Gilles Darmon a un visage souriant. A 46 ans, il est père de trois enfants. Après avoir travaillé dans le domaine de la high-tech, il a investi le secteur financier. Un banal habitant de Tel-Aviv… Pourtant cet homme est la mauvaise conscience d’Israël. Chaque année, LATET, l’ONG qu’il a créée et qu’il préside, publie un rapport sur l’état de la pauvreté dans le pays. La couverture médiatique est énorme et les services gouvernementaux peinent à contredire les conclusions de l’enquête : sur la « terre promise », les plus démunis sont de plus en plus nombreux.

Le fondateur et président de l'ONG israélienne LATET, Gilles Darmon.

Jacky Mamou : Quel est le niveau de pauvreté en Israël ?

Gilles Darmon : Chaque année les plus précaires s’avèrent plus nombreux. Nous en sommes à la 12ème édition de notre rapport. Et les chiffres parlent d’eux-mêmes. Il y a aujourd’hui plus de 2,5 millions de personnes qui vivent en Israël dans un état de grande précarité.

Ces chiffres sont contestés par les services de l’Etat pour une raison simple. L’estimation officielle est basée sur un seuil de pauvreté calculé sur 50% du revenu moyen du pays. C’est ainsi que les autorités estiment leur nombre à seulement 1,6 millions de personnes.

Les résultats de LATET, eux, sont basés sur le réel panier d’achat des produits essentiels comme l’alimentation, le logement, l’électricité, la santé, les transports… c’est-à-dire tout ce qui constitue la vie quotidienne des citoyens. Pour LATET les personnes qui ne possèdent pas la moitié des revenus permettant d’accéder à ces services minimum sont considérés comme des pauvres. Nos estimations s’appuient sur des enquêtes avec une méthodologie que nous maîtrisons depuis de nombreuses années.

Headline image

En quoi consiste votre action ?

G. D. : Avec un réseau de 13 000 volontaires et en partenariat avec 180 organisations locales, nous apportons d’abord de l’aide alimentaire à près de 60 000 familles.

Quelles sont les populations bénéficiaires ?

G. D. : L’ensemble des personnes touchées par la pauvreté en Israël, que ce soit les populations juives orthodoxes, les familles monoparentales, les populations immigrées de première ou deuxième génération ou la communauté des arabes israéliens durement touchée par la précarité, tous, d’une manière ou d’une autre, sont les récipiendaires de l’aide de notre organisation. C’est l’ensemble des citoyens israéliens en situation de pauvreté que nous visons, peu importe qui ils sont, ou les raisons qui les ont amené à vivre dans une telle situation.

Israël a récemment été admis à l’OCDE ce qui est un résultat remarquable. Le pays est en pointe dans les nouvelles technologies. Les scientifiques, les médecins, les artistes israéliens sont reconnus internationalement. Mais la cohésion nationale est menacée par le niveau de pauvreté. Et si une certaine prise de conscience opère dernièrement, nous attendons toujours que les autorités de l’Etat prennent la mesure réelle du problème.

Afficher l'image d'origine

Vous êtes dans la substitution à une carence sociétale, ce qu’on appelle le « shadow state »…

G. D. : Exact. Mais nous avons un programme qui nous tient à cœur. En effet, en plus de notre action d’urgence d’assistance alimentaire, nous cherchons à mettre en place de véritables outils de sortie de pauvreté. C’est ce qui nous a poussé à mettre en place un programme de microcrédit à destination des femmes en situation de pauvreté, largement inspiré de la Grameen Bank créée par le Prix Nobel de la paix, Mohammeed Younus, au Bangladesh.

Nous offrons depuis trois ans un micro-crédit et un accompagnement entrepreneurial permanent à des femmes afin qu’elles constituent une micro-entreprise leur permettant de sortir de leur condition précaire. Plus de 350 personnes ont bénéficié de ce programme. Et nous sommes particulièrement fiers de certaines réussites…

LATET intervient-elle aussi auprès des rescapés de la Shoah ?

