Le ministre de l’Economie a démissionné du gouvernement. Avant, jeune énarque, il a travaillé dans les bureaux feutrés d’une banque d’affaires. C’est dans cet établissement au cœur du pouvoir qu’il s’est acoquiné avec les patrons français.

On lui accordera le sens du timing. Emmanuel Macron devient banquier d’affaires en septembre 2008, dix jours seulement avant la chute de Lehman Brothers. Le jeune homme n’a alors que 30 ans et va gagner en quelques années seulement, malgré les soubresauts de la crise financière, son surnom de « Mozart de la finance ».

Macron fait partie de ces énarques satinés qui décrochent très vite de jolies fonctions dans le privé, plutôt que de poursuivre dans l’administration ou les cabinets ministériels. Après sa sortie de l’Ena (Ecole nationale d’administration), il a passé plusieurs années à « l’Inspection » (générale des Finances) tout en s’attirant les bonnes grâces de l’économiste Jacques Attali, qui le recommandera à François Henrot, le bras droit de David de Rothschild.

Macron intègre donc Rothschild & Cie qui est, avec sa concurrente Lazard, l’archétype de la banque d’affaires. On y rentre stagiaire avant de gravir les échelons, frayant à travers les PowerPoint, les tableaux Excel et les nuits qui n’en finissent plus dans des bureaux feutrés. « Analyst », « manager », « assistant director », puis « director », « managing director » et « partner ». Des années de travail pour accéder au Graal.

« Un des meilleurs »

Le jeune énarque saute allègrement quelques étapes du cursus honorum. En deux ans, Macron est catapulté associé-gérant de la banque familiale – la crème de la crème. A en croire ceux qui ont travaillé avec lui, cette ascension fulgurante était amplement justifiée par ses qualités. Joint par Rue89, François Henrot ne tarit plus d’éloges sur son ancienne recrue :

« Avec ce mélange, rarissime, surtout à un si jeune âge, de rapidité intellectuelle, de puissance de travail, de sûreté dans le jugement et de charme, il aurait été, s’il était resté dans le métier, un des meilleurs en France, sans doute même en Europe. »

Le charme fonctionne si bien que les quelques aigreurs provoquées par son arrivée soudaine sont vites oubliées. Macron progresse rapidement, n’hésite pas à questionner ses collègues sur certains outils financiers.

Le jeune homme va conseiller de grandes entreprises dans leurs opérations de fusions-acquisitions. Il lui faut maîtriser des connaissances – juridiques, comptables, financières et fiscales – qu’il n’a pas forcément. Mais il apprend.

« Le mimétisme sert de guide »

Dans la banque, la « fusacq » est considérée comme la voie royale des affaires. C’est de la haute voltige, qui demande de la réactivité, des réseaux et une grande tolérance à la caféine. Ce secteur cristallise tout l’imaginaire du business et de l’ambition. On y travaille tard pour des clients exigeants, sous la pression de montants importants. Il n’est pas rare qu’une opération fasse la une des journaux. Sur un gros coup, un jeune loup peut très vite sortir de l’anonymat.

Le but ? Dégager de nouveaux horizons et conclure les deals (dans le jargon, on parle « d’exécution » et ce n’est pas anodin) : vendre une filiale, fusionner avec une entreprise. Quand des emplois sont en jeu, on appelle ça des « doublons ».

L’abondance de chiffres façonne fatalement une vision particulière de l’entreprise. D’aucuns en feront un élément à charge contre le nouveau ministre de l’Economie, même si un manager, qui a travaillé avec Macron, tient à préciser que les banquiers s’intéressent aussi « aux hommes ».

Dans son passionnant livre-enquête « Rothschild, une banque au pouvoir » (éd. Albin Michel, 2012), Martine Orange cite Macron qui reconnaît lui-même que les analystes sont parfois aveuglés par leurs habitudes :

« Le métier de banquier d’affaires n’est pas très intellectuel. Le mimétisme du milieu sert de guide. »

Dossiers, stabilos et « beauty contest »

Pour ceux qui tiennent le coup, le quotidien est peuplé de dossiers et de stabilos. Un associé doit tout savoir sur les entreprises et les secteurs qu’il laboure. Il lui faut lire les revues spécialisées (Agefi, Merger market, etc.), préparer les réunions et s’assurer que les présentations sont étincelantes de clarté. L’essentiel étant d’entretenir la confiance avec ses clients.

Tout cela, les rescapés de la « fusacq » vous le racontent avec profusion d’anglicismes. En « M&A » (« mergers and acquisitions »), il y a les « beauty contest » (mini-appels d’offres passés par une entreprise à l’attention de diverses banques) et le démarchage de « mandats » (des opérations demandées par les clients). Mais chacun retrouve son plus beau français lorsqu’il s’agit de vanter la culture d’entreprise de Rothschild, réputée peu tapageuse et familiale.

