaltz) s’est adressé à ses élèves à plusieurs reprises dans des moments de détresse, notamment lors d’événements tragiques, comme le décès d’un de ses élèves et l’assassinat de trois jeunes élèves de sa Yéchiva Mekor ‘Haïm enlevés par des terroristes palestiniens.

Nous publions ici des extraits de ses interventions en trois parties avec l’espoir que le lecteur y trouvera inspiration en cette période difficile d’épidémie mondiale que traverse Israël et le monde entier.

Traduit et adapté de l’hébreu par Michel Allouche, Jérusalem

Troisième partie

« Tu es trop équitable, ô Éternel, pour que je récrimine contre toi. Cependant je voudrais te parler justice »  (Job XII, 1)

Mais nous avons aussi le droit de récriminer. Nous savons certes que D-ieu rend la justice, une justice qui fait appel à des comptes qui Lui appartiennent ; mais en attendant, en tant qu’êtres humains, nous avons le droit de nous plaindre.

Un des livres de la Bible (Job) traite largement de ce sujet. Du début jusqu’à la fin du livre , l’on est en droit de soulever de nombreuses questions. Job lui-même se plaint à D-ieu à cause des souffrances qu’il subit. En vérité et somme toute, Job a parfaitement raison. Dès le commencement de ses malheurs, nous le savons. Trois personnages viennent s’entretenir avec lui pour lui parler de…théologie ! Cela parait totalement fou. Ne voilà-t-il pas que Job vient de perdre toute sa famille et toute sa fortune, de plus il est frappé par la gale et on vient lui évoquer la justice divine ! Il importe de savoir à quel moment il convient de parler. D’ailleurs, après que les choses s’arrangent à la fin du livre, D-ieu exprime Sa colère envers ces trois personnages et exige qu’ils présentent leur pardon à Job )XLII, 7) : « Ma colère est enflammée contre toi et contre tes deux amis, parce que vous n’avez point parlé de moi avec rectitude comme mon serviteur Job ». Comme si D-ieu disait à ces amis qui, a priori, se trouvaient dans Son camp ou dans Son « parti », tandis que Job se lamentait sans cesse : « Avant tout, Job a enduré tout ce qu’il a enduré et tout ce qu’il a dit est vérité. Ensuite, il en avait parfaitement le droit. Il a souffert de tout ce que Je l’ai frappé et libre à lui de poser des questions sans fin ».

Quelle est l’explication que D-ieu fournit à Job ? En vérité, D-ieu ne répond pas vraiment à toutes ses questions et récriminations ; il ne lui dit pas non plus que les coups qu’il a reçus lui revenaient. D-ieu choisit « seulement » de se révéler à lui au milieu de la tempête. Cette révélation est telle que Job interrompt en quelque sorte le débat et s’exprime en ces termes : « Je ne Te connaissais que par ouï-dire ; mais maintenant je t’ai vu de mes propres yeux. C’est pourquoi je me rétracte et je me repens sur la poussière et sur la cendre. ». En d’autres mots, Job réagit ainsi : « J’étais un jour un être religieux, j’ai cru en Toi de toutes mes forces et j’ai observé tous Tes commandements. Et voici que maintenant je T’ai vu. Dès lors, rien ne peut y changer. Tu es là et tout rentre donc dans l’ordre. »

Il y a là une autre approche, une autre façon d’appréhender. Peut-on crier ? Peut-on se plaindre ? Et si l’on reçoit une gifle de la part de D-ieu, peut-on pleurer ? La réponse est positive, nonobstant tous ceux qui, avec cruauté, viennent nous dire qu’il ne faut ni crier, ni pleurer, ni se plaindre. D-ieu ne nous dit rien de tout cela mais plutôt : « Je t’ai frappé ; que tu penses ou non que cela te revient, tu as le droit de pleurer. Libre à toi cependant de ne pas t’arrêter là et d’entreprendre d’autres actions … »

 

Prier pour la Rédemption complète

En fin de compte, que nous en parlions ou non, ce que nous désirons profondément c’est que D-ieu nous envoie la guéoula chéléma, la Rédemption complète et il nous est permis de Lui en parler.

Lorsque nous demandons à D-ieu quelque chose de modeste, Il nous répond : « Vous auriez pu prier pour la Rédemption complète et à la place de cela vous demandez une augmentation de salaire de 10% ? » Cela nous arrive souvent, notamment lors d’un moment particulièrement favorable, nous nous contentons de demander que…les lacets de nos chaussures ne se déchirent pas…

Or s’il est vrai que notre téfila (prière) monte très haut quelque part dans les sphères célestes, jusqu’à ce que nous arrivons dans le palais du Roi et que nous nous tenions devant Lui (va ani téfilla, « un avec ma prière »), pourquoi en rester à formuler des vœux tout petits et ne pas aspirer à plus grand ?

 La mort peut avoir disparu, mais D-ieu peut faire encore quelque chose de plus intérieur, de plus profond :  « faire sécher les larmes », faire en sorte qu’on ait plus à pleurer. Le verset se conclut après une telle situation où les pleurs n’existent plus pour promettre que « l’opprobre de son peuple disparaîtra de toute la terre ». C’est pour la réalisation de toutes ces promesses, l’une après l’autre, que nous devons prier lorsque nous invoquons la guéoula chéléma.

Mais qui prie vraiment pour cela ? Les tsaddikim, les justes sont assis tranquillement avec leurs couronnes sur leur tête ici dans notre monde et n’ont nul besoin d’attendre le monde futur. La plupart des épicuriens n’ont d’autre souci que d’aller d’une boîte de nuit à l’autre et s’intéressent de savoir ce qui se passera à la coupe mondiale de football.

Ceux qui ne sont ni l’un ni l’autre demeurent indifférents. Et pourtant, il incombe à tous d’agir pour que le Machia’h vienne enfin.

Puisse-t-il y avoir parmi nous quelqu’un qui exprime que sa venue lui importe et démontre sa volonté !

Comme nous l’avons souligné, chaque téfila, dans son essence, demande à D-ieu de procéder à un miracle, petit ou grand. Et s’il en est ainsi, nous rappelons que le bras de D-ieu n’est certainement pas trop court pour exaucer toutes nos prières, quelles qu’elles soient. N’hésitons donc pas à voir grand, à prier pour nous-mêmes, pour les autres et pour le monde entier.

Plaise à D-ieu que nous assistons bientôt au salut, à la consolation et à la délivrance dont nous avons tant besoin aujourd’hui. Profitons du fait que nous soyons tous réunis pour nous tourner vers D-ieu et pour entreprendre d’autres actions rapprochant la venue du Messie. Et puisque tant de gens s’adressent au Saint béni soit-Il, peut-être que cette fois écoutera-Il enfin notre voix.

Rav Adin Even Israël (Steinsaltz)

Source: lphinfo.com

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