« Je suis inquiet. Les choses ont évolué. On se retrouve face à quelques individus qui sont méconnaissables. Et pourtant, nous essayons de donner à nos enfants une éducation positive…»
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Djamel Sekkak, solide quinquagénaire aux cheveux gris, reçoit dans son modeste bureau du faubourg Bonnefoy à Toulouse. Il a un sourire bienveillant. Il dirige une entreprise de pompes funèbres musulmanes. Beaucoup de paperasses, mais aussi beaucoup de chagrins, de douleurs, qu’il faut savoir adoucir.

En mars 2012, Djamel s’est retrouvé dans une situation terrible : il a été chargé d’organiser les obsèques de deux soldats assassinés par Mohammed Merah. Et c’est également à lui qu’on a fait appel pour les funérailles du tueur au scooter…

«Entre ces trois familles, j’ai vécu les journées les plus difficiles de toute ma vie.» Rien que d’y repenser, son visage se crispe. Et lorsqu’il constate que des jeunes veulent partir pour le jihad, il se désole : «Pourtant, l’Islam, c’est aussi une richesse pour la France ! Regardez, moi, je crée des emplois. Le halal, cela crée des emplois ! Mes enfants ont fait de bonnes études, et en France, les portes nous sont ouvertes !» Son ami, Mohamed Ben Ramdane Khemliche, président du Football Algérie-Toulouse affirme : «Nous nous voulons un corps sain dans un esprit sain. Le sport, c’est la sagesse, il faut éliminer les mauvais esprits.»

Jihad ? Guerre sainte ? Les musulmans de Toulouse, dans leur immense majorité, ne se reconnaissent absolument pas dans ces combattants fanatiques qui tentent de recruter leurs enfants – comme du reste, des enfants d’autres religions. Mais ils savent tous que l’extrémisme religieux est là, très près de chez eux. Et depuis longtemps.

Filières ariégeoises, toulousaines, tarnaises…

L’islam radical est arrivé à Toulouse à l’état embryonnaire il y a une vingtaine d’années. À l’époque, le Groupe islamique armé (GIA) terrorisait l’Algérie, et ses actions avaient largement débordé sur la France. En 2001, juste après les attentats du 11 septembre, à Toulouse, a lieu l’explosion de l’usine AZF. Un groupuscule islamiste toulousain est soupçonné brièvement, et ses membres sont interpellés près d’Agen. La preuve que déjà, la police avait à l’œil cette mouvance.

En 2007, c’est un coup de filet que la police va lancer chez les islamistes, soupçonnés de vouloir partir pour le jihad en Irak contre les Américains. Une dizaine de personnes est arrêtée. Dont des Toulousains et des Tarnais convertis à l’Islam. C’est la filière «ariégeoise», autour du «cheik» d’Artigat, Olivier Corel. Dans l’équipe, il y avait déjà Abdelkader Merah, frère de Mohammed… Beaucoup ont depuis disparu de la circulation. Peut-être morts entre Irak et Syrie. Mais, eux aussi, avaient été surveillés de près, lorsqu’ils prêchaient dans les mosquées ou quand ils vendaient sur les marchés des exemplaires du Coran et des petits bouquins prêchant une foi aveugle. Ceux sont eux qui ont, en partie «élevé» Mohammed Merah.

Aujourd’hui, il y a sans doute entre 50 et 100 salafistes à Toulouse. «Mais», explique Boris – source proche des milieux judiciaires –,«salafiste ne veut pas forcément dire jihadistes. Ce sont des fondamentalistes qui veulent vivre comme au temps du Prophète. Bien sûr, parmi eux, on peut trouver des personnalités violentes, que la misère sociale va radicaliser.» Un discours radical sur une personnalité psychopathique : voilà qui donne la bombe Merah.