Selon François Henrot, la structure collégiale imposerait de fait une certaine retenue :

« Dans une commandite simple comme la nôtre, une faute d’un associé peut engager la responsabilité solidaire et illimitée de tous… d’où l’importance du choix d’un nouvel associé. Pour Macron, la décision a été unanime, immédiate, évidente. »

Dans cet environnement, Macron, le jeune qui plaît aux vieux, rencontre sa première heure de gloire. Il décroche ses premiers « mandats » – le critère de réussite dans les affaires.

Après de multiples rencontres avec Peter Brabeck, le patron de Nestlé croisé à la commission Attali, le banquier parvient à piloter le rachat des laits infantiles de Pfizer. La baston avec Danone est dantesque. La transaction est évaluée à neuf milliards d’euros. Grâce à son coup, Macronva se mettre « à l’abri du besoin jusqu’à la fin de ses jours ». C’était en 2012.

Le futur ministre de l’Economie s’est également occupé de Presstalis, de Sofiprotéol et de la reprise de Siemens IT par Atos, dirigée par l’ancien ministre de l’Economie Thierry Breton. Il est à chaque fois « conseiller acquéreur ». Vers la fin de sa courte carrière de banquier, il s’intéresse particulièrement à l’agroalimentaire. Chez Rothschild, les associés-gérants n’ont pas de secteurs explicitement dédiés, mais chacun entretient ses clients et ses marottes.

Le secret, c’est le secret

Une partie de son temps est dédiée à « l’influence ». Ainsi, il conseille « bénévolement » la société des rédacteurs du Monde (SRM), lorsque le trio Bergé, Niel et Pigasse s’apprête à reprendre le quotidien (dont les propriétaires sont aujourd’hui les mêmes que Rue89). La SRM demande à repousser la date de dépôt des offres.

Matthieu Pigasse, de la banque Lazard, est persuadé que David de Rothschild – proche de Nicolas Sarkozy et d’Alain Minc (qui ne l’est pas ?) – essaie de lui faire des crocs-en-jambe. Macron dément, mais il reste soupçonné de favoriser Prisa, un groupe espagnol, qu’il conseillera un an plus tard lors d’une restructuration financière.

Macron s’est-il un jour planté ? Quelles sont les autres sociétés pour lesquelles il a travaillé ? « Le secret, c’est le secret. » Chez Rothschild, consigne a été donnée de ne pas bavarder. Au lendemain de la nomination d’Emmanuel Macron au ministère de l’Economie, les collaborateurs de la banque sont assaillis par les médias et s’en tiennent à l’image du jeune génie de la finance, du mec sympa.

En effet, le charme est essentiel. Dans son livre, la journaliste Martine Orange raconte la fureur d’Edouard de Rothschild, à la fin des années 80, quand il découvre dans la presse un mariage entre deux entreprises. Comment se fait-il que la banque ne soit pas au courant ? Les affaires doivent voir converger « tous les bruits, les projets, les rumeurs ». Des années plus tard, rien n’a changé.

Propre sur soi, à l’image de Macron, la banque Rothschild est aussi – bien qu’elle s’en défende – très liée au milieu politique, tout comme sa concurrente Lazard. Tissées par des études communes et des amitiés forgées dans les cercles du pouvoir, ces liaisons fructueuses en font parfois « des ministères bis de l’Industrie et de l’Economie. » Le nom de Rothschild a d’ailleurs longtemps charrié des images d’empire financier, ce qui poussera les socialistes à nationaliser la banque en 1982. La nomination de Macron au gouvernement n’en est que plus ironique.

« La banque du Président »

Lorsqu’il arrive chez Rothschild, Emmanuel Macron est déjà bien introduit. Il fréquente Jean-Pierre Jouyet, secrétaire général de l’Elysée qui a annoncé avec un sourire sa nomination au ministère, ou encore Jacques Attali (grâce à la commission du même nom). Mais François Henrot tient à préciser qu’il n’a pas recruté un « carnet d’adresses ». Si Emmanuel Macron connaît aujourd’hui les principaux patrons français, il a dû s’appuyer à l’époque sur la réputation de la banque pour s’ouvrir des portes.

Avant Emmanuel Macron, c’est François Pérol qui incarnera ces accointances politiques en devenant secrétaire général adjoint de l’Elysée, après avoir travaillé chez Rothschild.

L’entregent de Rothschild est démultiplié au point que le Nouvel observateur titrera « La banque du Président ».