G. D. :  C’est un devoir moral absolu.

Nous apportons un soutien aux rescapés de la Shoah notamment grâce à l’aide de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah. Leur nombre est estimé à près de 180 000, dont 35 000 en situation de pauvreté et qui ne survivent que grâce à une maigre aide sociale. Concrètement, il s’agit d’aide alimentaire mais plus globalement d’une aide de vie. Grâce à nos volontaires, c’est quasiment une nouvelle famille que nous reconstituons autour des rescapés vivant dans une solitude bien souvent totale. Par ailleurs LATET a créé un fonds d’urgence pour les prothèses auditives, les lunettes, mais aussi pour changer la tuyauterie qui fuit, réparer un plafond qui s’écroule…

La question du lien social est une autre dimension essentielle pour ces personnes souvent isolées. C’est pourquoi nous organisons leur participation à des évènements sociaux et nous nous attachons à garder les mêmes volontaires auprès de chacune de ces personnes. Ce programme concerne 1 200 rescapés repartis sur 14 villes et mobilise plus de 1 700 volontaires permanents.

Vous définissez-vous comme une association caritative ou une ONG humanitaire ?

G. D. : Résolument comme une ONG humanitaire.

Nous agissons et nous témoignons. LATET entend intervenir comme un instrument au service des plus pauvres, pas pour faire l’aumône et apaiser sa bonne conscience, mais pour faire changer leur condition de vie. Notre objectif est de trouver des solutions et pas de laisser perdurer une situation inacceptable.

De plus en plus le monde humanitaire est travaillé par la dimension religieuse. Un des plus importants acteurs sur le champ international est World Vision, ONG chrétienne évangéliste, et on voit la montée en puissance d’organisations musulmanes comme Islamic Relief. Comment se situe LATET ?

G. D. : LATET est une ONG laïque et nous tenons à le rester. Israël compte de nombreuses associations religieuses. Nous sommes la plus importante ONG du secteur social, laïque et indépendante, du pays.

Nous avons beaucoup appris de l’expérience des « french doctors ». Et nous sommes particulièrement reconnaissants au Dr Jacques Lebas et à Roland Guénoun, qui ont été respectivement président et trésorier de Médecins du monde et qui, dans le cadre de l’Institut de l’Humanitaire, ont contribué à clarifier notre positionnement.

J’insiste sur le caractère indépendant de toute chapelle politique de notre action. Dans notre « board », ce que vous appelez en France le Conseil d’Administration, nous comptons des personnes de toutes sensibilités politiques. Certaines ont depuis exercé des responsabilités au plus haut sommet de l’Etat. Nous en sommes fiers, mais nous ne dépendons de personne…

 Justement la corruption est un mal qui atteint tous les pays développés. Israël n’y échappe pas…

G. D. :  La règle de transparence est sacrée à LATET.

C’est un devoir éthique et un marqueur de modernité. Nous publions sur notre site tous les rapports financiers, et même notre budget prévisionnel. Les 5 plus gros salaires de l’organisation sont accessibles au public. En tant que président je suis strictement bénévole… et je n’ai pas de notes de frais.

Le financement des ONG est un sujet brûlant en Israël. Il fait l’objet d’un débat parlementaire tendu et la presse en fait un large écho.

G. D. : Le budget annuel de LATET est de 20 millions d’euros. La moitié vient d’entreprises privées, ¼ de dons particuliers, ¼ de Fondations. Les subventions gouvernementales représentent moins de 5% de nos rentrées.

La Loi en discussion en ce moment vise à obliger les ONG israéliennes qui sont financées à plus de 50% par des bailleurs étrangers étatiques à le préciser dans leur communication publique et à être clairement identifiées comme lobbyistes quand elles sont en contact avec des élus. Elle cible des ONG comme Breaking The Silence ou B’Tselem qui contestent l’action de l’armée et du gouvernement. Cette loi ne représente pas un changement qualitatif pour leur action.

