Le 1er cours que je vais faire va porter sur les deuxièmes tables de la loi. Et le sujet sera essentiellement centré sur la signification de Sim’hat Torah à Shémini Atseret la fête qui aura lieu lendemain de Hoshaanah Raba .

 Le sujet que je vais aborder est un sujet où le fond et la forme doivent coïncider à la lettre. C’est vrai en général de toute étude : dès qu’on commence à paraphraser surtout dans une langue autre que l’hébreu on croit parler du sujet mais on le laisse complètement, Il faut toujours qu’il y ait une vérification pour que la forme et le fond coïncident.

Cela ne peut être que si on étudie un texte et que c’est du texte qu’on parle. Ceux qui sont familiers à l’étude du Talmud, c’est l’étude par excellence. Toutes les autres études sont des études pour connaître, qui se relient à l’enseignement du Talmud, et étudier l’enseignement du Midrash, la Qabalah, la Maharshavah, si on n’a pas aussi le Talmud, il faut savoir à l’avance que c’est en l’air, accroché sur rien parce qu’on n’a pas la prise du miqra, c’est-à-dire du sens traditionnel que nous donne le Talmud, et lui seul, de ce qui est écrit dans la Bible.

 Et c’est cela qu’il faut bien comprendre que nous allons aborder un sujet important et quand on a décidé du programme à Yaïr, je ne savais pas personnellement à quel point les événements contemporains de l’histoire d’Israël se reliaient au sujet que nous allons étudier.

 Mais je vous demande de séparer ces deux problématiques dans vos têtes. Les problèmes politiques ce n’est pas du tout le sujet de ce soir. La première approche sera une approche historique basée sur le calendrier.

Comme vous le savez lorsqu’on parle de la révélation de la Torah on fait allusion à deux niveaux, d’une part la Torah dans le sens de Torat Mosheh les 5 livres du Pentateuque – Béréshit, Shémot, Vayiqra, Bamidbar, Devarim – tout cela c’est Torah révélée, le Miqra du ’Houmash, les ‘Hamishah ‘Houmshei Torah, mais d’autre part, il y a aussi allusion à un événement historique bien précis qui est la révélation du 6 Sivan sur le mont Sinaï où Moïse a reçu les deux tables de la Loi, les dix commandements, comme on dit en français, gravés sur les deux tables de la loi, à charge pour lui de les transmettre à tout Israël qui avait assisté à l’expérience que je définirais simplement maintenant avant d’y revenir : expérience du fait que lorsque Moïse parle, il dit bien ce que Dieu lui a dit de dire. C’est cela l’essentiel de ce qui s’est passé au Sinaï. Dieu s’est révélé à Moïse, le peuple assista à cette révélation de telle sorte que le peuple ait l’expérience que c’est bien Dieu qui se révèle à Moïse.

 J’explique tout de suite pourquoi dans une petite parenthèse: parce que jusque-là on ne connaissait Moïse que comme chef politique. Et ensuite, tous les mots que je vais employer ont un sens simple et un sens plein. Ce ne sont pas des façons de parler parce que cela concerne des problèmes d’identité de l’histoire de notre peuple : une histoire confrontée dans le temps immédiat contemporain à ces problèmes-là. Avant la révélation du Sinaï, c’est la tribu de Lévi qui était déjà dans le secret de Moïse inspiré par Dieu qu’il y aurait une Torah. Mais jusque-là, la foi d’Israël en exil en Egypte et dans les événements de la sortie d’Egypte est définie par la formule connue dans la Torah elle-même : l’accomplissement des promesses aux patriarches que l’exil prendrait fin. C’était cela la foi d’Israël.

