Pourquoi Vladimir Poutine agite la menace de l’arme nucléaire face à la guerre en Ukraine

Coup de bluff, escalade dangereuse… Qu’en est-il réellement de la menace nucléaire brandie par le président russe?

RUSSIE – Valdimir Poutine envisage-t-il d’employer l’arme nucléaire dans la guerre en Ukraine? L’escalade ultime semble assez éloignée de la réalité du conflit mais ses menaces s’inscrivent dans la logique d’escalade récente du président russe.

Selon les analystes et experts occidentaux consultés ce dimanche 27 février par l’AFP, ses déclarations sur la mise en alerte de la dissuasion nucléaire russe relèvent d’un bluff, d’un jeu dangereux et d’une fuite en avant qui montrent la frustration de Vladimir Poutine face à la résistance militaire ukrainienne.

Vraie fausse menace

Le président russe a déclaré avoir ordonné de “mettre les forces de dissuasion de l’armée russe en régime spécial d’alerte au combat”, déclenchant les plus vives protestations occidentales.

Mais les experts soulignent qu’une partie des armes nucléaires, en Russie comme au sein de l’Otan, sont de facto prêtes à l’usage en permanence.

“Elles peuvent être déclenchées dans les dix minutes”, explique à l’AFP Marc Finaud, expert en prolifération au Centre Politique de Sécurité de Genève (GCSP). “Soit ce sont des ogives déjà fixées sur des missiles, soit ce sont des bombes déjà à bord” des bombardiers et sous-marins.

Dans un article publié récemment dans le Bulletin of the Atomic Scientists, les experts Hans Kristensen et Matt Korda affirment de leur côté que près de 1600 têtes nucléaires sont déployées et prêtes à l’usage.

“Dès lors que les forces stratégiques russes sont toujours en alerte, la vraie question est de savoir s’il a déployé plus de sous-marins ou armé les bombardiers”, estimait ce dimanche sur Twitter Hans Kristensen.

Sur le plan offensif, les forces russes sont équipées de missiles, de bombardiers stratégiques, de sous-marins et de navires de surface; sur le plan défensif, elles possèdent un bouclier antimissile, des systèmes de contrôle spatiaux, de défense antiaérienne et antisatellite, liste Francetvinfo.fr.

Par ailleurs, selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm, l’armée russe disposait de 6375 armes nucléaires en 2019, contre 5800 pour les États-Unis, 320 pour la Chine ou 290 pour la France.

Surenchère

Les analystes évoquent en revanche à l’unisson une fuite en avant face à la situation militaire.

“Il y a une frustration russe face à la résistance ukrainienne”, estime ainsi David Khalfa, chercheur à la Fondation Jean Jaurès à Paris. À terme, le danger pour elle est d’entrer non plus dans un affrontement de haute intensité “mais dans une logique de guérilla urbaine, avec une grande probabilité de victimes côté soldats russes”.

Eliot A. Cohen, expert au Centre pour les études stratégiques et internationales (CSIS) à Washington, estime lui aussi que la résistance rencontrée par Moscou n’avait pas été suffisamment anticipée.

“Le fait qu’ils n’aient pas la supériorité aérienne est assez révélateur”, explique-t-il à l’AFP. “On commence à voir la faiblesse sur le champ de bataille”, ajoute-t-il, relevant aussi “qu’ils n’ont pas été capables d’occuper une ville et de la tenir”.

Même son de cloche chez les pays occidentaux. “Nous observons qu’ils sont confrontés à des problèmes logistiques”, notamment en matière de ravitaillement en carburant, a ainsi déclaré ce dimanche un responsable américain ayant requis l’anonymat.

“Je pense que c’est une distraction de la réalité de ce qui se passe en Ukraine”, a de son côté affirmé Boris Johnson. “C’est un peuple innocent qui fait face à une agression totalement non provoquée, et ce qui se passe vraiment, c’est qu’ils se défendent peut-être avec plus d’effet, plus de résistance, que ce que s’imaginait le Kremlin”, a-t-il ajouté, évoquant des “difficultés logistiques” rencontrées par les forces russes. Boris Johnson a estimé que l’invasion était une “entreprise désastreuse mal conçue par le président Poutine”, disant ne pas douter qu’elle finirait par échouer”.

