ANALYSE – L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis pourrait avoir des conséquences indirectes sur l’économie d’Israël.

La victoire de Donald Trump pourrait modifier en profondeur la donne économique mondiale. Sa politique économique sera à l’opposé de l’interventionniste de son prédécesseur : il prône un libéralisme total qui rappelle les années Reagan et de protectionnisme. Sa stratégie économique, qui sera axée principalement sur l’isolationnisme et la baisse d’impôts, aura des retombées non seulement sur l’économie américaine mais aussi sur ses partenaires commerciaux.

Comme dans toute politique économique, le Trumpisme aura des effets contradictoires. D’un côté, le protectionnisme commercial freinera les échanges internationaux alors que la baisse des impôts creusera les déficits et accélèrera la récession. En revanche, la baisse des impôts sur les sociétés pourrait favoriser les investissements et donc créer des emplois. Autrement dit, l’économie américaine entrera dans une période d’incertitude et de turbulences.

Et quelles seront les conséquences de la nouvelle stratégie américaine pour l’économie d’Israël ? Malgré le flou qui persiste sur la « Trump économie », il est possible de dégager les grands dossiers économiques qui auront un impact (positif et négatif) pour Israël.

BAISSE DES IMPÔTS

Trump prône un libéralisme total dans les affaires ; il a promis abaisser le taux d’impôt sur le revenu de 39% à 25%, alors que l’impôt sur les sociétés serait ramené de 35 à 15%. Vue d’Israël, la baisse de la fiscalité américaine devrait accélérer la délocalisation de sociétés (start-up notamment) aux États-Unis : elles y jouiraient d’une fiscalité plus avantageuse qu’en Israël. Une bonne chose pour l’économie américaine, mais une fuite éventuelle de capitaux et de cerveaux pour Israël.

L’objectif de la baisse d’impôt est notamment de doper le revenu des Américains et d’améliorer leur pouvoir d’achat. Ce qui pourrait se traduire par une hausse significative des importations, puisque les États-Unis dépendent, pour une bonne partie, des approvisionnements en provenance du reste du monde. Le secteur manufacturier en Israël pourrait en profiter pour trouver de nouveaux débouchés sur le marché américain.

PROTECTIONNISME COMMERCIAL

Partisan du libéralisme, Trump se définit comme un partisan de la libre-circulation des marchandises ; or, son discours est contradictoire puisqu’il n’aime pas certains accords de libre-échange que son pays a signés. Le candidat Trump a souvent défendu la protection des produits américains, notamment face aux importations chinoises.

Trump pourrait dénoncer des traités existants et même la participation des États-Unis à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Il n’a pas hésité non plus à affirmer qu’il renégociera certains accords commerciaux, sans préciser lesquels. Israël aussi est lié aux États-Unis par un accord de libre-échange qui date de 1985 : sera-t-il remis en cause par Trump ? Mystère.

Résultat : le programme économique et les déclarations de Donald Trump contiennent des mesures protectionnistes et isolationnistes qui ont le potentiel de nuire à l’économie américaine. Et ses partenaires commerciaux aussi en souffriraient, notamment les pays qui vendent leurs marchandises aux États-Unis. C’est le cas d’Israël : en 2015, les États-Unis ont absorbé des marchandises israéliennes pour un montant de 20 milliards de dollars, soit 30% des exportations israéliennes.

MOINS D’OBSTACLES AU BUSINESS

Défenseur de la libre entreprise, Trump mènera une politique de levée des obstacles au business ; il simplifiera la législation et la bureaucratie qui entravent l’initiative privée. Il remettra en cause des accords trop contraignants : par exemple, il s’est prononcé pour l’abandon des objectifs-carbone prévus par l’accord de Paris sur le climat. De même, la baisse annoncée des dépenses publiques (Obamacare compris) s’inscrit dans le cadre du retrait de l’État de la vie économique et sociale et de la privatisation des services publics.

Pour les entreprises israéliennes, l’avantage est certain : il sera encore plus facile de développer un business dans l’Amérique de Trump que d’Obama. Dans son dernier rapport annuel « Ease of Doing Business » la Banque mondiale a reculé Israël de trois places pour occuper la 52e position, et cela en raison des sévères règlementations pour créer et développer une entreprise. Les États-Unis sont toujours classés au 8e rang, et leur classement pourrait s’améliorer sous l’administration Trump.

RELÈVEMENT DES TAUX D’INTÉRÊT

Le président élu devra affronter un lourd défi dans le domaine de la finance : celui de la remontée des taux d’intérêt. Trump a souvent regretté que la Fed maintienne des taux bas pour soutenir artificiellement l’activité et pour favoriser la politique interventionniste de l’administration Obama. Pour certains observateurs, la politique monétaire de Trump contribuera même à rallumer la guerre des devises.

En Israël, l’élection de Trump va d’abord accroître l’incertitude financière : le shekel se renforcera face au dollar, obligeant la Banque d’Israël à intervenir plus fortement. Mais après les hésitations des premiers jours, les investisseurs ont repris confiance. À Tel Aviv, la bourse est repartie à la hausse : les actions et obligations ont retrouvé la préférence des spéculateurs qui préfèrent attendre avant de s’engager davantage sur le marché de devises.

AIDE MILITAIRE GARANTIE

En septembre dernier, l’Administration Obama a conclu avec Israël un nouvel accord d’assistance militaire pour les dix années à venir (2019-2028). Israël recevra des États-Unis une aide militaire d’un montant de 3,8 milliards de dollars par an pendant dix ans. C’est plus que l’assistance annuelle de 3 milliards de dollars en vertu du programme actuel.

Donald Trump a déjà confirmé qu’il ne modifiera pas l’accord déjà conclu. Non seulement il ne demandera pas à réduire l’aide à Israël, mais Trump pourrait aussi agir pour supprimer les entraves à la coopération militaire et technologique qu’Obama avait imposées à Israël.

EFFETS INDIRECTS ET À LONG TERME

Une conclusion s’impose : la « Trump économie » sera favorable aux affaires, à la bourse et aux riches ; elle sera néfaste pour la protection sociale, pour les travailleurs et pour les pauvres. Pour Israël, les effets seront contradictoires, indirectes et à long terme. Le principal risque est celui du repli sur soi des États-Unis, ce qui pourrait réduire les échanges commerciaux entre les deux pays.

De même, si la politique des Etats-Unis conduit à un ralentissement de l’économie mondiale, Israël en sera aussi affecté. Et si les Israéliens seront tentés d’augmenter leurs investissements aux États-Unis pour profiter d’une fiscalité et d’une dérégulation plus accueillantes, ce sera autant de perdu pour l’économie israélienne.

Jacques Bendelac (Jérusalem) – israel valley

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