 Par exemple au passage de la mer rouge, lors d’un événement qui confirme de façon plus qu’évidente, indélébile et irréversible que Moïse avait raison. Mais il y a eu comme nous dirions aujourd’hui c’est-à-dire de mettre fin à l’exil et de ramener le peuple d’Israël qui était en diaspora en Egypte au pays des Hébreux, le pays d’Abraham, d’Isaac et de Jacob et que les Chrétiens ont appelé la promesse, mais le terme qui est employé dans le Miqra ce n’est pas du tout une promesse mais un serment : « le pays que J’ai juré à vos pères…»

 C’est dans le vocabulaire chrétien ou christianisant que l’on lit : « le pays que J’ai promis… »

C’est là un sens piège : « j’ai promis »… Il faut avoir foi dans une promesse mais une promesse c’est quelque chose qui n’est pas encore accomplie. J’en ai discuté avec mon ami André Chouraqui, grand exégète et grand poète, qui avait employé dans sa traduction « le pays des promissions ». C’est très beau en français. Mais par rapport à la Torah ce n’est pas un pays promis mais c’est un pays donné et juré et confirmé. Et quand on va se demander pourquoi il a fallu que Dieu confirme de façon aussi répétée à Israël que son pays c’est vraiment son pays, c’est donc qu’il y a un problème dans l’identité d’Israël. Il s’agit du pays des hébreux qui à l’époque était occupé par les envahisseurs qui s’appelaient les Cananéens et l’une des peuplades était les Philistins, nom qui en hébreu signifie « les conquérants », « les envahisseurs ». On voit comment les définitions s’inversent et deviennent des calomnies aujourd’hui pour le monde entier.

Mais malheureusement, pour beaucoup de juifs eux-mêmes et de leur rabbins, ce sont les juifs qui sont les conquérants et les envahisseurs sur le pays des Hébreux, alors que Pilishtim en hébreu veut dire les « conquérants », les « envahisseurs ». On a oublié cela. Même l’histoire, et j’en parlerai plus en détail.

 Mais ce que je veux dire c’est que ce qui s’est passé au Sinaï le 6 Sivan, et on ne comprend pas le choc qu’a eu Israël dans sa relation à Moïse : jusque-là il était relié à un chef politique qui a mis fin à l’exil. Et puis voilà que ce chef politique se révèle – si on a le temps je vous citerais le verset dans Rashi lui-même – comme un Zaqen Malei ‘Hakhamim, un Dayan, un Rosh Yeshivah, c’est ce qu’enseigne la Torah. Imaginez le choc ! Et même Moïse qui était connu pas tellement de temps avant comme étant le juif le plus assimilé, le modèle, le paradigme du juif assimilé. Fils adoptif du Pharaon et héritier présomptif du Pharaon élevé dans le palais du Pharaon et dans les universités pharaoniques… et il est venu dire – 3000 avant Herzl qu’on a accusé lui-même d’être assimilé – de mettre fin à l’exil ! Et c’est ce Moïse-là enfin reconnu par 1/5ème des Hébreux à propos duquel au moment du passage de la mer rouge :

Exode – Shémot Beshala’h :

14.31

וַיַּאֲמִינוּ, בַּיהוָה, וּבְמֹשֶׁה, עַבְדּוֹ

Vayaamim bashem OuvMosheh Abdou

Et ils eurent foi en Dieu et en Moïse son serviteur  

Il ne s’agit pas encore du tout de Torah, il y a quelques mitsvot qui ont été données, et en particulier la mitsvah du Shabat. Je vous disais tout à l’heure à quel point toute la Torah c’était la manière d’être – le Derekh Erets – des patriarches que Moïse a transmis à Israël sous forme de Torah.

 Devarim VéZot Haberakha

33.4

תּוֹרָה צִוָּה-לָנוּ, מֹשֶׁה:  מוֹרָשָׁה, קְהִלַּת יַעֲקֹב

Tora Tziva Lanou Moché, Moracha Qehilat Yaaqov

Une torah pour nous dicta Moïse; héritage de la communauté de Jacob.

 C‘est un verset qu’il faudrait étudier mot par mot.

