Chemot: les Enfants d’Israël sont reconnus comme un Peuple.

Depuis déjà 3 péricopes, on ne les appelle plus les enfants de Jacob mais bien les enfants d’Israël de manière à modifier l’écart entre la dimension familiale et la dimension nationale. C’est aussi dès le début de shemoth que Pharaon s’exprime au sujet des descendants du troisième patriarche en disant : והנה עַם עצום ורב c’est-à-dire que dès ce moment les enfants d’Israël sont reconnus en tant que PEUPLE pour la première fois dans la Torah. Or qu’est-ce qu’un peuple ?

La définition d’un peuple est un ensemble, une entité de personnes qui vivent ensemble autour d’une même idéologie (ou croyance), sur un même territoire, obéissant à une même loi. Le peuple d’Israël se retrouvait autour de la même croyance en D. cependant ils étaient en terre étrangère bien qu’ayant eu le privilège de voir leur descendance fructifier comme les poissons de la mer (Joseph) et comme l’arbre dont les branches se ramifient à l’infini (Ephraïm et Menashé) et, c’est en recevant la Torah qu’ils devinrent le peuple JUIF eux ainsi que tous ceux qui étaient présents et acceptèrent le don de la Torah comme Tsiporah et Bithya (fille de Pharaon).

Cette péricope nous fait assister en 5 chapitres à un peu plus de 80 ans d’existence en Egypte avec ce qui se déroula avant la naissance de Moïse, les conditions de vie lors de sa naissance, puis, son enfance, son adolescence, son éveil et sa sensibilisation à la vie des « Hébreux », son exil « volontaire », son existence loin de ses « frères » puis la REVELATION et sa nomination « LIBERATEUR »…….

Le fait que la sidra commence par le mot VEELE (et voici) met en relief le fait que ceux qui sont nommés en début de livre font partie de ceux qui les ont précédés. Cependant, Il existe encore un lien entre l’époque présente où Yokhéved met au monde Moïse (elle avait à l’époque 130 ans), et l’époque où Joseph arriva en Egypte. Nous reviendrons ensuite sur les conditions de la naissance de Moïse nous dirons simplement que Bithya avait compris que Moïse était le fils d’Hébreux et elle insista donc pour que sa nourrice fût juive pour que Moïse ne soit nourri que par un lait juif. Cependant, de même que Joseph qui avait dix-sept ans lorsqu’il arriva en Egypte et qu’il vécut entouré de l’impureté égyptienne, Moïse grandit tout entouré de cette même impureté et lorsqu’il sortait du palais il voyait la pureté et la sainteté qui régnaient chez les Hébreux. Il prit alors conscience de la différence qui existait en dehors des murs princiers.

Le Midrash raconte de nombreux récits concernant la conception de Moïse sa naissance, sa sauvegarde et son esprit prophétique qui se dévoila très tôt. En effet, les arrêts de Pharaon concernant les naissances de mâles hébreux influencèrent les futurs parents de Moïse Amram et Yokhéved Lévy. Aharon et Myriam étaient déjà des jeunes gens et Amram et Myriam s’étaient séparés.

Myriam était prophétesse aussi reprocha-t-elle à ses parents de s’être séparés pour ne pas donner le jour à un garçon craignant que les émissaires de Pharaon ne le mette à mort mais, plaida-t-elle, en agissant de la sorte ses parents refusaient de donner le jour à une fille. Ainsi les parents cédèrent à la demande de Myriam et trois mois après leur union ils célébrèrent leur mariage publiquement. Lorsqu’elle accoucha la maison s’emplit de lumière ce qui permit à Yokhéved de comprendre que ce bébé qui lui naquit était destiné à une haute fonction elle pensa qu’il était le Moshiâ (le sauveur) c’est pourquoi le texte explique : כי-טוב הוא « qu’il était bien » c’est-à-dire qu’il ne pouvait voir que le bien nous explique la guemara Sanhédrine car, en effet, Yokhéved voulait s’assurer que son fils était le sauveur mais, en s’apercevant qu’il ne connaissait que le bien il ne pouvait pas remplir les fonctions de Mashiah car dans la guemara Sanhédrine il est écrit : אין בן דוד בא אלא בדור שכולו חייב או שכולו זכאי c’est-à-dire le fils de David ne viendra que dans une génération ou entièrement bonne ou entièrement mauvaise c’est la raison pour laquelle le Messie devra pouvoir savoir faire la différence entre le bien et le mal.

