Voici pourquoi, selon moi, il n’y a pas un pays appelé Palestine

Contribution extérieure

Publié le Mis à jour le

 

 

Par trois fois la création d’un Etat palestinien fut refusée, pas par Israël (sauf une fois). Une nouvelle fois, probablement, la création d’un Etat palestinien sera refusée par les organisations palestiniennes avant même de vérifier ce qui est négociable dans le plan américain.

Avant de dénoncer les uns ou les autres, il convient de revoir la complexité de l’histoire récente dans cette partie du monde. Une réponse à Bichara Khader.

Une opinion de Daniel Rodenstein, pneumologue aux cliniques Saint-Luc.

Quel que soient les conflits dans le vaste monde, la situation dans la zone israélo-palestinienne préoccupe nos sociétés. Mais beaucoup de gens ignorent ou ont oublié l’origine des conflits dans cette zone.

Quand finissait le XIXe siècle, ni la Palestine en tant qu’Etat ni Israël n’existaient sur la carte de la région dénommée Palestine.

Ces terres, comme quasi tout le Moyen Orient, faisaient partie de l’empire Ottoman depuis plusieurs siècles, et il ne passait par la tête de personne que cela pouvait, devait ou allait changer.

Le nationalisme était pourtant à l’œuvre en Europe. Contrairement au Serbes, aux Hongrois, ou au Tchèques, qui voulaient un état national dans leurs terres, les juifs n’avaient pas de terre à eux où ils auraient pu revendiquer un Etat.

Mais un petit nombre pris l’initiative d’émigrer en Palestine et de s’établir dans la terre de l’Ancien Testament. Sans être pour autant religieux.

Cette immigration s’ajouta à la population juive vivant déjà en Palestine, plutôt religieuse et concentrée dans des villes comme Jérusalem ou Hébron.

Après l’affaire Dreyfus, convaincus que la plupart des juifs ne pourraient pas vivre en paix en Europe, l’idée d’un refuge national en Israël s’est répandue, une organisation internationale fut créée et accoucha du mot « sionisme », le retour à Sion, la terre mythique ancestrale.

L’immigration en Palestine prit de l’ampleur avec la création des premières « colonies « d’inspiration socialiste, l’émergence d’un premier village, devenu ville juive, Tel Aviv.

Après la Première Guerre mondiale

Lors de la première guerre mondiale l’empire Ottoman, allié de l’Allemagne, se désintégra, vaincu par les alliés franco-britanniques et américains. Des protectorats (les mandats), avalisés par la nouvellement créée Société des Nations, furent établis sur les terres occidentales de l’Empire défait, la France recevant le Liban et la Syrie ; l’Angleterre la Palestine, la Jordanie, l’Irak.

C’est lors de cette guerre que Lord Balfour, ministre britannique des Affaires étrangères, annonça la volonté de son gouvernement d’établir un « foyer national » pour le peuple juif en Palestine. Avec cet espoir en tête, l’immigration juive en Palestine, provenant surtout de l’est de l’Europe, s’amplifia.

Des colons s’établirent sur des terres achetées avec l’aide de riches mécènes juifs et des organisations sionistes actives en Europe et aux Etats-Unis à des propriétaires palestiniens habitant au loin, en Egypte, au Liban ou en Turquie.

Des notables palestiniens ont perçu une menace dans cet état de fait, et des réactions violentes sont apparues (pogroms, grèves, révoltes) parmi la population arabe de Palestine sous mandat britannique.

Mais il n’y a pas eu du côté de ces dirigeants de vision d’ensemble, de transformation politique dans une organisation représentative, comme cela fut le cas chez les juifs installés en Palestine.

Après la Deuxième Guerre mondiale

Après la deuxième guerre mondiale, les puissances victorieuses se sont penchées sur le destin à accorder à ces territoires. Il fut décidé, à l’instar de la partition de l’Inde en deux états sur base confessionnelle (l’Inde majoritairement hindoue et le Pakistan musulman, ce dernier étant un nouveau pays) de proposer un partage de la Palestine en trois parties. Là où les juifs étaient majoritaires on établirait un Etat juif. Là où les arabes l’étaient on établirait un Etat palestinien. Jérusalem resterait sous contrôle international.

