Est-ce qu’un Iran de plus en plus puissant tente d’annexer le Nord de l’Irak à son « Croissant chiite »?
A chaque cycle du combat, l’Iran semble devenir plus fort, comme il l’est déjà en Syrie et au Liban, ses groupes supplétifs devenant alors des partis de gouvernement. 

 

HAMAM AL-ALIL, Irak – L’entrée du camp de réfugiés de Hamam al-Alil, dans le nord de l’Irak n’est pas exactement ce à quoi vous vous attendriez. Au lieu d’accueillir les civils fuyant les combats à Mossoul, il est infesté de checks-points manœuvrés par des membres des Unités de Mobilisation Populaire, des milices chiites souvent appelées Hashd al-Shaabi.

La plupart de ces hommes fouillant les voitures sont jeunes, certains d’entre eux portent des passe-montagnes sur lesquels sont imprimées des têtes de mort identiques au symbole du Punisher, en guise de costume pour faire peur. Les étendards de leurs divers unités chiites flottent dans le vent, aux côtés d’autres drapeaux qui annoncent leur dévotion à l’Imam Hussein, un personnage central de l’Islam chiite. Les civils Arabes Sunnites du Nord de l’Irak sont, aujourd’hui, écartelés et brisés. Leurs terres sont occupées par les milices. D’une certaine façon, ces paysages nous rappellent la seconde Guerre Mondiale, lorsque l’Armée Rouge soviétique déferlait à travers l’Allemagne.

De nombreux Sunnites du Nord de l’Irak ont accueilli l’Etat Islamique, en 2014, et certains d’entre eux ont commis des crimes indicibles, en vendant des femmes Yazidies, en brûlant vivants des gens, en décapitant d’autres, en fouettant les femmes qui ne s’habillaient pas « correctement ».

Mais les milices disent encore quelque chose de différent. Ils vous racontent qui est au pouvoir. Et quand vous regardez de près ces check-points, il n’y a pas que le doux visage d’Hussein sur les drapeaux. Il  y a les affiches du Guide Suprême d’Iran, Ali Khamenei.

L’Iran s’est installé dans le nord de l’Irak. La question que les locaux se posent consiste à savoir s’il est là pour rester, comme tout semble l’indiquer.

Dans les conversations avec les responsables, les experts et les universitaires du Nord de l’Irak et de la Région autonome du Kurdistan irakien, beaucoup expriment leur inquiétude que, dès que la guerre contre l’Etat Islamique sera terminée, des parties du Nord de l’Irak seront rattachées au « Croissant chiite » qui s’étend de Téhéran à la Méditerranée ç à travers la Syrie et le Liban.

Au fil de ces dernières années, comme cette théorie a pu s’échafauder, elle a pu sembler farfelue. Pourquoi l’Iran aurait-il besoin d’un couloir terrestre, alors qu’il peut transporter des armes par voie aérienne directement à Damas, puis les transporter pour les livrer au Hezbollah? Ce peut être l’enjeu pour l’Iran dans le Nord de l’Irak, ce ne doit pas être un besoin physique, géographique de couloir terrestre, mais le besoin stratégique et le trafic d’influence que Téhéran veut se tailler, qui serait la conséquence de la présence permanente des groupes chiites alliés de l’Iran.

Pour le comprendre, on doit se rappeler que le cœur du pays sunnite d’Irak s’étend sur tout le nord et le nord-ouest de Baghdad. C’est là où Saddam recrutait les officiers pour sa Garde Républicaine, et les hommes qui ont mené les combats durant la guerre Iran-Irak dans les années 1980. C’est là où Saddam a expérimenté le nettoyage ethnique et l’Arabisation, en gazant les Kurdes, en détruisant des milliers de villages kurdes et yézidis, en confisquant les terres des Chrétiens Assyeriens et en les redistribuant aux Arabes sunnites qui lui étaient fidèles.

Après 2003, la situation s’est brusquement inversée. Les Arabes sunnites sont devenus la minorité dans un nouvel Irak embryonnaire, seulement superficiellement démocratique, les Kurdes ont gagné leur liberté et les membres des partis politiques chiites exilés en Iran sont revenus à Bagdad. Vers 2014, quand l’Etat Islamique est arrivé à Mossoul, l’Iran était proche du sommet de son pouvoir en Irak.