Le souci vient qu’elle contribue à instaurer un climat de défiance par rapport aux secteurs critiques des autorités. Une démocratie a besoin de voix discordantes pour se vivifier. Mais par ailleurs les dirigeants de ces associations gagneraient aussi à revisiter le vieux débat entre éthique de la conviction et éthique de la responsabilité. Ceci concerne tous ceux qui entendent s’engager dans l’action au service des autres. Que l’on soit membre de la société civile ou politicien. 

Jacky Mamou – La règle du jeu

Jacky Mamou

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

6 Commentaires
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
André

« Le souci vient qu’elle [la loi sur les ONG] contribue à instaurer un climat de défiance par rapport aux secteurs critiques des autorités. »

Je ne vois pas en quoi plus de transparence de la part des ONG sur leurs financements serait un « souci » qui instaurerait « un climat de défiance ». C’est au contraire très démocratique et le fait que certaines ONG hurlent au scandale en dit long sur leur véritable nature et intention…

Concernant la pauvreté il ne faut pas oublier non plus que l’hostilité des arabes depuis 70 ans oblige Israël à engouffrer des sommes énormes dans l’armée et la sécurité. Le budget de la défense en 2007 était de 7,7 milliards de dollars. Il sera en 2016 de 17,4 milliards…

MARCO SPORTICH

SI BIBI AVAIT DU COEUR IL FERAIT TOUT AFIN QU ISRAEL N A PAS DE PAUVRETE ..SURTOUT AVEC LES REVENUS FINANCIERS DU GAZ DECOUVERT AU LARGE D ISRAEL ..IL EST INADMISSIBLE QU ISRAEL NE FASSE RIEN POUR SES PAUVRES ET LA FAUT ACCUSER QUE LE LIKUD LIBERAL DE MR BIBI QUI NE FAIT RIEN POUR CHANGER TOUT CA ..LA PREUVE C EST LUI QUI A FAIT AUNGMENTER LA VIE EN LAISSANT LES PROMOTEURS IMMOBILIERS DECIDER DES PRIX EUX MEMES ET POUR CELA TOUT EST DEVENU CHER EN ISRAEL ..C EST SEULEMENT LES RICHES QUI ONT DROIT DE CITER EN ISRAEL ET LES AUTRES CREVES ..C EST POUR CELA QUE JE COMBATTRAIS CE LIKUD LIBERAL QUI N EST PAS BON POUR ISRAEL MAIS ATTENTION MEME LA GAUCHE D OSLO EST AUTANT POURRIE QUE LE LIKUD CAR EUX N ONT RIEN FAIT DE CONCRET QUAND ILS ONT ETE AU POUVOIR ..ILS AURAIENT PU LAISSER QUELQUE CHOSE DE SOCIAL COMME LA SANTE ..LES VACANCES POUR TOUS ??SAVEZ VOUS QUE LES ISRAELIENS DISPOSENT QUE DE 2 SEMAINES DE VACANCES COMME AUX USA LIBERALES ..EUX LA GAUCHE D OSLO ONT FAIT DES CADEAUX QU AUX ARABES EN LEUR OFFRANT LA JUDEE SAMARIE ET GAZA AVEC OSLO ET EN FAISANT VENIR EN PLEIN ISRAEL LES TERRORISTES DI FATAH ..QUI SONT RESPONSABLES DE TOUT CE QUI ARRIVE A ISRAEL AVEC LES ATTENTATS DEPUIS OSLO DE SHIMON PERES ..ITZAK RABIN ET YOSSI BEILIN… QUI A ETE LA PLUS GRANDE ERREUR POLITIQUE D ISRAEL ..VOILA CE QU EST LA GAUCHE .. MAIS LE LIKDU QU A T IL FAIT .. AVEC BIBI IL A OSE CONTINUER OSLO MAIS EN LA RALENTISSANT .. JE SUIS CONTRE LE LIBERALISME DE BIBI QUI N EST PAS BON POUR ISRAEL ..IL EST BON POUR UN GRAND PAYS IMMENSE COMME LES USA .. CANADA ..OU IL Y A BEAUCOUP DE POPULATION …MAIS POUR ISRAEL CA NE PEUT PAS MARCHER .. MOI JE PENSE QU EN ISRAEL ON DEVRAIT PROTEGER LES LOCATAIRES PAR UNE LOI VOTEE A LA KNESSET MAIS QUE CA SOIT L GAUCHE OU LE LIKUD .PERSONNE N EN VEUT D UNE LOI PAREIL ET CELA EST INADMISSIBLE QU ON NE PROTEGE PAS LES LOCATAIRES PAR DES LOIS AFIN DE LES PROTEGER CONTRE DES PROPRIETAIRES MAL INTENTIONNES QUI NE PENSERAIT QU AUX FRIC §§