Et voilà donc que l’on arrive au Sinaï 50 jours après la sortie d’Egypte. Et là, le peuple va avoir un choc : il va recevoir un message, c’est le début du chapitre 19 de Shémot lorsque Moïse transmet la consigne à Israël sous la forme suivante :

Exode – Shémot,Yitro

 19.4

אַתֶּם רְאִיתֶם, אֲשֶׁר עָשִׂיתִי לְמִצְרָיִם; וָאֶשָּׂא אֶתְכֶם עַל-כַּנְפֵי נְשָׁרִים, וָאָבִא אֶתְכֶם אֵלָי  

Vous avez vu ce que J’ai fait à l’Egypte

Vous, je vous ai portés sur les ailes des aigles, je vous ai rapprochés de moi.

 Vous avez vu ce que j’ai fait à l’Egypte, vous avez vu ce que j’ai fait pour vous. Non seulement mettre fin à l’exil mais Je vous ai amené vers Moi sur les ailes des aigles. Vous deviendrez les prêtres de cette foi-là que l’exil peut prendre fin. Puisque vous avez cette expérience, je vous investis comme témoins de cette expérience pour l’humanité entière. (Cf. 19:5-6). Un jour nous approfondirons un peu ce thème-là. Quel lien y a-t-il ? Et c’est dit plusieurs fois dans le texte du Pentateuque, et en particulier dans le début du Deutéronome lorsque Moïse reprend le récit des événements que je suis en train de vous citer brièvement.

 Vous avez eu l’expérience que la fin des exils est possible, vous allez devenir le peuple des prêtres de cette foi-là.

                   19.6

וְאַתֶּם תִּהְיוּ-לִי מַמְלֶכֶת כֹּהֲנִים, וְגוֹי קָדוֹשׁ

Véatem tihyou li mamlekhet kohanim végoy qadosh

Et vous serez pour moi royaume de prêtres et peuple saint.

 Il y a eu pour le peuple un choc. On s’attendait à une fin d’exil, élevée à un sionisme « dé-sionisé » dans l’eau, et puis voilà que Moïse parle comme le Rav Kook !

 La justification de la spécificité de notre histoire nationale c’est la Torah. La Torah d’une foi dont les Hébreux font l’expérience, et dont en tant que modèle de point de départ Abraham avait l’expérience.

 Quand vous lirez les textes du Pentateuque vous serez frappés par le parallèle qu’il y a entre l’histoire d’Abraham sorti d’Our-Qasdim et l’histoire d’Israël sorti d’Egypte. Le style et la forme des versets sont les mêmes. Quand Dieu s’adressa à Abraham pour lui dire : « Je suis celui qui t’a fait sortir d’Our-Qasdim » ; et lorsqu’il s’adresse à Israël pour lui dire « Je suis celui qui t’ai fait sortir d’Egypte », c’est la même expérience. Elle a lieu avec Abraham, elle va être évoluée en destinée – je n’ai pas dis destin – en projet d’identité des nations qui va apparaître à partir de Jacob, après la sélection d’identité qui sépare Ishmaël d’un côté (et vous savez qu’Ishmaël est en rivalité pour la terre d’Abraham) et Esaü de l’autre (et vous savez qu’Esaü est en rivalité pour le ciel d’Abraham).

 Et nous arrivons de notre temps après tant de péripéties de ce qui a été deux millénaires d’histoire à un règlement de compte. Mais, semble-t-il, tout le monde sait que seul Israël est Israël sauf les Juifs, enfin une grande partie d’eux, ceux au pouvoir en tout cas.