On pourrait aussi citer Sébastien Proto (de la même promo de l’Ena que Macron), qui a été directeur de cabinet d’Eric Woerth, Nicolas Bazire, ancien directeur de cabinet d’Edouard Balladur, ou Grégoire Chertok, proche de Jean-François Copé. Nicolas Sarkozy gravitera aussi un temps dans le giron de la banque.

A chaque changement de gouvernement, Rothschild réussit donc à placer quelques collaborateurs dans les petits papiers du pouvoir. On appelle cela « se mettre au service ». Macron est un ancien, mais il perpétue la tradition. Et il a laissé de tellement bons souvenirs que les banquiers ne sont pas près de l’oublier.

La citation qui tue

Avant d’être nommé ministre, Emmanuel Macron a eu de jolies phrases :

  • « Aujourd’hui, je ne suis pas prêt à faire les concessions qu’imposent les partis, c’est-à-dire à m’excuser d’être un jeune mâle blanc diplômé, à m’excuser d’avoir passé des concours de la République qui sont ouverts à tout le monde. » (Rue Saint Guillaume, avril 2010)
  • « [Il faudrait] sortir de ce piège où l’accumulation des droits donnés aux travailleurs se transforme en autant de handicaps pour ceux qui ne travaillent pas. » (Le Point, août 2014)

Par Rémi Noyon Journaliste. – Rue 89

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CHARLES

PERSO ce que je puis voir étant plusieurs années à l’inspection générale des finances ,puis en banque et plus encore conseiller et Ministre …si avec tout ceci ce Macron là n’a pu rien apprendre en banque pour n’avoir aidé en quoi que ce soit la France en tant que Ministre ..je ne vois pas du tout ce qu’il ferait de plus en tant que Président de la République !. En effet, il a laissé se continuer les appels de lignes de crédits sur la plateforme  »d’achats » de Bercy au lieu d’orienter vers  » l’achat/Vente  » d’instruments financiers, qui aurait orienté la France non pas sur de la dette, mais du bénéfice !. En clair ce jeune loup aux dents longues , ferait car il ne peut ignorer, mais pour lui et ses copains , mais pas pour le Peuple ni pour en informer les Entreprises, car on le saurait , les entreprises Françaises seraient ce jour encore Françaises ….!.
En faisant lecture..vous allez vous poser la question  » mais de quoi il parle celui-là  »? … oui, vous avez des banques y compris Françaises émettant des BG ( Bank Gurantee) discountées, les Allemandes pratiquant à moins de 50% …ceci favorisant les Entreprises mais aussi l’investisseur revendant plus de 20% aux Fonds de pensions ayant le temps de récupérer le facial à terme échu et son intérêt !. Beaucoup d’autres instruments sont disponibles y compris des papiers dits historiques … Je ne vais pas m’étendre , mais lorsqu’on fait la grande distribution de l’argent du contribuable, si on ne le remet pas en service pour les cons-tribuant…mais aux Étrangers sur notre sol ou partout dans le monde via nos ambassades , au moins pratiquer  » donner sans donner, tout en donnant  » et concernant les cons-tribuables dont certains sont imprégnés type coco nous ayant cassé les noix pendant des générations d’ou le montré du doigt des riches et le même doigt grattant le carton ..pour un devenir ..riche , pouvons nous changer les choses en conservant nos riches lesquels paient pour les autres et faire revenir ceux partis …comment , c’est tout simple par une synergie  » vaut mieux un petit d’un grand, qu’un grand d’un petit » ..rien …et de racketter de la sorte les moyens et gros !. Je maintiens qu’en cinq ans il serait possible en même temps que de solder définitivement la dette, de libérer en suffisance les financements de gros travaux générateurs d’emplois, d’informer et aider les entreprises etc … avec ou sans l’Europe ( l’Europe devant écouter la France !) … Pour les banque et les riches c’est tout simple à comprendre vaut mieux être contre dans accolé que contre le pognon dont personne ce jour ne peut se passer !… Pas la peine d’être contre le riche qui fuit le racket , les paradis fiscaux , il faut simplement en faire de même d’autant qu’en Europe nous avons entre-autres le Luxembourg et en France Monaco en France … tout ceci se nomme la RÉCIPROCITÉ ne soyons pas  »dincons » de la farce ….. OUI il faut deux devises , mais aussi deux marchés ( partout ou l’on parle le Français depuis des générations ) .. la finance c’est aussi pour les autres , pour nos entreprises , la faible taxation c’est aussi pour les offshores , faut mettre dans la constitution une fiscalité globale identique à celle du Pays le moins fiscalisé …et même que l’État via Bercy s’oriente mieux …. devienne une place financière ( pas la même que les produits à risques type boursiers) ..mais la même que celle de UK, Suisse et Allemagne puis HKong et USA dont ces derniers ont tout compris , puisqu’ils travaillent avec nos banques, nos fonds et pas avec les leurs ….La seule Personne ayant la connaissance et plus que MACRON serait Christine Lagarde FMI , mais elle ne se présente pas ….mais est-ce qu’elle pratiquerait ce qu’elle sait pour aider son Pays ..j’en doute ..car le FMI est une institution de type  » je te tiens par la barbichette  » …demandez aux États Africains ne pouvant pas évoluer …
A croire que le  »système » est en connivence pour nous asservir , nous laisser sur le trottoir ….alors MACRON pour moi c’est un ROBOT téléguidé …!!.