A l’université

Les plus radicaux des islamistes peuvent se mêler aux musulmans modérés qui pratiquent leur culte à Toulouse, dans les quartiers d’Empalot, Bagatelle, les Izards. «Le quartier du Mirail est plutôt proche des Frères musulmans», estime Boris. Un islam réputé plutôt rigoriste. Chaque vendredi après-midi, le parking de Basso-Cambo se remplit. Les voitures débordent sur les ronds-points avoisinants. Des centaines de fidèles sont là pour la prière.

«Les «recruteurs» bougent beaucoup», constate Patrick, un collègue de Boris. «En France, tout d’abord. Ils sont étudiants à Lyon, puis à Paris, puis Toulouse. Ils sont présents dans les facultés. Ils font de la propagande. Ils ont toujours deux ou trois téléphones, sont prudents et méfiants. Les filles sont voilées de pied en cap. Les garçons eux, peuvent être en jean. Mais lorsqu’on discute avec eux, on voit qu’ils ont un discours radical. Ils sont aussi bien à la fac du Mirail qu’à Rangueil ou à l’Arsenal.»

«Certains profs ont été intimidés», observe Maria, une étudiante du Mirail. «Les salafistes n’aiment pas qu’on les dénonce comme des extrémistes. Mais ils ont quelque chose de sectaire.»

«Beaucoup se déplacent aussi à l’étranger, à la Mecque, à Médine, et puis en Égypte qui est le berceau des Frères musulmans», poursuit Boris. «Et on voit qu’ils peuvent avoir de solides moyens financiers derrière eux…» Certains propagandistes, qui touchent officiellement le RSA, disposent de belles villas dans les banlieues chics de Toulouse, avec de belles voitures… «D’où vient l’argent ? Sans doute des pays du Golfe !», soupire Patrick.

«On a aussi beaucoup dit que les intégristes bénéficiaient de l’argent de la drogue : pour moi, c’est une chimère», assure Boris. «Cela n’a jamais été prouvé, il n’y a jamais eu d’éléments matériels dans les enquêtes menées. En revanche, ce qui est une des caractéristiques du salafisme toulousain, c’est son infiltration au sein de bandes de délinquants. Beaucoup de conversions auraient lieu en prison : là encore, ce n’est pas forcément exact.»

«Car ces recruteurs ont souvent du charisme», estime Louis, éducateur dans une cité de Toulouse. «Et ils tiennent un discours qui plaît aux jeunes en galère : «Tu n’as jamais été accepté dans ce pays, pas même à l’école, et tu ne seras jamais accepté»… Ils jouent sur du velours. Et ils intimident les mamans plus modérées, en affirmant que ce sont eux, les bons musulmans.»

Intimidations ? Il y a quelques semaines, à Albi, un groupe de jeunes d’origine kurde (donc musulmans) a été interpellé par un autre groupe d’origine maghrébine. De toute évidence, tout le monde se connaissait : « Vous êtes des mécréants, des ennemis de Dieu. Vous avez tué des frères », ont-ils lancé à propos de ce qui se passait en Irak. «Ces garçons-là n’ont rien d’intégristes, j’en suis sûr», observe un témoin. «Mais, ce discours-là, ils ne l’ont pas inventé ! Est-ce qu’ils ont entendu de la bouche des intégristes ? Est-ce un discours entendu sur les réseaux sociaux ?»

Évidemment, à Albi, Toulouse ou ailleurs, toute une jeunesse est branchée sur Facebook ou d’autres réseaux sociaux, où s’échangent des idées dangereuses et des images ignobles. On se souvient que Merah avait été poursuivi pour avoir montré des scènes de décapitation à un jeune voisin de 15 ans, qui en avait été traumatisé. Mais effectivement, à Toulouse, il y a des hommes et des femmes qui n’ont rien de virtuel et qui peuvent ouvrir les portes des filières. Au mieux pour un embrigadement religieux rétrograde et sectaire. Au pire pour un engagement jihadiste ou terroriste.

Certains prénoms ont été changés.