 Je reviens au sujet : il y a une analogie dans le fond et dans la forme entre l’expérience d’Abraham et l’expérience de la nation d’Israël issue de Jacob, fils d’Isaac, fils d’Abraham. C’est cela la preuve d’Israël. La preuve d’Israël ce n’est pas des problèmes de théologie philosophique. Et vous savez à quel point c’est traditionnel : à travers les contenus philosophiques nous ne nous adressons pas au premier moteur de l’univers – comme dirait Spinoza: la cause première – on s’adresse à celui qui nous a fait sortir d’Egypte. Et c’est la force de l’enseignement de Judah Halévi dans le Kouzari en particulier.

 Et voilà que la foi d’Israël a été entendue par l’humanité entière, à travers toutes les rivalités que vous savez, à travers toutes les contestations que vous savez, tant du côté de la chrétienté que du côté de l’islam ou du côté de l’humanisme, c’est que la condition de créature qui est une condition d’exil est aussi l’exil du Créateur. Et toutes les créatures quel qu’elles soient, qu’elles en soient conscientes ou pas, ont en tête le salut de la fin de l’exil de la condition de créature. Et voilà que l’humanité en question qui est la conscience de l’univers, et toute créature est dans cette situation existentielle de se savoir exister dans l’exil de l’être, et voilà que l’humanité découvre un peuple dont l’histoire est faite par ce rythme Galout-Géoulah. Et on croit au salut d’Israël parce que le salut d’Israël c’est le témoignage qu’on peut sortir de la condition d’exil jusqu’au niveau de la sortie d’exil métaphysique de la condition de créature, rendez-vous au Gan HaEden. Et l’humanité finit par croire dans la foi d’Israël à un point tel que croit Israël. Et c’est la raison de l’histoire des Justes qui a été l’histoire d’une contestation d’identité à 3 niveaux : la Torah, le peuple, la terre.

 Et voilà donc ce qu’il en est de Moïse pour Israël jusqu’au type qu’il va amener au 6 Sivan. Moïse se révèle comme étant le prophète qui donne la Loi. Et alors là, relisez attentivement le chapitre 19 de l’Exode : le peuple, c’était tout à son honneur, exige que s’il y a un « nouveau testament » que Dieu lui-même vienne le révéler.

 Et Rashi cite un midrash très important pour expliquer le verset qui dit que Moïse a rapporté la réponse du peuple à Dieu [19.8], il lui a expliqué ce n’est pas qu’ils m’ont refusé mais ils veulent que Toi tu leur parles, ils ont dit : « nous voulons voir le Roi ! »

 Il y a un autre midrash qui compare la relation entre Dieu et Israël à une relation d’alliance conjugale, comme disait notre maître Monsieur Neher za’l, et Israël a dit « nous voulons voir le fiancé ! » Il les a marié par procuration, c’est un mariage légal, mais nous voulons voir le fiancé. Et c’est tout à l’honneur d’Israël que lorsque le guide spirituel pense changer le discours, on exige que ce soit authentifié par Dieu lui-même. On ne croit pas aveuglément. C’est vraiment à l’honneur d’Israël que de dire « nous voulons voir le Roi ! », « Nous voulons entendre directement ! »

 D’où la réponse de Dieu à Moïse :

 19.9

הִנֵּה אָנֹכִי בָּא אֵלֶיךָ בְּעַב הֶעָנָן

Puisqu’il en est ainsi alors je viens vers toi dans l’opaque de la nuée…

 S’il n’y avait pas l’opaque de la nuée, il serait brulé. Il faut que Dieu le protège il n’est pas encore à la hauteur pour pouvoir être en présence de la lumière, et

    19.9

בַּעֲבוּר יִשְׁמַע הָעָם בְּדַבְּרִי עִמָּךְ, וְגַם-בְּךָ יַאֲמִינוּ לְעוֹלָם

Afin que le peuple m’entende quand Je te parle

et qu’en toi aussi ils aient foi.