Perrin Robert

Lorsque Macron a travaille chez Rotschild, on peut imaginer qu’il ait eu dès stock options en montant proportionnel à son image à l’intérieur de la banque , c’est à dire beaucoup. Lorsqu’il a quitté Rotschild , il a très probablement  » réalise » ses stock options donc touche beaucoup d’argent en plus de sa part variable et des nombreuses primes en lien avec les affaires qu’il traitait. Le régime dès stock options est complexe et pour une entreprise internationale il existe de nombreux moyens de  » contourner » la fiscalité qui s’applique sur ces stock options, la fiscalité qui s’applique à l’entreprise et celle qui s’applique au bénéficiaire. Je connais bien le sujet et la question est de savoir exactement les revenus de Macron à son départ de Rotschild et s’il a payé en France les impôts dus . Cette question est essentielle pour quelqu’un qui se définit comme un Monsieur Propre

gerardn

Le poison pour la classe politique française c’est l’ENA ,Macron est un énarque comme les autres et comme eux il est disqualifié

yehoudi

Allah ikhalihoum wa iahfadh 3ala 3morhom-Amine !
ça me revient comme une rengaine de chez ces maudits tunisiens
ftouh souhail je t’aurai tot ou tard

André

« A chaque changement de gouvernement, Rothschild réussit donc à placer quelques collaborateurs dans les petits papiers du pouvoir. »

Il ne faut pas non plus inverser les rôles. Avant d’être un collaborateur de Rothschild, Macron est d’abord et avant tout un énarque haut fonctionnaire de l’Etat. Autrement dit Macron n’est pas un banquier employé par l’État comme haut fonctionnaire mais l’inverse.

VINCENT

Je pense qu’il serait souhaitable que on définisse la fonction de président,avec ce qu’il faut de contacts et de savoir,ensuite cette liste est à proposer aux futurs candidats.
En second définir ce que l’on souhaite comme engagement de la part du candidat.
Le s électeurs choisiront,mais attention comme dans l’entreprise engagement pas tenu : dehors.
Macron,pourquoi-pas mais que propose-t-il ?
Lui comme d’autre sont à notre service et pas l’inverse.

Aaron

D apres moi ca peut faire un bon president mais mauvais premier ministre .
Sarko est as been total … Et les autres perdus juppé hollande etc au secours..
Marine le pen je doute de sa volonté réelle d etre presidente . D ailleurs meme si elle parait être peu frequentable pour une grande partie de la communauté je pense que des juifs devrait se mettre dans son parti car elle a des idees valables et risque de devenir incourtnable entre 2017 et 2022 vu la situation de la France et l atmosphere qui y règne.
A moins de zemmour se presente lol …

ALAIN

Si Hollande l’a été , tout le monde est capable d’être président
Bien sûr on en voit le résultat, une France à genoux et au bord de la guerre civile.

Paula Koiran

Je ne vote plus Sarkozy, ni Juppé, encore moins Fillon, la gauche n’en parlons pas je ne vote pas FN, donc autant donnet sa chance à du neuf, surtout qu’il à l’air très capable. Il ne reste que Macron.

Danielle

A vous de choisir ou Macron ou Le Pen ?
Car il ne reste plus rien à droite comme à gauche, avec le temps tout ne s’en va pas , au contraire, on se rend compte que se battre pour le peuple, c’est-à-dire pour la France, ç’est ringard !

David

La France a besoin d’ un bain de jouvence sinon elle s’ ecroule sous le poids des ages (avec ou sans accent sur le e)

David

Moi je dis banco !!! La France a besoin d’ un bain de jouvence….

Pamaribo

« …mais il brigue la Présidence, en est-il capable? »

Réponse: Pas moins ni plus que d’autres énarques, étant donné qu’il n’existe pas encore de formation à cette fonction; tous ceux qui y sont parvenus l’ont exercée avec plus ou moins de bonheur, et plutôt « moins » que « plus ».
Mais peut-être faudrait-il lui faire subir un examen ????

germon

Tout cela est bien beau mais il brigue la Présidence, en est-il capable ?