La paracha Bechalah est une paracha– clef dans l’histoire du peuple d’Israël puisqu’elle relate les suites immédiates de la Sortie d’Egypte au regard du pouvoir pharaonique– ou de ce qui en subsiste,  et déjà les premières épreuves de la Traversée du désert.

Car il semble bien que la dixième frappe, la mort des premiers nés ait eu raison de l’obstination du Roi d’Egypte, que sa volonté de puissance soit bel et bien brisée.

Pourtant, sitôt le dernier Hébreu passé, son « cœur se renverse », ses pulsions primitives le réinvestissent avec la violence des crues trop longtemps contenues et il décide d’aller se ressaisir  de cette masse humaine afin de la réduire à nouveau à la condition servile.

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Dans sa toute-sagesse, le Créateur l’avait entrevu et c’est la raison pour laquelle il fait emprunter au peuple un itinéraire qui ne favoriserait pas ses paniques éventuelles. Pourtant l’ultime passage à l’acte se produit.

Pharaon lance ses six cents chars de guerre à la poursuite du peuple. Il  refuse de toutes ses forces que le Principe pharaonique, avec l’esclavagisme qui en est l’épine dorsale, soient atteints mortellement.

D’autant qu’à ses yeux, ce peuple s’est de lui-même enfermé dans une nasse.

La position qu’il occupe depuis son départ constitue un véritable piège. Le voici pris entre le désert et la mer.

Le massacre s’annonce immense. Le peuple l’a perçu et, comme il fallait s’y attendre, s’en prend à Moïse.

D’un coup, comme un remugle d’égout, la mentalité servile s’exprime sous forme de véhémentes protestations: l’Egypte manquait elle de tombeaux que Moïse ait cru devoir mené le peuple dans le désert pour l’y faire massacrer!

Éclate l’anti-parole humaine, celle qui dénie le fait même de la délivrance et du nouvel état d’esprit qu’elle devrait entraîner: mieux vaut la servitude que la mort!

Mieux vaut la mort de l’âme et de l’esprit que celle du corps. Ce ne sera pas l’unique fois où une telle parole se fera entendre dans la suite de la traversée des mers  de sable et de pierraille.

16 Béchala'h

Moïse tente de calmer cette houle, de rassurer les esclaves-en-esprit et de dissuader leurs meneurs. Le Créateur n’abandonnera son peuple menacé d’extermination.

Il combattra pour lui. Cependant, Dieu le fait comprendre à Moïse: le temps n’est pas aux cris vers le ciel ni aux prières introverties. Il faut faire mouvement, prendre la première décision, s’engager résolument dans les eaux.

Elles livreront un passage compatible pour le seul peuple à pied et non pas pour une armée de chars lancés à fond de train. Et c’est ce qui advint. Encouragé par la tribu de Benjamin qui la première s’était avancée vers la masse liquide, le reste l’imite.

Commence l’angoissante traversée de la Mer Souf pour atteindre l’autre rive, celle dont il faut être sûr que l’armée égyptienne ne l’atteindra pas.

Au premier acte de courage qu’avait représenté l’acquisition des agneaux du sacrifice pascal en Egypte même, fait suite ce nouveau témoignage courageux: le peuple progresse au milieu des eaux, mais chemine sur des voies de terre ferme.

Tout sentiment de crainte paraît enfin l’avoir quitté. Vient le moment fatidique, celui que le Pharaon, plus chef de guerre que jamais, croit enfin venu, triomphal, pour se revancher des dix plaies qui ont brisées le verrou de servitude.

Imaginant que le piège s’est hermétiquement refermé sur les Hébreux il engage la bataille finale, l’extermination qui fera leçon pour les autres peuples sous la face de cieux.

Ce devint, en vérité, la bataille de trop. Engagé à son tour au milieu des eaux, sur les mêmes voies que celles empruntées par les anciens esclaves mais qui n’étaient pas destinées au roulement des chars, l’armée égyptienne est surprise jusqu’à la mort par le reflux sur elle des masses liquides.

Pas un seul poursuivant n’en réchappera. Et c’est lorsque le moindre des fugitifs voit sur le rivage de la mer agoniser ses bouchers qu’il comprend qu’une nouvelle histoire commence.

Elle sera inaugurée par un Cantique dont les termes sont repris chaque matin dans toutes les  synagogues du monde, jusqu’à aujourd’hui: La « Shira », le Cantique de la Délivrance, le premier hymne à la liberté conçu par la conscience humaine.

Et ce Cantique sera redoublé  par les voix des femmes, repris par Myriam la prophétesse, celle qui avait contribué par sa vigilance au sauvetage sur le Nil de ce frère qui à présent doit mener le peuple non plus hors de l’Egypte territoriale mais de l’Egypte mentale, celle qui s’est sédimentée durant près de trois siècles dans l’âme étrécie des Hébreux.

Ce frère, celui de Myriam et celui de tous les « sortants d’Egypte »( yotséi Mitsraïm), devra faire preuve d’une infinie patience et d’un amour sans limites pour conduire les ex-esclaves d’abord au lieu que le Créateur lui indiquera pour y recevoir sa Loi et y consacrer son Alliance, ensuite vers la terre promise aux Pères, cette terre « bonne et large » sur laquelle le peuple nouveau- né devra construire une civilisation de liberté et de responsabilité conjointes, un pays où prévaudra l’axiome des axiomes:  «  et tu aimeras ton prochain comme toi: Je suis l’Eternel ».

La tâche s’annonce écrasante, surhumaine. Presque trois siècles d’esclavage ont détruit les structures mentales des Hébreux.  Ils ne savent plus parler, compter, raconter.

Lorsque les besoins du corps deviennent lancinants, ils ne savent pas encore les  convertir en demandes et attendre que leur soit indiqué comment les satisfaire.

Leurs oreilles n’ont jamais entendu que les ordres sans réplique, jappés par les maîtres de corvée.

C’est dans ce langage-là qu’ils sont portés à s’exprimer à présent, qu’ils reproduisent. Ils ont soif? Qu’on leur apporte à boire! Ils ont faim? Qu’on leur serve les mets plantureux dont l’Egypte les a, comme chacun sait, gratifiés. Ils ont faim de viande hallucinée. Ils ont faim de pouvoir.

La thérapeutique consistera d’abord à les en gaver avant de recevoir la manne, la nourriture à la fois corporelle et spirituelle adéquate au mouvement d’ascension qui sera requis de leur être: l’ascension du Sinaï.

Car tel est l’objectif. Moïse et Aharon les en ont avertis: eux mêmes, par eux mêmes, que sont-ils (nah’nou mah)( 16, 8)! Un peuple dont le Pouvoir ne soit pas le principe fondamental de son existence est-il concevable ? Est-il viable?

Les premiers enseignements sont dispensés en ce sens mais la Traversée du désert ne fait que commencer.

Raphaël Draï zal, 8 janvier 2014

Ce cours est dédié à la Mémoire de henri Aaron SCHEMBA ben Esther

 

 

 

 

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Clement levy

emet may the GOOD LORD ALWAYS BLESS AND PROTECT AM YSRAEL AMEN