Ce plan fut voté par l’Assemblée générale des Nations Unies à la majorité de deux-tiers en novembre 1947. L’Organisation sioniste en Palestine en accepta tous les termes (ce qui veut dire, et cela vaut la peine de le souligner, que les dirigeants juifs ont cautionné la création d’un Etat palestinien).

Les notables palestiniens refusèrent. Les pays arabo-musulmans présents aux Nation Unies à l’époque, (Afghanistan, Arabie saoudite, Egypte, Iran, Irak, Liban, Pakistan, Syrie, Turquie, Yémen), unanimes, votèrent négativement.

La Belgique vota pour la partition, reconnaissant ainsi de facto, en même temps l’Etat d’Israël et l’Etat palestinien.

Premier refus de créer un Etat palestinien

Et pourtant, cet Etat ne vit pas le jour. Car il n’y avait personne pour en assumer l’existence. Il n’y avait pas d’organisation politiquement suffisamment représentative en Palestine arabe.

De plus, accepter d’assumer cet Etat sorti de rien signifiait en même temps accepter la création d’Israël, ce que personne en Palestine, ni dans les états arabo-musulmans alentour, n’était disposé à faire, ni à laisser faire.

Et sans omettre, malgré les nuances que des historiens ont apporté à cette notion, que l’entièreté du monde arabo-musulman prévoyait une existence éphémère du nouvel Etat juif, écrasé qu’il serait par les armées des pays voisins. Ainsi, l’Etat palestinien fut refusé une première fois, et ne vit pas le jour au moment même où il était le plus près de naître. Et ce refus ne venait pas d’Israël.

Deuxième refus de créer un Etat palestinien

L’Etat d’Israël proclamé, il fut aussitôt attaqué par des armées égyptienne, jordanienne, syrienne, irakienne et des miliciens libanais et palestiniens. Des mois plus tard un armistice général fut obtenu sous l’égide des Nations Unies. Israël avait grandi. Des terres promises à l’hypothétique Etat palestinien avaient été conquises par Israël, et ne seraient pas restituées, d’autant plus qu’aucun traité de paix ne fut signé à la fin de cette première guerre. Cependant, que sont devenus les territoires de Palestine que les armées israéliennes n’avaient pas conquises ? Est-ce qu’un Etat de Palestine, quoiqu’un peu réduit, fut établi ? Pas le moins du monde.

Les lignes d’armistice délimitaient un territoire en deçà du Jourdain, sous contrôle des armées jordaniennes, et un territoire à l’est du Sinaï, donnant sur la mer, contrôlé par l’armée égyptienne, la Cisjordanie et la bande de Gaza. Ni la Jordanie ni l’Egypte ni les notables palestiniens n’ont proposé d’y établir un Etat palestinien. C’eut été reconnaître un état de fait (l’existence d’un Etat d’Israël) que le monde arabo-musulman ne pouvait et ne voulait pas accepter. D’ailleurs, la Jordanie annexa purement et simplement la Cisjordanie peu après, l’Egypte se contentant d’administrer la bande de Gaza. Ainsi, l’Etat palestinien fut refusé une deuxième fois, par ceux-là même qu’auraient pu lui donner vie, et non pas par l’Etat d’Israël.

Troisième refus de créer un Etat palestinien

Des nouvelles guerres se sont succédé. Lors de la guerre des six jours, Israël conquit la Cisjordanie et Gaza, ainsi que les hauteurs du Golan et la péninsule du Sinaï. La politique « Les territoires contre la paix » trouva une application dans la signature du traité de paix entre l’Egypte et Israël, une guerre plus tard, qui entraîna la dévolution du Sinaï à l’Egypte (mais pas de la bande de Gaza, que l’Egypte ne réclama pas).

