Toulouse. Le journal de Marise entre au Mémorial de la Shoah

Le journal intime de la Toulousaine Marise Crémieux-Hurstel entre au Mémorial de la Shoah à Paris. Adolescente juive se cachant des «boches» sous l’Occupation, à l’image d’Anne Frank, elle a tout noté sur un carnet désormais objet de mémoire.

Parfois, certains journaux intimes, voués à rester en famille, ont un destin qui touche à l’universalité, à la mémoire, en l’occurrence celle des victimes de la Shoah. Marise Crémieux-Hurstel, Toulousaine d’adoption âgée aujourd’hui de 89 ans, n’aurait jamais imaginé que son journal intime – écrit entre 1943 et 1949 par cette enfant juive âgée de 15 ans et contrainte de se cacher des nazis – entre avec les honneurs dans la collection du Mémorial de la Shoah à Paris.

Mardi soir, elle a été accueillie au conseil départemental de Haute-Garonne par son président, Georges Méric, où elle a remis en main propre son manuscrit original au directeur du Mémorial. L’avocat-historien chasseur de nazis Serge Klarsfeld, venu donner une conférence, a salué cette initiative qui n’a pas eu l’air d’impressionner outre mesure Marise Crémieux-Hurstel, grand-mère et arrière-grand-mère comblée à l’humour pince-sans-rire.

«Je rigole quand je vois que c’est devenu un livre, confie-t-elle. Je commence tout juste à admettre que mon témoignage soit diffusé. Je l’ai écrit naturellement pour mes enfants et mes petits enfants».

Le passage du journal intime à la publication s’est fait grâce à l’entremise de la belle-fille de Marise, Nicole Zimermann, qui vit à Toulouse, retraitée et ex-journaliste à France 3. Elle est aussi l’auteur d’ouvrages chez Privat – Quai des oranges (2005) et Artemoff, le dernier centaure (2009) – et a pris elle-même l’initiative d’extirper du domaine familial le journal de sa belle-mère.

«La première fois, raconte Nicole Zimermann, j’ai fait faire quelques exemplaires pour l’offrir à Noël à Marise. Mais je me suis vite rendu compte que son témoignage pouvait toucher plus de gens que notre famille. Marise est très pudique, elle ne parlait jamais de cette période en famille, peut-être davantage avec son mari Claude, dont les parents avaient également été déportés.»

Bien sûr, on pense inévitablement au journal d’Anne Frank en parcourant les pages de «Journal d’une adolescente juive sous l’Occupation», publié en novembre 2015 par les éditions Privat. Sauf que, dès les premières lignes le ton de la malice est donné : «Journal d’une égoïste née en 1927 à Jemmapes (Algérie) pour les boches et, en vérité, à Paris, dont le nom est Camus pour les boches et Crémieux en réalité…» Quand elle commence à écrire sous l’Occupation, Marise a quinze ans, elle se cache sous un faux nom. Elle n’a alors qu’une vague idée de ce que représente la déportation des juifs en 1943, mais une petite voix intérieure lui susurre qu’il vaut mieux y réchapper. Ces pages écrites quotidiennement, ponctuées de croquis, finissent par en dire beaucoup sur le quotidien de cette adolescente, privée de son père arrêté à Marseille, qui découvre «la peur d’être découverte qui hante ses nuits», ses premiers émois sentimentaux.

Marise s’invente un monde avec ses «dix commandements» nouveaux : «Amoureusement tes parents tu respecteras/Intelligemment ta vie tu affronteras/Proprement ton corps tu laveras/Franchement tes fautes tu avoueras/Prudemment du flirt tu jouiras», etc. Le 6 juin 1944, le débarquement des Alliés déclenche l’euphorie : «Les Alliés ont débarqué dans le Nord de la France ! Rome est prise et les boches sont foutus… Vive la liberté qui approche», écrit-elle. PS : «J’ai des boucles d’oreille très jolies, blanches, en paillettes…»

Gérald Camier  www.ladepeche.fr
Marise Crémieux-Hurstel avec un exemplaire de son «Journal d’une adolescente juive sous l’Occupation». Photo DDM Michel Labonne

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