Jonché d’embûches, d’Indiens sur le sentier de la guerre, de brigands plus bêtes que méchants, le voyage n’a rien d’un long fleuve tranquille….

Luke devra composer avec les usages de ses hôtes, la nourriture kasher, le shabbat, les interdits et surtout Rachel Stern, une « yiddish mamma » plus vraie que nature qui veut à tout prix le faire manger et lui trouver une fiancée ! Mais comme toujours dans Lucky Luke tout se terminera bien et le héros repartira seul dans le couchant en sifflant son air favori.
Fixés il y a soixante-dix ans par Morris, son créateur, et peaufinés pendant plus de deux décennies par René Goscinny, les codes et les règles qui régissent les aventures du plus célèbre cow-boy du neuvième art sont inaltérables et redoutablement complexes.
L’aimable légèreté de ce western pour de rire cache une puissante et subtile machinerie, tant dans la narration graphique que dans la gestion du tempo et des personnages.
Et les différents auteurs qui ont assuré la postérité de la série après la disparition de Morris en 2001, ont dû s’y conformer.

Un rêve de gosse


Aux côtés de l’inaltérable Achdé, le dessinateur officiel de Lucky Luke depuis plus de quinze ans, Jul qui signe ici sa première contribution en tant que scénariste, n’y fait pas exception.
Pour le créateur de Silex and the City, se retrouver à la tête d’une série mythique, en lieu et place de René Goscinny, son idole, est un rêve de gosse. La Terre promise n’a jamais mieux porté son nom.
Bercé par Astérix et Lucky Luke, le normalien défroqué (et sinologue distingué !) qui a fait ses armes dans le dessin de presse et a collaboré pendant des années à Charlie hebdo, est sans doute l’un des meilleurs spécialistes du maître.
Anne Goscinny l’attentive héritière du géant disparu en 1977, voit même en Jul l’un de ses rares fils spirituels, au même titre qu’Alain Chabat.
De fait, le quadra démontre une grande maîtrise de la grammaire goscinienne : comique de répétition, double détente, références cachées, clins d’œil à l’actualité, quiproquo, agilité verbale et autres jeux de langue (même si pour Lucky Luke, Morris qui ne prisait guère les calembours les a toujours proscrit !).

Clins d’œil à Rabbi Jacob


Fort en thème, Jul déroule quelques-uns des clichés attachés aux Juifs et parsème l’histoire de références à l’Ancien testament, aux douze tribus d’Israël et, plus étonnant, aux colons juifs dans les territoires !
Qu’on ne s’y trompe pas, le ton est évidemment bon enfant et Jul ne va pas plus loin que Gérard Oury n’allait en 1973, avec Les Aventures de Rabbi Jacob. Le film sert d’ailleurs en quelque sorte de repère et de mètre étalon dans la manière de dépeindre cette communauté et les clins d’œil – appuyés – aux scènes les plus célèbres ne manquent pas : « Comment, vous n’êtes pas juif, Lucky Luke !? »
L’ensemble est bien fait, malin, sur mesure, du travail de professionnels auquel il manque cependant la petite étincelle, la malice jubilatoire et l’envie de s’asticoter, de se surprendre mutuellement qu’avaient Morris et Goscinny. Difficile il est vrai d’être complices dés la première rencontre, il faudra suivre les prochains albums.
Les augures sont d’ailleurs loin d’être funestes : la scène un peu dingue où le petit Yankel, en chantant A yiddish mame, change, de manière complètement inattendue, le cours des évènements laisse entrevoir le potentiel comique du nouveau tandem.

La Terre promise, Ed. Dargaud. 48p. 10,60€.

Telerama

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