Dans le contexte de la crise qatarie, si les relations entre l’État d’Israël et certains pays du Golfe s’améliorent, la normalisation des relations israélo-arabes reste encore lointaine.

Alors que la crise qui déchire les monarchies pétrolières depuis fin mai 2017 risque d’affaiblir durablement le Conseil de coopération du Golfe (CCG), la mise à genoux du Qatar est considérée par Israël comme une occasion historique de se rapprocher de Riyad et d’Abu Dhabi et d’intégrer ainsi l’axe anti-iranien et anti-Frères musulmans soutenu par le président américain.

Les relations entre Israël et certains pays du Golfe ont connu un essor sans précédent ces dix dernières années, au point qu’au cours de sa première visite officielle à Washington, en février dernier, Benjamin Netanyahu déclarait : « Les pays arabes de la région ne voient plus Israël comme un ennemi mais, de plus en plus, comme un allié. »

Derrière cette déclaration d’intention, la route vers la normalisation des relations israélo-arabes reste pourtant encore longue. Elle devrait dépendre d’un subtil et encore improbable alignement des intérêts d’Israël, des pays du Golfe et des États-Unis.

Une crise a priori bénéfique pour Israël

La rupture des relations diplomatiques entre le Qatar et l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis (EAU), Bahreïn et l’Égypte, le 5 juin, a été saluée par le ministre israélien de la Défense, Avigdor Lieberman, qui a estimé que cela ouvrait « des possibilités pour une coopération dans la lutte contre le terrorisme. » Les obsessions anti-Frères musulmans d’Abu Dhabi (et du Caire) et anti-iranienne de Riyad (et de Manama), à l’origine de la politique d’asphyxie de Doha, sont notoirement et publiquement partagées par Tel-Aviv.

 

Les déclarations du président américain, au cours de sa tournée à Riyad et à Jérusalem au mois de mai, ont également confirmé que sa politique moyen-orientale entendait s’appuyer exclusivement sur ses alliés arabes sunnites et sur Israël pour contrer, pêle-mêle, l’Iran, l’islam politique et le djihadisme. Beaucoup ont donc voulu voir dans la crise du CCG une aubaine pour une nouvelle « alliance régionale », tandis que d’autres se sont indignés d’un alignement saoudien sur Washington, voire Tel-Aviv.

Il serait pourtant erroné de penser que les Israéliens sont à l’origine de ces tensions, tant elles reposent sur de vieux contentieux qui ne demandaient qu’à être attisés. En dépit des déclarations incendiaires de Donald Trump à l’égard de l’Iran et du conseil adressé aux pays du Golfe pour chasser « les terroristes » de chez eux, Washington n’en est pas davantage l’instigateur. Le tandem saoudo-émirien semble s’être servi du revirement de la diplomatie américaine post-Obama pour violemment régler ses comptes au sein du CCG.

Rapprochements…

Parce que les perceptions jouent un rôle central au Moyen-Orient, Tel-Aviv capitalise déjà sur une crise qui intervient après plusieurs années de rapprochement israélo-golfien. Plus ou moins discrètes à dessein, ces relations sont d’ordre économique et géostratégique. Cela concerne, entre autres, les entreprises israéliennes de haute technologie et de cybersécurité, des échanges d’analyses et de renseignements (particulièrement sur l’Iran mais aujourd’hui plus largement sur la région), ou des rencontres discrètes dans les cercles de diplomatie informelle, comme en témoignent les courriels piratés de l’ambassadeur émirien à Washington).

Les EAU ont autorisé une représentation israélienne à Abu Dhabi en 2015 (via l’Agence internationale de l’énergie renouvelable) et participent à des exercices militaires communs, comme en Grèce en mars dernier. Du côté saoudien, plusieurs signes de rapprochement ont été consentis comme autant de ballons d’essai pour tester l’opinion publique ou donner des gages d’ouverture : échanges entre Dore Gold (ancien directeur général du ministère israélien des Affaires étrangères et artisan d’un rapprochement israélo-golfien) et l’ancien général saoudien Anwar Eshki (directeur d’un centre d’études à Djeddah) en juin 2015 au Council on Foreign Relations à Washington et lors d’une visite médiatisée de ce dernier à Jérusalem en juillet 2016 ; discussions entre le prince Turki al-Faisal (ancien chef des services de renseignements saoudiens) et Yaakov Amidror (ancien major général conseiller à la sécurité nationale de Benjamin Netanyahu) au Washington Institute, en mai 2016.

… Mais pas de normalisation

Rêvant d’intégrer un axe stratégique allant du Caire à Riyad, en passant par Tel-Aviv, Amman et Abu Dhabi, certains dirigeants israéliens se mettent à rêver d’une normalisation de leurs relations avec ceux qu’ils appellent « les pays sunnites modérés ».

En réalité, seuls les partenaires historiques mais affaiblis (Jordanie et Égypte) et les EAU et le Bahreïn, qui ne sont pas étrangers à l’infléchissement de la position saoudienne sur le sujet, soutiennent cette « alliance improbable ».

Israël a, en revanche, réussi à faire du président américain son meilleur porte-parole. Ce que Barack Obama avait refusé de faire, Donald Trump est en train de leur offrir : contrer la menace iranienne en négociant avec le CCG le soutien américain à la création d’une « OTAN arabe » en échange d’un rapprochement significatif avec Tel-Aviv (qui ferait partie de cette coalition). Sauf que cette proposition séduisante est plus compliquée qu’il n’y paraît.

Dans la relation triangulaire Tel-Aviv-Riyad-Washington, qui a le plus besoin de qui ? Qui est à la manœuvre ? La réponse est sans conteste Israël, dont le chef de gouvernement n’a d’autre objectif, depuis plusieurs années, que de normaliser ses relations avec les pays arabes sunnites et, faisant d’une pierre deux coups, de contrer l’Iran.

PAR ÉLISABETH MARTEU*,

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