 Vous avez compris la contradiction avec le premier verset : au passage de la mer rouge :

Exode – Shémot Beshala’h :

 14.31

וַיַּאֲמִינוּ, בַּיהוָה, וּבְמֹשֶׁה, עַבְדּוֹ

Vayaamim bashem OuvMosheh Abdou

Et ils eurent foi en Dieu et en Moïse son serviteur 

Et là Dieu dit :

                      19.9

וְגַם-בְּךָ יַאֲמִינוּ לְעוֹלָם

Végam békha Yaaminou Léolam

et qu’en toi aussi ils aient foi

 Indépendamment de tous les commentaires de ces dimensions d’études, l’analyse qu’on avait trouvée était très claire : ils avaient fini par avoir foi en Moïse comme chef politique. Mais il fallait aussi qu’ils aient foi en Moïse comme chef religieux. Le drame de notre peuple c’est qu’on fait comme si il y avait deux Moïse, on fait comme si l’un est ‘Hiloni et on fait comme si l’autre est ’Harédi ! Mais c’est ni l’un ni l’autre.

Vous savez le prix à payer de ces inconséquences de ces histoires des Juifs.

Les Juifs ont eu beaucoup de malheur. Et même s’ils ne sont pas eux-mêmes responsables de leurs malheurs, est-ce qu’il n’arrive pas à certaines occurrences, à certaines étapes de notre histoire, que les responsables de l’histoire d’Israël, de l’existence spirituelle de l’histoire d’Israël, soient eux et non pas Dieu les responsables du malheur des gens. J’y reviendrais plus en détail.

 Et voilà donc que d’après le 2ème verset que je vous ai cité :

Je le répète pour que ce soit bien clair à cause de l’habitude que nous avons de comprendre l’événement à postériori. Les événements sont dans l’ordre la sortie d’Egypte, et juste après révélation du Sinaï. Mais c’est à postériori que ce qui s’est passé au Sinaï des 10 commandements s’est passé. A postériori de la nécessité d’habiliter Moïse comme prophète de la loi. Relisez attentivement le chapitre 19 de l’Exode.

 Primitivement, il s’agissait de transmettre un message à Israël. Vous avez une espérance d’histoire singulière mais elle est singulière au nom de l’universel humain : vous allez donc devenir les prêtres de l’universel humain.

 En premier, tel était le message :

            19.6

וְאַתֶּם תִּהְיוּ-לִי מַמְלֶכֶת כֹּהֲנִים, וְגוֹי קָדוֹשׁ

Véatem tihyou li mamlekhet kohanim végoy qadosh

Et vous serez pour moi royaume de prêtres et peuple saint

 Et voilà que le peuple a besoin de savoir comment on fait cela ! Ça c’est le niveau auquel on est tombé au Sinaï après la révélation. J’ai l’habitude d’expliquer cela dans d’autres cours, à propos d’un passage de la Hagadah de Pessa’h : Dayénou.

אִלּוּ קָרַבְנוּ לִפְנֵי הַר סִינִי

וְלֹא נָתַן לָנוּ אֶת הַתּוֹרָה

דַּיֵּנוּ

S’il nous avait approché devant le mont Sinaï

et qu’Il ne nous avait pas donner la Torah

Dayénou !

 C’est un slogan d’Hashomer Hatsaïr !!!

Comment, nous, pouvons-nous chanter cela à Pessa’h ?

S’il nous avait approché devant le mont Sinaï et ne nous aurait pas donné la Torah Dayénou !

Alors qu’est-ce qu’on est allé faire au Sinaï ?

Qu’est-ce que c’est que ce Dayénou ?

 Vous avez compris qu’il y a deux niveaux très différents : approcher du Sinaï cela veut dire nous investir Stam :

« מַמְלֶכֶת כֹּהֲנִים, וְגוֹי קָדוֹשׁ  

Mamlekhet Kohanim véGoï Qadosh

Peuple de prêtres et nation sainte ». [ Ex.19 :5-6]

 Mais on n’a pas été capable de savoir comment on fait ça ! En Israël on dit : « Comment cela s’avale-t-il ? » « Comment cela se mange-t-il ? » Ce qui veut dire : Comment devient-on les prêtres de l’humanité ? Alors, on nous a donné le code. Cadeau ! En plus !

