Opponents of Iranian President Hassan Rouhani hold a protest outside the Iranian embassy in west London, Britain, January 2, 2018. REUTERS/Simon Dawson

Iran: les raisins amers d’une politique extérieure aventureuse

Sans faire preuve d’une immodestie qui ne serait pas de mise ici, il faut bien reconnaître qu’on a été le premier ou parmi les tout premiers à parler des troubles en Iran et de leur lourde signification pour le régime actuel.

Mais j’avais omis, par ignorance, le rôle joué par l’importante colonie iranienne des USA qui sont en contact constant avec leurs proches restés au pays. C’est mon ami, Monsieur Xavier MUSCA qui a amicalement attiré mon attention sur ce point crucial…

En effet, grâce à ces citoyens US d’origine iranienne, on ne dépend plus d’une information exclusive du régime, qui est nécessairement biaisée.

Pourquoi revenir sur des événements qu’on a déjà traités ? Pour la bonne raison que la contestation prend des formes multiples et que le pouvoir lui-même, atteint dans son cœur, hésite sur les moyens à utiliser pour ramener le calme.

La preuve en est les longues journées mises à profit avant que l’autorité suprême de ce pays ne réagisse. Et surtout, après plusieurs décennies d’une chape de plomb, les Iraniens, notamment les femmes, se soulèvent et ne veulent plus vivre sous la contrainte.

Les morts se comptent, hélas, par dizaines et ce n’est pas fini car le pouvoir qui se sentira acculé, finira par mettre dans le coup les pasdarans, les bassidji et toutes ses milices supplétives.

Ce qui serait une grave erreur car cela n’arrêtera pas le désordre… Je reviens sur des éléments que j’avais omis précédemment, notamment le rejet spécifique des actions du régime hors des frontières (Gaza, Syrie, Irak, Hezbollah, Liban).

Le régime s’est lourdement trompé sur cet effet : en toute naïveté, il crut pouvoir tirer gloire de ses victoires sur des champs de bataille à l’étranger alors qu’on lui reproche justement de jeter l’argent par les fenêtres…

Un argent dont on a bien besoin à l’intérieur du pays. Ils ont cru que le peuple était pris dans cette posture idéologique des anciens pays de l’est : on a le ventre vide, on est privé de tout, mais à l’extérieur, tout avance, la révolution avance, on marque des points, etc… Mais voilà, l’idéologie n’a jamais remplacé le bol de riz…

On a entendu des remises en cause claires, spécifiques, des manœuvres des Mollahs à l’étranger, et je ne parle même pas de la corruption qui gangrène tous les secteurs.

Comment accepter que l’on dépense des millions de dollars à Gaza pour le Hamas, au Liban pour le Hezbollah, en Syrie pour Bachar, alors qu’en Iran, les victimes du dernier tremblement de terre (plus de cinq cents morts et des milliers de sans abris) doivent se contenter des miettes que le régime, occupé ailleurs, veut bien leur accorder.

Il faut aussi revenir sur les catégories sociales qui protestent et qui n’ont cure ni d’Israël ni des USA, contrairement aux réactions ridicules des autorités iraniennes : les jeunes diplômés sont sans travail, la monnaie iranienne a énormément perdu de sa valeur, les femmes iraniennes,  les moins fortunées, gagent leurs propres bijoux aux monts de piété, la corruption, doublée de la hausse des prix, a fait exploser le consensus iranien, cette vie secrète, cette double vie, qui servait à rassurer le régime tout en ménageant une soupape de sécurité.

Je me suis souvent interrogé sur ces grandes prières du vendredi où un vieillard enturbanné haranguait les foules politiquement au lieu de les édifier religieusement. Cela n’a duré qu’un temps, les gens ont fini par ouvrir les yeux sur la réalité et celle ci ne les fait pas rêver.

L’ancien président Ahmaninedjad porte une lourde responsabilité dans cette affaire ; c’est sous son règne que les sanctions de la communauté internationale ont atteint leur paroxysme. Et avec toute la bonne volonté de l’actuel président, on ne résoudra rien par un coup de baguette magique.

Je voudrais évoquer ici un reportage diffusé il y a au moins dix ans par une grande chaîne de télévision nationale, un samedi soir : le journaliste français interviewait à la fois un sexagénaire et un jeune étudiant.

Ce dernier se plaignait ouvertement de l’isolement de son pays, des pénuries, de la mauvaise réputation de son pays, soutien du terrorisme, ect… Savez vous, voulez vous savoir quelle fut la réponse du sexagénaire ?

Il répondit ceci : mais tu n’as rien compris, tu ne comprends pas que c’est Israël notre problème majeur, tout le mal vient de la… A quoi l’étudiant répliqua : qu’ai je affaire d’un pays se trouvant à des milliers de km de chez moi ? Ce ne sont pas nos affaires… charité bien ordonnée commence par soi-même. Selon toute vraisemblance, les Mollahs n’ont pas médité ce cas… Ils en récoltent aujourd’hui les fruits amers.

