ILS ONT DES OREILLES MAIS N’ENTENDENT PAS

Dov Maimon

L’Eurovision ne changera pas le Moyen-Orient, mais elle a révélé une vérité simple: l’écart entre le public et les jurés ne relevait pas du goût musical – il a mis en lumière une crise de la représentation.

Parfois, la musique dit ce que la politique n’ose exprimer. Ce fut le cas lors de la finale de l’Eurovision 2025 en Suisse, samedi soir. Des millions d’Européens ont voté non pour une politique – mais pour une voix. Une voix de vérité, de douleur et d’espoir. Celle de Yuval Raphael, une Israélienne de 24 ans, survivante du massacre du festival Nova le 7 octobre, qui s’est tenue seule sur la scène de Bâle pour chanter un hymne à la vie.
Le public européen a compris. Il a écouté. Il a applaudi. Il a voté. Israël a reçu le plus grand nombre de points du public – 297, plus que tout autre pays. Mais cette voix – courageuse, blessée, limpide – a été étouffée par le jury : seulement 60 points, la reléguant à la 15e place dans leur classement. Ce n’était pas de l’indifférence – mais une quasi-exclusion.
Ce n’était pas une performance politique, mais un moment d’humanité rare. Raphael n’est pas venue représenter un gouvernement – elle est venue représenter un peuple. Un peuple traumatisé qui a choisi de chanter l’espoir plutôt que la vengeance. Sa chanson, Un nouveau jour se lèvera, interprétée en français, en anglais et en hébreu, comprenait une puissante citation biblique : « Les grandes eaux ne peuvent éteindre l’amour » (Cantique des Cantiques 8,7). C’est ainsi que sa prestation a été ressentie – un torrent de vérité que le public ne pouvait ni ne voulait endiguer. Mais les juges n’ont pas entendu. Ou peut-être – n’ont-ils pas voulu entendre. Ils n’ont pas voté contre Israël ; ils ont simplement choisi de l’ignorer. Ils ont choisi l’indifférence.
Plutôt que de recalculer les scores selon une méthode alternative, l’Eurovision pourrait s’inspirer du monde des festivals de cinéma, où des prix séparés sont décernés par le jury et par le public. Pourquoi ne pas honorer explicitement ces deux perspectives ? Un « Prix du Jury » et un « Prix du Public » reconnaîtraient que le regard professionnel et le sentiment populaire divergent souvent – et que les deux ont leur légitimité. En 2025, Yuval Raphael se serait imposée comme la gagnante du cœur du public. Cela aurait suffi à raconter une histoire forte – non en modifiant le résultat, mais en nommant ce que le peuple a vu et entendu : une chanson qui a transcendé la politique et touché l’âme.
La brillante prestation de Raphael a conquis les cœurs des Européens à une époque où les artistes israéliens font face à des boycotts politiques et à des menaces publiques. Ce n’était pas seulement une réussite, c’était un moment de clarté morale, culturelle et humaine – denrée rare dans l’Europe d’aujourd’hui. Sa deuxième place a le goût d’une victoire.

LE CŒUR DU PEUPLE, LA FAILLITE DES ÉLITES

Lorsque les élites culturelles européennes regardent Israël à travers le prisme de la politique, elles deviennent sourdes à la vérité que seule la musique peut révéler. Elles ne voient que des drapeaux. Et dès que ces drapeaux apparaissent, la musique est noyée. Les juges – journalistes, musiciens, figures culturelles – connaissent parfaitement les risques de soutenir Israël. Ils comprennent les pressions, les protestations, les représailles sur les réseaux sociaux. Ils ne sont pas ignorants – juste effrayés.
Le public, lui, a vu et entendu. De Paris à Berlin, de Londres à Reykjavik – des millions d’Européens ont voté non pour un gouvernement, mais pour l’humanité, pour le courage, pour l’âme. Ils ont vu au-delà de la propagande – et ont trouvé la vérité.
Cet écart entre le public et le jury n’est pas une question de mauvais goût. C’est le symptôme d’une profonde crise de la représentation. Quand les élites culturelles cessent de refléter le sentiment populaire, elles perdent leur autorité morale. Israël ne demande aucun privilège – seulement une chance équitable. Être jugé pour la voix et le message, pas pour la nationalité. Pour la chanson, pas pour le drapeau. Pour l’artiste, pas pour la politique.
L’Eurovision ne changera pas le Moyen-Orient. Mais elle a révélé une vérité simple : la rue européenne sait distinguer le vrai du faux, le courage de la peur. Les élites, dans ce cas, ont choisi de fermer les yeux. La responsabilité nous revient désormais – ne pas laisser cette voix, élevée avec courage devant des centaines de millions, s’éteindre. Car même dans la tempête, « Les grandes eaux ne peuvent éteindre l’amour ».

מַיִם רַבִּים לֹא יוּכְלוּ לְכַבּוֹת אֶת-הָאַהֲבָה, וּנְהָרוֹת לֹא יִשְׁטְפוּהָ
Dr. Dov Maimon est directeur de recherche au Jewish People Policy Institute (JPPI) à Jérusalem. Son dernier ouvrage, « La fin des Juifs de France ? », sort le 22 mai aux éditions du Cherche Midi.

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Sam de BEO

En réalité les européens pour la plupart ne sont pas dupes, ils ont compris que les jurys, comme l’année précédente d’ailleurs, ont de toute évidence, boycottée la chanteuse Juive, excepté deux pays musulmans, dont l’Azerbédjian qui a accordé 12. Sans les juges, Raphael était gagnante.