2007-2014 : les mêmes…

Décembre 2006, à Hamah en Syrie, la police d’Hafez el-Assad arrête deux Français de 23 et 25 ans. Toulouse et Albi se trouvent loin du jihad et de la révolte des islamistes radicaux. Pourtant, ces deux garçons qui voulaient se battre en Irak contre les Américains ont grandi à Toulouse et Albi. Et si Sabri Essid et Thomas Barnouin, plus Miloud Chachou un autre Toulousain vraissemblablement mort en Irak, ont pu «faire le voyage», c’est grâce à l’aide de leurs «frères» de Toulouse et d’Artigat – du nom du petit village de l’Ariège où «l’émir blanc» Olivier Corel dispense ses prêches et sa connaissance du Coran à quelques initiés .

Février 2007. La sous-division anti-terroriste de la police judiciaire démonte la «filière d’Artigat». Des ramifactions vont jusqu’en Belgique, en Egypte et en Syrie. Parmi les suspects : Sabri Essid, Thomas Barnoin ou encore Imad Djebali. Ce dernier semble être considéré comme le leader du groupe. On retrouve déjà Abdelkader Merah, le frère de Mohammed et de Souad, qui sera inquiété par les investigations du juge anti-terroriste mais finalement pas poursuivi.

Juillet 2011. Sabri Essid sort de prison et rejoint Toulouse. «J’avais été approché par un de ses proches pour essayer de l’aider pour un boulot pour accélérer sa sortie», glisse un témoin. «Je me suis renseigné et j’ai vite compris qu’il était encore plus fanatisé que lorsqu’il est partie vers la Syrie.» Le père de Sabri Essid est une personnalité active du milieu salafiste, et il a épousé la mère de Mohammed Merah. C’est Sabri Essid qui, pendant la semaine qui a précédé le massacre de l’école Ozar Hatorah, a échangé plus de 60 conversations avec «le tueur au scooter» avant d’organiser ses obsèques. Sabri Essid a par ailleurs été vu en train de s’entraîner avec des membres de la filière des «Albigeois» dans un parc de la Reynerie à Toulouse fin 2013. Enfin Sabri Essid est parti en Syrie avec son jeune frère Wallid, mais également Thomas Barnoin, entre février et mars 2014.

Dominique Delpiroux et Jean Cohadon

Publié le 24/09/2014 à 07:32, Mis à jour le 25/09/2014 à 10:19

[ladepeche.fr

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[…] Cela a même démarré il y a 25 ans maintenant car c’est à cette époque que tout a commenc… : « En 1990, il n’y avait rien, ou presque. Une vieille bâtisse tout au plus. Le lieu dit Les Lanes était quasiment vierge. Puis, un groupe d’islamistes est venu. Après avoir un temps séjourné dans une ferme du village, ils ont acheté 62 hectares de terrain qu’ils se sont partagés. Venus de diverses régions deFrance, et pour la plupart des Français de souche convertis, ils vivaient en communauté, isolés, quasiment ignorés des gens du bourg d’Artigat. À leur apogée, ils étaient une dizaine de familles. Leurs enfants n’allaient pas à l’école, leurs parents se chargeaient eux-mêmes de leur dispenser des cours conformes à leurs principes religieux. L’inspection académique leur rendait visite de temps à autre. » relate la presse locale. Bref, on est en face d’un groupuscule à tendance religieuse, qui vit replié sur lui-même, exactement comme le fait une secte :  pour Thomas Barnouin, cela explique aussi sa facilité à être passé des Témoins de Jehovah à ce groupe islamiste. Barnouin sera tellement séduit par sa nouvelle religion qu’il s’inscrira même en en 2001 à  « l’Institut européen des sciences humaines de Château-Chinon », dans la Nièvre, qui forme des imams et des théologiens (il n’ira pas loin dans le cursus, pas assez « orthodoxe pour lui) !!! Une secte, donc. Avec tout ce que ça comporte : des bâtiments, des fidèles… et un gourou, surnommé « l’émir blanc » qui est… syrien d’origine, et se nomme Al-Dandachi mais qui se fait appeler Corel ou parfois Qorel (à gauche la photo de sa maison prise en 2007 par la Dépêche du Midi et ici plus récemment) ! Anecdotiquement, c’est à Artigat qu’a eu lieu au XVIeme siècle l’étrange histoire de Martin Guerre, devenue film à succès. Et déjà l’histoire d’un énorme mensonge ! […]

