Outre le fait, que toute dictature est vouée à sa perte, parce que l’Histoire a une morale, il y a des raisons de penser que l’Etat islamique ne survivra pas en l’état. Il voué à être vaincu pour différentes raisons.

Cette union des barbares venue de tous les coins de la planète, pour ne commettre que des atrocités, ne fonde ni une nation, ni une culture, ni même une espérance propre à tout moteur vital.

Le djihadisme, forme extrême de l’islamisme, est loin d’avoir épuisé sa capacité de mobilisation. Après avoir eu pour creuset l’Afghanistan, soutenu par la logistique pakistanaise et les finances de l’Arabie saoudite et du Golfe, ce courant s’est particulièrement imposé en Syrie et en Irak.

En 2014, l’Etat Islamique en Irak et au Levant (Daech) proclamait un « califat » après la prise-éclair de Mossoul. Ces événements, ponctués par une politique de terreur, destinés à semer la panique, ne pouvaient qu’attirer des volontaires croyant que la victoire était au bout du fusil.

Un front de plus de 1 000 km

Une année plus tard, la situation de Daech en Irak est loin d’être triomphale. Grâce aux bombardements américains et européens, sa liberté d’action s’est très sensiblement réduite dans le plat pays sans couvert forestier qu’est la Mésopotamie. Quant à la partie orientale de la Syrie tenue par Daech, elle est, sauf aux abords de l’Euphrate, un semi-désert pierreux. Nombre des puits de pétrole tenus par ce mouvement ont été bombardés, le privant partiellement de ressources financières.

Les Kurdes réorganisés et équipés par les Occidentaux tiennent un front statique de plus de 1 000 km. La menace aérienne interdit toute offensive massive. Il faut pour Daech agir par temps couvert ou par surprise. On constate, par ailleurs, sur le front irakien la présence d’éléments du PKK (Kurdes de Turquie) et du Al-Qods (combattants iraniens). Les troupes et milices chiites soutenues par l’Iran ont investi Tikrit, dont la valeur symbolique est grande (c’est la ville de Saddam Hussein) et dont une partie importante de la population sunnite s’est enfuie. Reconquérir une région sunnite avec des troupes chiites équivaut à vouloir libérer des Polonais avec des troupes russes.

On est dans une guerre d’usure où Daech connaît un recul par rapport à l’année dernière. Nuisance considérable, le djihadisme, très coûteux à contrer, doit être évalué à son aune : il ne peut remettre en cause le statu quo mondial – ce que la Chine, grâce à sa croissance économique, est en mesure de faire.

Un danger marginal

Le djihadisme est-il même capable de susciter un autre ordre au Proche-Orient ? On peut symboliquement supprimer une frontière, mais la nouvelle configuration évacue-t-elle la complexité des entités ethniques et religieuses tissée au Levant ? Faudrait-il pour réaliser l’utopie prônée par Daech supprimer tous les chrétiens, les yézidis, les Druzes, les chiites, et, de surcroît, les sunnites nombreux opposés aux valeurs et aux normes prônées par le califat ? En Irak, à terme Daech sera perdant. En Syrie, il faudra compter avec le Jabhat Al-Nosra et d’autres organisations djihadistes ou non plus proprement syriennes.

En ce qui nous concerne, la menace terroriste est réelle, mais constitue un danger relativement marginal ; conséquence chez nous de trois décennies d’aveuglement volontaire ou de lâcheté à gauche comme à droite. Il était plus facile de fermer les yeux sur les économies parallèles fondées sur le trafic de la drogue et le développement de zones de non-droit.

L’attrait du djihad peut conforter une petite partie de ceux qui sont en mal d’identité et d’estime de soi. Mais il ne sera mobilisateur que s’il rencontre des succès sur le terrain. Or, ceux-ci tiennent d’abord à la maîtrise des réseaux sociaux et de la communication, dont les djihadistes ont récemment fait preuve. Le terrorisme se joue d’abord dans les esprits et les volontés. On souhaiterait, à cet égard, que nos médias ne servent pas indirectement la propagande des djihadistes.

Faiblesse fondamentale

Cependant, maîtriser la communication n’est pas maîtriser une situation. Dans les territoires qu’il domine, quelles perspectives économiques offre Daech ? Quel programme, en dehors de la moralisation de la vie publique ?

Les méthodes de Daech sont fondées sur la terreur à forte charge symbolique. Il s’agit, à chaque fois, d’augmenter le niveau d’horreur, de façon à occuper l’espace médiatique, et d’inquiéter des populations qui, en Europe, n’ont plus de la violence qu’une perception de spectateur lointain et apeuré.

Les djihadistes dissimulent ainsi leur faiblesse fondamentale en matière de projets économiques et sociaux. A l’heure où la Chine s’efforce de devenir le banquier du monde, Daech en est encore à couper des têtes et instaure un califat dont le pouvoir principal se borne à la nuisance. Il ne faut pas confondre les lames de fond avec l’écume des choses.

A paraître: La Question kurde à l’heure de Daech, par Gérard Chaliand (Seuil, 160 pages, 18 euros), avec la collaboration de Sophie Mousset.

 

 

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Armand

Caton l’ancien aurait repete a chacun de ses discours  » Daesh delenda est  »