Cela veut dire qu’on aurait dû être capable comme les patriarches de savoir comment on est Israël. Il a fallu qu’on nous donne un mode d’emploi.

 Au fond, vous savez, il y a énormément de Juifs dits religieux qui utilisent le mode d’emploi – le Shoulkhan Aroukh –  exactement comme un garçon de laboratoire ignorant qui essaie d’appliquer les ordonnances. Avec une telle méticulosité qu’on n’arrive pas à la distinguer de la maniaquerie. C’est un problème : comment Israël a-t-il besoin de garçons de laboratoire ? On a besoin qu’on nous explique comment être Israël ! Regardez à quel point nous sommes descendus si bas dans notre identité. Encore une fois, le verset que je vous ai cité est très clair :

 Ex. 19.5-6

וְאַתֶּם תִּהְיוּ-לִי מַמְלֶכֶת כֹּהֲנִים, וְגוֹי קָדוֹשׁ

Véatem tihyou li mamlekhet kohanim végoy qadosh

Et vous serez pour moi royaume de prêtres et peuple saint.

אֵלֶּה, הַדְּבָרִים, אֲשֶׁר תְּדַבֵּר, אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל

Eleh hadébarin asher tédaber el Benei Israël. Néqoudah!

Voici les paroles que tu diras aux enfants d’Israël.

 Et Israël a besoin qu’on lui explique le mode d’emploi…

C’est un verset suffisamment clair.

 Je vais vous donner l’exemple que j’ai l’habitude de donner :

Imaginez un pompier auquel il faut demander un manuel pour lui expliquer que le feu brûle et que l’eau éteint le feu…  C’est que ce n’est pas un pompier !

Et si vous devez dire à Israël à Israël : voilà ton code de « peuple de prêtres » pour l’humanité entière pour la foi d’Israël. Je ne reviens pas sur la définition : premièrement, deuxièmement, troisièmement… 613èmement. C’est que ce n’est pas Israël !

 C’est pourquoi à la Hagadah de Pessa’h on parle du redoublement des dons et des cadeaux qui nous ont été fait. D’ailleurs je continue le Dayénou puisqu’on en parle : vous avez des ‘Harédim qui lisent la suite :

אִלּוּ נָתַן לָנוּ אֶת הַתּוֹרָה

וְלֹא הִכְנִיסָנוּ לְאֶרֶץ יִשְׂרָאֵל

דַּיֵּנוּ

Ilou Natan Lanou Et HaTorah

v’lo hikhnisanou l’eretz yisra’el

dayénou!

S’Il ne nous avait donné la Torah

Et ne nous avait pas amener en Erets Israël

Cela nous aurait suffit !

 Vous voyez jusqu’au cela peut aller ! Il y a des gens sincères qui disent cela comme ça. C’est dit pour Dieu ! On est habitué à postériori à ce rythme des événements : Sortie d’Egypte – Sinaï – pour faire un petit stage, un camp d’essai de Torah avec comme Madrikh Mosheh Rabénou. Et cela nous a tellement plu qu’on est resté là-bas 40 ans. Mais ce n’est pas ce qui était prévu à priori. C’est à postériori que cela a été nécessaire. Alors il faut se remettre dans l’ordre du récit de la Torah. C’est une découverte que tous les pédagogues devraient faire : la Torah se lit dans l’ordre des récits. Ce n’est pas pour rien que la Torah a choisi cet ordre.

 Osez ! Je suis sûr que j’entends vos questions non formulées.

 Q : « ein mouqdam oumou’har baTorah » ?