Que restait-il donc à Moïse ? s’il n’était plus question de la royauté (du Messie) restaient encore à envisager deux autres « couronnes » celle de la prêtrise et celle de la prophétie. La prêtrise étant vouée aux Léviim, restait la prophétie. Avant la fin des 3 mois de nourrice que Yokhéved avait eu soin de préserver en ne publiant son mariage que trois mois plus tard, elle avait ainsi pu nourrir son fils comme n’importe quelle autre mère.

Ajoutons que Moïse naquit circoncis, il était donc parfait et pudique depuis sa conception jusqu’à sa mort puisque personne ne soupçonna que Yokhéved réputée séparée de Amram avait conçu cet enfant, qu’aucun homme ne vit sa nudité même à l’occasion de sa brith mila, ni même pour sa mort où personne ne procéda à sa toilette (la dernière) et personne ne vit sa dépouille comme le précise le texte du Deutéronome dans une extraordinaire actualité permanente : « jusqu’à ce jour » עד היום הזה .

Cette sidra est longue et très importante puisqu’elle relate les balbutiements de ce jeune peuple et des premières épreuves infligées par ce roi qui ignorait les bienfaits apportés à l’Egypte sur laquelle Joseph « régna » pendant 80 ans ! Le nouveau roi se résolut à faire abstraction de tout ce que Joseph avait apporté à l’Egypte pour ne pas avoir à éprouver de la reconnaissance.

Pendant les 80 ans de fonction de Joseph, les générations se sont succédées et devant l’esclavage imposé, seule la promesse de la fin de l’exil incluse dans la promesse demandée par Joseph à ses frères (promesse de prendre ses ossements au moment de la sortie d’Egypte et donc à la fin de l’esclavage) était le point de lumière au bout du tunnel constitué de souffrances atroces imposées par ce souverain insensible.

De très nombreux midrashim viennent illustrer la petite enfance et la jeunesse de Moïse mais, sa prophétie commença vraiment à se dévoiler lorsqu’il tua l’Egyptien et la Torah nous dit qu’avant de le tuer, il regarda ça-et-là c’est-à-dire, qu’il examina par sa vision prophétique l’ascendance et la descendance de cet homme, n’y voyant aucun homme de valeur morale, c’est alors qu’il le tua. C’est en côtoyant ses frères, en sortant du palais royal qu’il prit conscience de son appartenance à ce peuple lourdement asservi.

Moïse prit la fuite. Il tourna le dos à la vie facile qui lui avait été offerte ainsi qu’aux tentations de la vie princière mais ses yeux s’étaient « dessillés » sur la vie de ses frères et quant à lui, sa vie était menacée. Il prit donc la fuite : (il fuit) בורח = 210. Or, lorsque Jacob et ses fils descendirent en Egypte, il était écrit : רדו (descendez) = 210, c’est-à-dire que nous possédons dans cette fuite une allusion que cet exil de 210 ans est en train de prendre fin ou que la fin de cet exil est amorcée par la fuite. Et voici que Moïse arrive à Midyane où Jéthro est prêtre.