marman68

S’ils vont la-bas, et s’ils veulent revenir, pourquoi ne pas les faire repartir dans la foulée, puisqu’on sait, qui ils sont, ne les acceptons plus sur notre territoire
Mais là, c’est le gouvernement Français qui est COUPABLE, parce que c’est lui qui accepte de les faire à nouveau rentrer sur le téritoire.
Donc moi j’en déduit que le gouvernement Français est Coupable de beaucoup d’actes terroristes en France

marman68

Sachez que l’usine AZF, à à été détruite pour que le gaz, s’achète chez eux, parce que si un jour on achète plus leur gaz, et plus leur pétrole, il ne leur restera que le désert, et le sable à manger sur des tartines, ( et encore ) car pour les tartines il faut faire pousser du blé parce que sachez quand même que dans leurs pays désertique rien ne pousse

rahm

ils arrivent meme en tapis Volant , putain la france !!Armand tu sais la difference entre
1croissant et 1 HLM??zeb!y a plus de beurrs dans le HLM que dans le croissant,ba ba ba la france !mshet fy zebi domage que voulez vous avec les branquignols qui dirigent le pays.

marman68

Le vrai problème c’est que le gouvernement ne contrôle plus rien, car maintenant on ne dépend plus de la France, mais de la Communauté Européenne, et quand Hollande aura fait rentré la Turquie dans la communauté Européenne, ce seront les islamistes qui viendront directement s’installer en France, certainement pour mieux pouvoir nous égorger, et ça beaucoup d’entre nous le savent, dommage que monsieur hollande ne soit pas au courant.
la Turquie est un des berceau de l’islamisme, le saviez-vous ??? Et tous les islamistes passent par la Turquie
La Turquie : s’ils veulent enter dans la Communauté Européenne ( et par ce fait en France ) c’est pour mieux imposer l’islam en Europe ( et par ce fait en France ) et pour mieux faire rentrer les djihadistes en France tout le monde le sait : Il n’y a que François Hollande et son gouvernement qui ne soit pas au courant Dommage,
Qu’en pensez-vous ???

jacqueline

Aux dernières nouvelles, en Seine Saint Denis, il y en a aussi qui arrivent en camion réfrigéré.

Armand Maruani

{{La gangrène ronge la France de partout . Du Nord au Sud et d’Est en Ouest}} .

{{Ils arrivent par air , par mer , à pieds , à vélo , en sous marin , en cerf volant ( un voleur en cerf volant , c’est marrant ) , à dos d’âne et personne ne les voit entrer .}}

{{Comme jadis à Rome , j’espère que les oies du Capitole de Toulouse vont enfin nous alerter pour assurer une victoire définitive de nos gaulois sur l’ennemi sarazzin .}}

André

Voyons, chuuut ! il ne faut pas « stigmatiser » la communauté musulmane…

ari.valero

Oui, j’ai personnellement entendu un membre des services « spéciaux » dire que AZF était un acte terroriste islamiste !

jacqueline

Depuis l’explosion de l’usine AZF (par des djihadistes) qui n’a jamais été reconnue par la justice comme un attentat.

Mais pour beaucoup de toulousains c’est un attentat islamiste, comme les tours jumelles.

A Toulouse il se passe beaucoup de drames perpétués par des musulmans.

Est ce la plaque tournante où tout est dirigé ? L’ennui c’est que les politiques françaises n’ont jamais voulu lever le voile, et regarder la vérité en face.

Toulouse reste une ville voilée comme une musulmane.