La mise en alerte de la force nucléaire russe par Vladimir Poutine témoigne du fait que son offensive en Ukraine ne se passe pas aussi bien qu’escompté, a elle estimé la ministre allemande de la Défense.

Objectif politique du discours

Dans ce contexte, et alors que les aides et dons occidentaux affluent vers l’Ukraine, les propos de Poutine apparaissent comme une volonté de saper la solidarité de ses adversaires.

Poutine “est une sorte de joueur, quelqu’un qui prend des risques. Il essaye de nous éprouver psychologiquement”, assure Eliot Cohen.

“L’aspect psychologique est capital”, confirme David Khalfa, soulignant la tentative de Poutine de “dissuader les Occidentaux d’aller plus loin dans les sanctions économiques” qui pleuvent sur Moscou depuis quelques jours.

Selon le chercheur, “tout le monde se rallie derrière le drapeau ukrainien et il y a cette volonté d’enfoncer un coin entre les gouvernements de l’alliance et les opinions publiques occidentales”.

Mais, ajoute-t-il, “de l’avis de tous ceux qui ont rencontré Poutine, il s’est isolé, enfermé dans une logique paranoïaque. C’est un peu inquiétant, il est impossible de lire sa stratégie”.

Principe de dissuasion russe

Les véritables intentions du chef de l’État russe sont d’autant plus illisibles que ces déclarations contredisent la théorie officielle de la dissuasion russe.

En juin 2020, rappellent Hans Kristensen et Matt Korda, Poutine en avait approuvé les “principes de base”, avec quatre cas justifiant l’usage du feu nucléaire: des tirs de missiles balistiques contre la Russie ou un allié, l’usage d’une arme nucléaire par un adversaire, une attaque contre un site d’armement nucléaire russe, ou une agression mettant en jeu “l’existence même de l’État”. Rien de tel ne se produit aujourd’hui.

Quant à son positionnement international, la Russie avait signé en janvier, avec les quatre autres membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU (États-Unis, Chine, France et Grande-Bretagne) un document reconnaissant qu’“une guerre nucléaire ne pouvait être gagnée” et martelant que ces armes “tant qu’elles existent, doivent servir à des fins défensives, de dissuasion et de prévention de la guerre”.

Les propos de Poutine témoignent de “l’ambiguïté, sinon l’hypocrisie de ce type de déclarations”, regrette Marc Finaud. “Si on applique la doctrine, on va massivement vers le désarmement. Or on voit que peu de choses ont été faites dans cette direction”.

Même si l’apocalypse est tout sauf écrite en Ukraine, “le risque existe toujours d’un dérapage, d’une mauvaise interprétation”, voire d’une manipulation”, rappelle l’expert. Et ce “risque aujourd’hui est très élevé”.

Le HuffPost avec AFP

SPUTNIK PHOTO AGENCY VIA REUTERS Vladimir Poutine, ici à Moscou en Russie, le 27 février 2022.

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Bonaparte

Poutine devrait laisser passer la main à un homme qui aurait l’envergure d’un Talleyrand et s’inspirer du congrés de Vienne .
Seule la négociation mettrait un terme à cette guerre où il n’y aurait pas de gagnants .
Quoique l’on dise la Russie est une grande puissance et les russes un grand peuple .
Nous avons besoin de la Russie car jusqu’à nouvel ordre l’UE est le vassal des EU .
La paix ne peut passer que par la neutralité de l’Ukraine ce que réclamait Poutine .
Il n’y a pas que l’Ukraine….et si la Finlande souhaitait adhérer à l’OTAN ?

Bonaparte

Poutine est égal à lui même .
Il ne souhaite qu’une seule chose : la neutralité et la démilitarisation de l’Ukraine .
Ce qu’il n’a cessé de réclamer………en retour on l’a humilié .
On n’humilie pas Poutine qui représente un grand Peuple malgré tout .

Yes

Il me semble que M. Poutine est très malade et sous traitement lourd. Cela modifie sa façon de penser et d’agir. Autant nous l’avons connu stratège et malin (même si on n’est pas d’accord avec lui), autant ses choix d’aujourd’hui deviennent étranges et incompréhensibles. C’est une fin de règne dramatique et assassine.