Comme nous l’avons vu déjà lors de l’arrivée de Jacob chez Laban, Jacob eut affaire avec des brigands puis fit connaissance de Rahel au bord du puits et devint berger ici, le scénario se répète, Moïse arrive à Midyane, il fait connaissance de Tsipora auprès du puits. Puis une brebis s’égare et en pâtre soucieux, il va la chercher et prend soin d’elle. Son attitude naturelle va prouver s’il en était besoin qu’il est apte à s’occuper des brebis de l’Éternel que sont tous les membres du peuple. David lui aussi était berger et D. lui permit d’être roi car D. éprouve tout d’abord les êtres qu’Il veut choisir et juge leur comportement vis-à-vis des animaux, des bêtes car, en hébreu on les nomme des בעלי חיים ou dotés de vie, propriétaires d’une vie ou d’après l’étymologie latine : dotés d’une âme anima en partant du principe que celui qui se conduit bien avec des animaux se conduira encore mieux avec des hommes.

C’est dans le désert, région aride et invitant à la méditation que Moïse va être sollicité par l’Eternel. En effet, soudain, Moïse est attiré par une vision étrange qui l’intrigue le buisson ardent (סנה בוער) le midrash dit qu’il a eu une vision le visage d’un ange.

Nous allons assister ici à une transformation psychologique de l’être d’exception qu’était Moïse : il voit quelque chose d’irréel et il veut se rendre compte par lui-même de ce qui se passe devant ses yeux. Il se pose des questions qu’est-ce ? Pourquoi ? Cette interrogation qui se pose est en hébreu מדוע va donner une direction à toute cette scène qui va se dérouler devant nos yeux.

En inversant les lettres du mot מדוע nous trouvons le mot עומד c’est-à-dire quelqu’un qui se tient debout c’est-à-dire qu’en allant tenter de trouver une réponse à sa question, Moïse va se trouver debout sur un endroit saint mais pour y arriver il lui a fallu faire un détour à partir du chemin qu’il avait emprunté auparavant. D. l’a vu. Il a vu cette volonté de savoir de Son serviteur Moïse puisqu’il est écrit וירא ה’ כי סר D. a vu que Moïse s’est détourné de son chemin c’est-à-dire qu’il a vu cette volonté qui se fait jour en Moïse de savoir. Ceci va être une révélation pour Moïse.

Le serviteur va faire la connaissance de l’Être Suprême auquel il va dans sa simplicité et son humilité demander Son nom. Il ne sait pas encore que ce D. qui va dire au roi d’Egypte : די « c’est assez » est Lui-même appelé de ce nom E-L Shaday le D. qui a dit c’est suffisant. Et c’est ce D. qui est un Être que nul ne peut connaître, ne peut voir, ne peut comprendre ni saisir.

Ce D. qui a été avant le néant qui a tout créé et qui restera après que tout aura disparu. Moïse dont le nom en hébreu est משה et dont l’anagramme est tout simplement HASHEM le Nom, ce nom ineffable que personne ne sait plus prononcer parce que la sainteté a quitté ce monde pour ne revenir que lorsque le monde sera purifié et que nous pourrons nous rendre à nouveau au Temple (le troisième) où le Cohen Gadol pourra prononcer ce nom dans toutes les conditions.

L’effort que Moïse a fait en voulant savoir a été « payant » puisque D. a tendu la main à Moïse et va faire de lui Son serviteur celui par lequel l’exil va prendre fin, celui par lequel D. va élire domicile « au milieu » de Ses sujets : ושכנתי בתוכם Je résiderai parmi eux.

Encore quelques mots sur cette sidra gigantesque qu’est SHEMOT, elle est la première d’un cycle de 6 semaines nommées les « shovavim » ce nom étant formé des initiales des six semaines à venir : Shemoth, Vaera, Bo, Beshalah, Yitro, Mishpatim. Pendant ces 6 semaines, les Cabalistes enseignent la teshouva et certains pensent qu’il est bon au moins de faire un jeûne de la parole pour éviter de faire de la médisance. Les Hassidim également pensent que cette période est propice à la repentance et à l’adoption de nouveaux comportements spirituels de manière à élever notre âme davantage.

Les amateurs de poésies liturgiques profitent de chacune de ces six shabbatoth pour se réunir dans les synagogues la nuit, pour chanter ou psalmodier ces textes merveilleux.

Caroline Elishéva REBOUH

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