En anglais, un proverbe dit ceci= quand on habite une maison en verre on se garde de jeter la pierre à quelqu’un d’autre. En allemand, on dit : à trop se pencher penché à la fenêtre il a fini par tomber. C’est ce que les Mollahs de Téhéran feraient bien de méditer.

Depuis des lustres, ils menacent les USA et surtout Israël. On se demande pourquoi, eux qui, jusqu’à la révolution islamique, étaient très amis avec Israël qui entraînait même leur armée de l’air.

Personne ne pouvait imaginer que ce régime serait, sous nos yeux ébahis, contesté de l’intérieur. A la face du monde entier, le peuple d’Iran a montré par ses actions qu’il n’était plus à l’unisson avec son gouvernement qui, je le répète, poursuit une politique extérieure bien aventureuse.

Dernier point : un journaliste vedette de la télévision iranienne s’est publiquement interrogé sur ce qui se passe dans son pays et dont il doit rendre compte. Il faut bien comprendre le sens de sa démarche et s’en référer à la culture persanes. Chez eux, l’exégèse remplace le discours de la méthode de Descartes. On leur a appris à faire l’exégèse de tous les textes, au point de leur faire dire le contraire de ce qu’ils disent. Chez eux, tout se lit entre les lignes et les notes infra paginales sont souvent une sorte de matreslectionis. Les Arabes appellent cela Oum al kitab, la mère du livre… En hébreu aussi on dit ém ha-qeri’a.

Alors, quand le journaliste dit : j’ai des questions, cela signifie je vous demande rendre des comptes, ce que le gouvernement fait n’est pas convenable…

Que va t il se passer à présent ? Il n y aura pas d’effondrement immédiat du régime mais le ver est dans le fruit. Ses jours ou ses mois sont comptés, surtout si les troubles persistent et finissent par donner naissance à des guérillas urbaines.

Les noms du président Rouhani et du Guide ont été conspués par des foules considérables. Je ne vois pas comment on pourrait remédier à cette impopularité.

Dans ce contexte, la France devrait rester à l’écart et ne pas se mêler de ce qui va devenir le bourbier iranien.

Maurice-Ruben Hayoun

Le professeur Maurice-Ruben Hayoun, né en 1951 à Agadir, est un philosophe, spécialisé dans la philosophie juive, la philosophie allemande et judéo-allemande de Moïse Mendelssohn à Gershom Scholem, un exégète et un historien français. il est également Professeur à  l’université de Genève. Son dernier ouvrage: Franz Rosenzweig (Agora, universpoche, 2015)

Le nouveau cycle de conférences, Aux racines de la culture européennese penche sur l’humus spirituel et les valeurs premières qui gisent au fondement de ce continent. Mais l’Europe n’est pas seulement un continent, c’est aussi et surtout une culture, axée autour de courants spirituels et d’écoles philosophiques, qui passent à juste Titre pour sa constitution théologico-politique ou éthique.

Les réflexions qui seront exposées dans la salle des mariages de la Mairie de notre arrondissement couvrent la critique biblique, la littérature éthique, la philosophie médiévale sous son triple aspect, gréco-arabe, chrétienne et juive au miroir des pères spirituels de l’Europe : Thomas d’Aquin, Maimonide, Averroès et Maître Eckhart.

Salle des Mariages Mairie du 16e Arrondissement – 71, avenue Henri Martin- 75016 Paris

Jeudi 11 janvier -19h
Hannah Arendt, égérie de Martin Heidegger?

Jeudi 8 février – 19h
Le Moïse de Sigmung Freud, selon Y. Yerushalmi

Jeudi 15 mars – 19h
Franz Rosenzweig, la philosophie et la Révélation: le problème de la Vérité

Jeudi 5 avril – 19h
Emmanuel Levinas et Moïse Mainonide

Jeudi 17 mai – 19h
L’historien Marc Bloch et Simone Veil face au Kaddish

Jeudi 7 juin – 19h
La langue judéo-arabe: plaidoyer pour une culture (presque) oubliée

 

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Ratfucker

Une Iranienne adulte sur 3 est porteuse de maladie sexuellement transmissible, conséquence de l’explosion de la prostitution.

stevenl

Les embobinnés ont embobinnés les masses avec leurs baratin.!

stevenl

Genocidal theofascism.

Yo

Je pense que les enturbanes commencent à se faire dessus, le peuple se soulevera et gagnera.
Les mentalités changent et on voit bien que le problème n’est pas Israël.

… Le bol de riz l’emporte sur l’idéologie

Jg

Votre gouvernement garde le cap pour vous conduire vers l abime en associant vos amis et allies portant le turban .
Dans votre pays , aucun changement possible !