Alors que les Kurdes étaient une épine dans le pied du nationalisme arabe de Saddam, aujourd’hui, l’Iran  perçoit les aspirations et la puissance des kurdes (qui sont essentiellement sunnites) comme une menace contre la Suprématie iranienne à Bagdad.

Les inquiétudes kurdes concernant les objectifs de l’Iran en Irak pointent en direction des Montagnes de Shingal (Sinjar), le massif de 74 kms de long et de 13 kms de large, près de la frontière avec la Syrie. C’est dans ces montagnes que les Yazidis se sont enfuis pour échapper à l’Etat Islamique. Certains de ces Yazidis se sont joints aux Unités de la Résistance de Sinjar, qui se sont alliés au Parti des Travailleurs du Kurdistan (le PKK) et aux Unités de Protection du Peuple Kurde en Syrie. Aucun de ces groupes n’est chiite, ni même particulièrement pro-Iranien, mais ils se sont affrontés aux Peshmergas Kurdes et ils contestent l’avenir prévu de la zone de Sinjar.

La télévision Press-TV dirigée par le régime iranien a prétendu le 3 mars, que « Les Kurdes appuyés par la Turquie se sont affrontés à la branche du PKK du Nord de l’Irak ». Kurdistan 24 a répondu le 5 mars par un reportage citant un Commandant des Peshmergas : « Le PKK s’aligne sur l’Iran et la Syrie pour achever le Croissant Chiite ».

La région de Sinjar (Shingal en kurde) est stratégique. Dans les années 1980, Saddam Hussein envisageait de l’utiliser comme un lieu-tremplin pour ses « Super-Canons » dont il disait que ses concepteurs lui permettraient de frapper Israël. Il a aussi entreposé et testé des missiles SCUD à cet endroit. Avant 2014, cette zone était un point de transit majeur pour les djihadistes voyageant de Syrie en Irak afin de soutenir l’insurrection contre les Etats-Unis et contre le gouvernement central irakien. Ces insurgés ont formé la colonne vertébrale des extrémistes qui ont bâti les fondations de l’Etat Islamique, qui a commis son génocide contre les Yazidis du Sinjar.

Les milices chiites, qui sont étroitement alliées à l’Iran, contrôlent la presque totalité de ce paysage, actuellement, dans les secteurs autour de Mossoul, dont la partie ouest qui s’étend autour de Tel Afar et jusqu’à Sinjar. Quand l’Etat Islamique sera vaincu, elles chercheront à propager leur influence tout le long de la frontière syrienne et elles relieront entre elles les communautés chiites tout le long du chemin.

Martin Chulov du  Guardian a écrit l’an dernier que « l’Iran est actuellement plus proche que jamais de sécuriser un couloir terrestre qui l’ancrera dans la région ». Mais ce couloir ou le fait d’évoquer un pipeline est encore un peu prématuré. La menace réelle est cette puissance rampante de l’hégémonie iranienne qui avance lentement, alors que l’opposition sunnite extrémiste, chaotique et inefficace, lui donne une bonne excuse pour continuer de s’étendre, ainsique la chance que ses milices chiites d’Irak provoqueront un nouveau cycle de combats.

A chaque nouveau cycle de combats, l’Iran semble devenir plus fort, comme c’est déjà le cas en Syrie et au Liban, alors que ses groupes supplétifs deviennent membres des gouvernements mis en place, en modifiant lentement la démographie régionale et les aspirations contrariées des autres entités politiques, telles que le Gouvernement Régional du Kurdistan, les rebelles syriens et les partis opposés au Hezbollah au Liban.

Cela compte vraiment pour Israël, que l’Iran perçoit comme l’un de ses adversaires principaux. Jérusalem devrait prêter attention à ces drapeaux chiites qui flottent sur le Nord de l’Irak.

Par 
8 avril 2017 08:26
jpost.com
Adaptation : Marc Brzustowski

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