Trémentines. En souvenir du Dr Seidner, au nom du devoir de mémoire

Une plaque commémorative sera dédiée à ce médecin, arrivé dans la commune en 1934. Juif originaire d’Europe de l’Est et naturalisé français, il avait dû fuir en 1942, avant de revenir exercer à la Libération, jusqu’en 1955. Récit.

 

 

 

« Au début, j’ai beaucoup de mal à convaincre mes patients du fait que je suis médecin et que j’ai tous mes diplômes. Parce que je suis juif et que, dans les campagnes de l’ouest français, on se méfie. Des clients méfiants se cachent pour venir me voir, d’autres viennent à la nuit tombée. »

Voilà ce qu’écrit dans ses mémoires le docteur Ladislas Seidner, auquel la commune rendra hommage, samedi 9 novembre. « Et, peu à peu, je gagne la confiance des gens », poursuit-il plus loin.

En 1935, le Dr Seidner avec son véhicule acheté pour faire sa tournée de médecin de campagne. | DR

 

Pourquoi ce médecin oublié resurgit-il aujourd’hui ? Son histoire s’est révélée au cours de recherches menées à l’occasion des Journées européennes du patrimoine.

Martin Lebrequier a compulsé des ouvrages, croisé des travaux, articles et archives.

Rencontre avec Suzanne au restaurant

Ladislas Seidner est né le 13 mai 1905 à Czernowitz (aujourd’hui Tchernivtsi en Ukraine), capitale de la Bucovine austro-hongroise à l’époque. Sa terre natale est devenue successivement roumaine, russe, moldave et ukrainienne. Une vie ballottée par les modifications de frontières et la montée de l’antisémitisme.

En septembre 1927, il émigre en France où il poursuit des études de médecine amorcées à Vienne. Diplômé en 1933. Il débute sa carrière à Trémentines, en mars 1934.

« Je prends la clientèle d’un collègue et son logement dans le bourg pour une bouchée de pain, mais je n’ai pas assez d’argent pour m’acheter une voiture. C’est pourtant indispensable pour faire mes tournées en campagne. »

La petite histoire raconte qu’il déjeune tous les jours à l’hôtel-restaurant Bureau du village. Parce que « les repas préparés par ma bonne sont immangeables. Et puis, ça me permet de voir du monde ».

Il y rencontre sa future femme, Suzanne Nivet, alors institutrice à l’école maternelle publique. « Son ouverture d’esprit me séduit. Suzanne n’est pas juive, épouser un Juif ne la gêne pas. »

Ils se marient le 13 juillet 1935, et s’installent dans l’une des grandes maisons de la rue – aujourd’hui du Général-de-Gaulle – en descendant vers le vieux pont.

Ladislas est naturalisé français en 1937.

« Parce que je suis juif »

Le couple file le parfait bonheur, mais lui sait que cela ne durera pas. « Par la presse allemande, je sais que la menace se rapproche, malgré le discours du gouvernement français qui se veut rassurant. Alors, avec Suzanne, nous vivons intensément, comme si tout devait finir demain. Parce que je suis juif. »

La guerre éclate. Mobilisé en septembre 1939, prisonnier en juin 1940, le Dr Seidner est renvoyé à Trémentines en octobre de la même année. Fin 1940, le préfet rappelle aux Israélites l’obligation d’être inscrits sur un registre spécial. Ladislas se fait alors recenser.

En 1941, un décret limite à 2 % le nombre de médecins juifs en Maine-et-Loire. Le docteur continue toutefois d’exercer. En 1942, il va retirer son étoile jaune. Les courriers préfectoraux au maire de Trémentines évoquent aussi l’obligation pour le médecin de venir remettre en mairie son récepteur radio.

La fuite du « seul survivant de sa famille »

Le 18 juillet 1942, le couple franchit la ligne de démarcation. Les traques seront incessantes jusqu’à la fin de la guerre. « Il fut le seul survivant de sa famille juive », raconte, ému, son fils Michel.

À la Libération, en 1945, Ladislas revient exercer à Trémentines, où Suzanne est directrice de l’école publique.

En 1955, ils quittent Trémentines avec leurs deux enfants, François et Michel, et choisissent de travailler et vivre à la Maison radieuse de l’architecte Le Corbusier, à Rezé (Loire-Atlantique). Suzanne enseigne alors à l’école maternelle construite sur le toit.

Décès en 1988, sur la Côte d’Azur

Ici, on se souvient d’un médecin de campagne apprécié qui faisait tout, intervenant aussi sur les accidents de la voie publique.

« En février 1955, il a fait son dernier accouchement », se souvient Michèle Dorbeau, dont les grands-parents tenaient le fameux restaurant de la rencontre avec Suzanne.

Ladislas Seidner décède le 24 décembre 1988, dans les Alpes-Maritimes.

Samedi 9 novembre, à 11 h, à la maison de santé, rue Maurice-Ravel, inauguration du panneau Histoire et patrimoine conçu en l’honneur du Dr Seidner, dont neuf descendants venus de toute la France seront présents.

Une exposition sera installée dans le hall de la maison de santé, du 9 au 30 novembre.

Trémentines. En souvenir du Dr Seidner, au nom du devoir de mémoire

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