La Jordanie, quant à elle, renonça pour du bon à essayer de garder la Cisjordanie, et signa la paix avec Israël sans demander sa dévolution.

Pour la troisième fois, l’Etat palestinien fut refusé, cette fois par la volonté d’Israël, qui venait d’affronter et gagner une guerre et aussi par l’absence de souhait du reste du monde.

Alors qu’une institution politique palestinienne avec une légitimité avait cette fois vue le jour. Mais celle-ci ne voulait pas de compromis. Seul l’effacement d’Israël pouvait lui convenir.

A l’intransigeance palestinienne allait répondre une intransigeance croissante du côté israélien, jusqu’à nos jours.

Echange forcé de population

Juste un mot au sujet des réfugiés. Différents experts estiment qu’environ 700.000 à 800.000 palestiniens ont quitté la Palestine suite à la guerre de 1948, et se sont trouvés éparpillés en Jordanie, au Liban, en Egypte, en Syrie, en Irak. Seule la Jordanie les a intégrés, leur accordant la citoyenneté, et leur permettant d’émerger à une nouvelle vie. Des autres, la grande majorité vit encore dans des camps de réfugiés, dépendants de l’aide des Nations Unies, financée par le reste du monde.

Dans le même temps, de par le regain d’antisémitisme qui suivit la création d’Israël dans le monde arabo-musulman, 700.000 à 800.000 juifs (la quasi-totalité de ceux qui y résidaient, parfois depuis de millénaires) ont quitté leurs foyers. La plupart ont été accueillis en Israël, intégrés, et ont réussi à démarrer une nouvelle vie.

De ces échanges forcés de population, le monde en a connu beaucoup, et beaucoup plus importants, au cours du XXe siècle (Inde-Pakistan, Grèce-Turquie, Kosovo, populations allemandes en Europe centrale après 1945 etc.). Le cas israélo-palestinien n’est qu’un cas de plus, et pas des plus nombreux. Mais il est le seul où aucune solution n’a été offerte aux déplacés, côté palestinien, depuis 71 ans.

Plan de paix américain

Dans un nouvel épisode de cette saga apparaît maintenant un plan de paix américain. Une nouvelle fois, probablement, la création d’un Etat palestinien sera refusée par les organisations palestiniennes avant même de vérifier ce qui est négociable dans ce plan.

Depuis 1948, à chaque projet d’entente, la surface proposée aux Palestiniens rapetisse. A chaque refus, une nouvelle génération palestinienne est sacrifiée. Et le rêve de la destruction de l’Etat israélien s’effiloche. Il ne semble pas que ce sera différent cette fois-ci. La pétrification de la situation est intolérable pour quiconque souhaite le meilleur aux Palestiniens et aux Israéliens, comme à tous les hommes de bonne volonté.

Ces faits sont probablement inconnus de la plupart des ceux nés depuis 50 ans. Ils montrent la complexité de l’histoire récente dans cette partie du monde. Ils montrent que les responsables des situations actuelles ne sont pas toujours ceux à qui on pense, ou ceux qu’on dénonce. Si on ignore l’histoire, même récente, on ne peut pas comprendre les positions des uns et des autres. Et sans comprendre les sentiments, opinions et positions des uns ET des autres, on se trompe à l’heure de proposer des solutions, on ne contribue pas à résoudre des conflits, et on aide à perpétuer des situations inacceptables.

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KAHN Didier

Ce texte est précis et pertinent. Il permettra à chacun d’entre nous de contrer une propagande anti israélienne la plupart du temps infondée. Il y manque les conflits internes de type « Septembre noir » en Jordanie lorsque la population dite « réfugiée » pratiquait une action de déstabilisation politique du pouvoir hachémite en place. Un détail cependant, en temps qu’universitaire, il serait souhaitable d’appuyer ces faits historiques sur des ouvrages, statistiques ou articles universitaires.