R : Et d’ailleurs c’est vrai : « ein mouqdam oumou’har baTorah ». Mais je vais vous citer un enseignement du Gaon de Vilna, sur un autre sujet apparemment mais qui va éclairer le nôtre:

Il y a dans le Zohar [Vol. 17 Nasso section 18 Tikoun 148] : la phrase suivante :

[Rabbi Elazar a ouvert et il a dit:]

Hakol Talouï BéMazal véAfilou Sefer Torah BéHeikhal

Tout dépend du Mazal (cela veut dire les signes et les lois du déterminisme donc du vieillissement) même le Sefer Torah à l’intérieur du sanctuaire.

Le Zohar, il faut avoir un maître pour le comprendre. Ce sont des phrases très simples et belles, mais sans maître qui nous explique ce qu’il y a dedans on ne comprend rien.

Et alors le Gaon de Vilna a expliqué cette phrase que je répète en hébreu :

Hakol Talouï BéMazal véAfilou Sefer Torah BéHeikhal

Et que signifie le Sefer Torah qui est dans le Heikhal ? Et s’il n’était pas dans le Heikhal serait-il  protégé ? Il l’a expliqué par un mot : Sefer ! Le livre est soumis au déterminisme mais pas la Torah ! C’est la différence entre Torah et Sefer Torah.

 Quand on lit dans la Guémara : « ein mouqdam oumou’har baTorah », pas d’avant et d’après dans la Torah, on parle de la Torah et pas du Sefer Torah ! Dans le Sefer Torah il y a mouqdam oumou’har. Il y a la Massorète, c’est ainsi ce qu’elle a fait en mettant ces versets dans leur ordre. Selon la Guémara: un texte qui n’est pas lu dans l’ordre n’a plus de valeur. Vous voyez qu’il faut lire exactement ce qu’il y a d’écrit.

Et la vérité qui n’a pas d’ordre, c’est la vérité au niveau de l’éternité, c’est dans l’ordre du dévoilement de la vérité qu’il y a un ordre historique et logique. Dans l’ordre de la révélation de la Torah, il y a un ordre. Pas dans la Torah. Toutes les vérités sont édictées simultanément et éternellement simultanément. Et c’est la raison pour laquelle Rashi qui a un but à différentes profondeurs infinies commence par dire quelque chose d’énorme.

בראשית: אמר רבי יצחק לא היה צריך להתחיל [את] התורה

Lo hayah tsarikh lehat’hil [et] hatorah

אלא (שמות יב ב) מהחודש הזה לכם

Ela meha’hodesh hazeh lakhem…

ומה טעם פתח בבראשית

Oumah taam pata’h bébéreshit

 La Torah ne devrait pas commencer au commencement ! Pour une fois qu’on a un livre qui commence au commencement, Rashi nous dit que ce n’est pas normal ! Parce qu’il n’y a pas de commencement et de fin dans la Torah. Raison pour laquelle comme vous le savez à Sim’hat Torah dès qu’on a fini les derniers versets on recommence les premiers versets tout de suite.

***

 Il y a donc un ordre à priori. On est tellement familier avec ce qui s’est passé à postériori qu’on ne sait plus comprendre quel était le plan premier qui a dû être corrigé à cause des péripéties de l’exil, et qu’il était vrai qu’Israël n’était pas d’emblée à la hauteur du projet d’identité auquel il a été appelé. Alors que je comprends bien pour ceux qui entendent cela la première fois que c’est quelque chose de difficile à entendre : la révélation des 10 commandements au Sinaï était inattendue. Le verset dit :

 Isaïe 2.3 :

כּי מציוֹן תּצא תוֹרה

Ki MiTsion Tetsé Torah !

 La Torah doit sortir de Sion et non pas du Sinaï. Seulement, il était nécessaire que Dieu se révèle à Israël pour habiliter Moïse. Alors, si déjà on a profité des 10 Divrei qui ne sont d’ailleurs pas n’importe lesquels mais qui récapitulent l’ensemble de la Torah dans les principes mêmes de la Torah (c’est un autre sujet), et si déjà… alors au moins que… on en profite !