JE TROUVE QUE LES ISRAELIENS DE LA HIGH TECH CELA LEUR A MONTER A LA TETE ..ILS POURRAIENT AVEC LEURS MILLIARDS ERADIQUER LA PAUVRETE S ILS LE VOULAIENT MAIS ILS SONT TELLEMENT EGOISTES QU ILS PREFERENT GARDER LEURS MILLIARDS POUR EUX ..§
DEJA JE NE COMPRENDS PAS QU ON LAISSE LES SIEGES SOCIAUX DE CES STARTS UP ISRAELIENNES AUX USA ET NON EN ISRAEL QUI SERAIT PLUS BENEFIQUE A ISRAEL ET LA FAUT ACCUSER QUE BIBI ..L AMERICAIN ENCORE §
POUR LES RESCAPES VIVANTS DE LA SHOAH ISRAEL DEVRAIT NEGOCIER AVEC L ALLEMAGNE RESPONSABLE DE LA SHOAH QU ELLE PAIE A TOUS CES RESCAPES DES SOMMES LEUR PERMETANT DE VIVRE DECAMMENT ..JE NE COMPRENDS PAS COMEM BIBI A DE BONNES RELATIONS AVEC LA MERKEL QU IL DEMANDE PAS A CETTE POST ALLEMAGNE RESPONSABLE DE L HIOLOCAUSTE DE NE PAS CONTINUER A PAYER LES REPARATIOSN ALLEMANDES A CES JUIFS QUI OTN TOTU PERDU ..LEURS FAMILLES ..LEURS VIES EN EUROPE ET LA IL FAUT ACCUSER QUE LES ORGANISATIONS JUIVES INTERNATIONALES SURTOUT AMERICAINES D AVOIR RIEN FAIT POUR LAISSER A L ALLEMAGNE ACTUELLE RICHE A MILLIARDS DE CONTINUER A PAYER DES REPARATIONS A CES JUIFS VIVANTS EN ISAREL ET AILLEURS §§

VOILA CE QUE J AI A VOUS DIRE

SHABATH SHALOM ET AM ISRAEL CHAI

David Abramson

Il serait temps de preciser que la majorite sont des familles ou le pere refuse de travailler mais fait 10 gosses a sa femme… assez d’hypocrysie !

Debi

d accord avec vous !!!

Weiss

Malheureusement, la pauvreté n’est pas un sujet politique et tant que l’on survit rien n’est grave pour le gouvernement.
Savez-vous que parmi ces pauvres beaucoup sont propriétaires de leur logement. Savez-vous comment ?
Ils sont obligés d’acheter un appartement car en Israël il n’existe pas de logements sociaux,
Soit vous vous endettez à vie, soit vous déménagez à vie parce que les loyers augmentent.
Ainsi vous n’avez plus de quoi manger !
Et comme ces malheureux représentent 1% de la population, on s’en fiche !!!
Alors avertissez les nouveaux Olim : Si vous ne pouvez accéder à la propriété, restez ou vous êtes ?
Qui dit le contraire, avec arguments fondés à l’appui svp !

pelegrino

Puis-je avoir l’adresse de cette ONG ?
Merci.