Les divergences gouvernementales placent Israël sur une pente glissante pour les élections de printemps

Les sujets de discorde entre les deux partis à la tête du gouvernement de coalition s’empilent de jour en jour. Après seulement sept mois au pouvoir, le Likud du Premier ministre Binyamin Netanyahu et le Premier ministre suppléant de Kahol Lavan, Benny Gantz, ont atteint un point de rupture qui a amené un haut ministre à déclarer que «ce gouvernement est au bout du rouleau et qu’une nouvelle élection ne peut être évitée ». Mars 2021 est la date la plus probable.

Les échelons intermédiaires du gouvernement semblent fonctionner jusqu’à un certain point entre les fréquentes crises au sommet. Les décisions se poursuivent pour contrôler la pandémie de coronavirus et pour les opérations militaires. Les questions de sécurité et le processus de paix avec les États arabes promus par l’administration Trump sont en cours. L’autorité locale est, plus ou moins, au sommet de la gestion de la ville. Même l’Autorité palestinienne est enfin parvenue à rétablir la coopération sécuritaire avec Israël après des mois de boycott officiel.

Mais de nombreuses fonctions sont encore paralysées ou mises en suspens faute de budget de l’Etat, question en conflit de longue date entre le Likoud et Kahol Lavan.

La discorde a pris des proportions sismiques cette semaine. Le lundi 23 novembre, Benny Gantz, qui occupe le poste de ministre de la Défense, a déclaré à sa faction du parti Kahol Lavan qu’il envisageait d’arracher l’initiative à l’opposition et de déposer lui-même la  motion de défiance envers le gouvernement dans lequel il sert. L’opposition s’apprêtait à déposer la motion de défiance mercredi prochain. Gantz a expliqué que puisque rien n’est sur le point de changer dans le fonctionnement du gouvernement, il ne voit aucune alternative à une nouvelle élection.

Le Likud de Netanyahu, pour sa part, a signalé le casus belli lorsque Gantz, en tant que ministre de la Défense, a ordonné une enquête sur des irrégularités présumées dans l’achat de sous-marins depuis cinq ans à l’Allemagne, bien qu’une enquête policière soit en cours et qu’il y a cinq mois, Gantz a accepté la décision du procureur général d’absoudre Netanyahu de toute implication.

Le comité d’enquête, dont le président, l’ancien juge Amnon Shtrasnov, a déclaré officiellement avoir demandé l’éviction du Premier ministre, bénéficie d’un délai de quatre mois pour faire valoir une décision, à savoir en mars. Puisque ce mois est largement projeté comme la date d’une élection possible, Gantz est accusé d’avoir instrumentalisé l’enquête sur la commande de sous-marins pour lancer sa campagne électorale. Le Premier ministre a accusé son partenaire de Kahol Lavan «d’exploiter honteusement la défense et l’armée à des fins politiques».

Le Premier ministre venait de rentrer d’un vol surprise à destination de l’Arabie saoudite pour d’importants entretiens stratégiques avec le prince héritier Mohammed et le secrétaire d’État américain. Il espérait un retour triomphant. Mais, s’étant envolés sans un mot à ses rivaux de Kahol Lavan, Benny Gantz et le ministre des Affaires étrangères Gaby Ashkenazi, ils lui en ont adressé reproche dès son retour. Ce n’était pas la première fois que Netanyahu les laissait dans l’ignorance des principales mesures politiques et diplomatiques (à preuve l’annonce de l’accord avec les Emirats Arabes Unis, puis l’annonce de vente de F-35 par les Etats-Unis).

Était-ce l’épisode du baiser de la mort pour le partenariat mal assorti qui a débuté en mai dernier avec un courageux gage d’unité pour lutter contre la crise du coronavirus? Le partenariat du Likud avec un large segment séparatiste émanant de son ennemi le plus acharné, Kahol Lavan, dirigé par Benny Gantz, a rarement été exempt de querelles. On ne s’attendait pas à ce que leur pacte visant à faire passer le poste de Premier ministre de Netanyahu à Gantz en exactement un an se concrétise (puisque dix-huit mois étaient requis à l’origine).

Néanmoins, alors que la pression monte au-dessus du gouvernement mal assorti, alors qu’on annonce les prévisions garanties de sa disparition imminente, on peut se rappeler qu’au fil du temps, une crise après l’autre a été corrigée, généralement par des combinaisons intelligentes de Netanyahu et de Gantz qui ont prémuni contre le fait d’een venir à des décisions et mesures irréparables. Cela peut encore se produire, en fonction d’un certain nombre de facteurs complexes.

 

 

Netanyahu a encore plus d’un mois avant la nouvelle date limite de soumission d’un budget de l’État pour éviter la chute automatique du gouvernement, la demande la plus insistante de Kahol Lavan. C’est entre les mains du Premier ministre, contrairement à d’autres incertitudes. Comme le pays, il retient son souffle pour voir si la stratégie d’une sortie par étapes du confinement dû au covid qu’il dirige provoque une nouvelle flambée désastreuse de l’infection et un troisième confinement, ou réussit à contenir la pandémie – jusqu’à ce qu’un vaccin soit disponible dans les mois à venir.

L’administration entrante de Biden est un autre facteur inconnu qui met les nerfs à l’épreuve dans les sphères politiques. A partir du 20 janvier, le Premier ministre sera privé de ses amis proches à la Maison Blanche et que se passera t-il alors?

Et enfin, les avocats de Netanyahu tentent de retarder les prochaines sessions du tribunal de district de Jérusalem, dans son procès pour corruption à partir de janvier. S’ils échouent, les témoins de l’accusation hostiles devant le tribunal pourraient constamment faire la une des journaux nationaux pendant qu’il se présenterait à la réélection (à partir de mars).

Une élection de printemps verra donc Netanyahu se débattre dans les eaux infestées et dangereuses pour lui.

Le dilemme de Gantz est tout aussi difficile. Il commande une petite faction parlementaire qui diminue progressivement dans les sondages et risque de chuter lors d’une élection. Il pourrait bien sûr aller tête basse pour rejoindre le segment de l’opposition dirigé par l’énergumène Yair Lapid, qui ne se retirerait pas devant l’ancien leader si celui-ci revenait. Une élection dans les mois à venir serait donc un pari risqué. Si ce gouvernement survit néanmoins une autre année, Gantz a sa seule chance, même minime, d’occuper le siège de Premier ministre.

Une élection anticipée n’est donc pas une fatalité, à condition que les duellistes politiques à la tête de la coalition trouvent une voie permettant de garder la tête froide.

Adaptation : Marc Brzustowski

Government rift sets Israel on slippery slope to spring election

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