Relisez bien donc ce chapitre 19 de telle sorte d’avoir connaissance de cela que l’événement du Sinaï, comme il y a eu lieu les dix commandements a été commandé par la nécessité d’habiliter Moïse comme prophète de la loi. Et que l’un c’est l’autre.

 Je voudrais bien mettre en évidence l’image de la fracture entre ces deux profils des maîtres d’Israël : le chef de guerre et le Rosh Yéshivah. C’est devenu presque contradictoire. Alors que c’est  l’enseignement du chapitre 19 que l’un c’est l’autre. Et le début du chapitre 20 dans ces premiers mots des dix commandements :

אָנֹכִי יְהוָה אֱלֹהֶיךָ, אֲשֶׁר הוֹצֵאתִיךָ מֵאֶרֶץ מִצְרַיִם מִבֵּית עֲבָדִים

Anokhi Hashem Eloheikha Asher…

 On traduit habituellement comme s’il y avait écrit Ani Hashem Eloheikha Asher… Je suis …

Mais ce qui est écrit c’est Anokhi : C’est moi qui, c’est bien moi… Et voilà l’intention : c’est bien moi qui vous ai fait sortir d’Egypte qui vous donne cette Torah : l’un c’est l’autre !

 Sur la mer, ils l’ont vu comme un chef de guerre, et au Sinaï ils le voient comme un Rosh Yeshivah… Par là on apprend qu’un Rosh Yeshivah doit être Zaqen Malé Ra’hamim un vieillard plein de miséricorde. Aujourd’hui, nous avons à la tête des Yeshivot des jeunes gens !

 Pour revenir au sujet : tout cela pour habiliter Moïse comme prophète de la loi, et c’est à ce propos qu’ont été révélées et données les deux tables de la loi.

 Je vous donne une première analyse d’ordre historique appuyée sur la structure du calendrier.

Et ensuite nous essaierons de réfléchir à la signification profonde, d’après un enseignement de la Kabalah, des premières et deuxièmes tables.

Et ensuite en fin d’étude, nous aborderons la signification des deuxièmes tables : quelles sont les différences entre les premières et les deuxièmes tables ? Il y a énormément de différences, énormément de sujets et de dimensions du problème …/…  par rapport à la relation entre l’homme comme conscience libre et morale qui unit les devoirs et la loi.

Schéma historique :

Voici ce qu’il s’est passé historiquement : le 6 Sivan, 50 jours après la sortie d’Egypte, il y l’événement de la révélation du Sinaï, et Moïse reçoit les deux tables. Et avec les deux tables va commencer cette génération. Avec ce don des deux tables va commencer une période de 40 jours où Moïse sur la montagne reçoit l’ensemble de la Torah et l’étudie avec Dieu comme maître. C’est pourquoi d’ailleurs lorsque dans la première Mishnah du Pirqey Avot on lit « Mosheh Qibel Torah MiSinaï » et non pas Mosheh Rabénou parce que là-bas, il n’était pas le maitre mais l’élève. Il y a un autre enseignement du Talmud qui précise les différents niveaux de dignité rabbinique : le plus haut niveau c’est Shmo. Rav, Ribbi et Rabbi, Raban et Gadol meraban shmo : plus haut que Raban : Shmo, son nom.

Au 6 Sivan, la révélation des premières tables. Commence cette période de 40 jours où Moïse est sur la montagne et il avait donné rendez-vous au peuple : N’ayez pas peur. Je vais redescendre… Et il a tardé. On va se demander comment ?

וַיַּרְא הָעָם, כִּי-בֹשֵׁשׁ מֹשֶׁה לָרֶדֶת מִן-הָהָר

Le peuple, voyant que Moïse tardait à descendre de la montagne

Mosheh c’est la Beshesh. Un retard de 6 heures

toumanitou

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