Une BD de Spirou pour raconter la Shoah aux jeunes

Alors que, dans les années 1940, les pages du Journal de Spirou transpiraient plutôt l’antisémitisme de l’époque, aujourd’hui, la BD tente de contrer le discours négationniste

L’idée tenait à cœur à Emile Bravo. Après une décennie de travail, le dessinateur poursuit la publication de Spirou – L’espoir malgré tout et sort un troisième tome. Son objectif : Raconter la Shoah aux plus jeunes alors que ses survivants s’éteignent un à un et que le discours négationniste, lui, se répand de plus en plus impunément.

« Grâce à Spirou, cette histoire ne disparaîtra pas des librairies. Quand on te donne un personnage comme ça, il vaut mieux raconter quelque chose de fort, qui transmette quelque chose, qui aide à se construire. C’est important, plutôt que d’utiliser Spirou pour raconter une nouvelle aventure. Il y en a déjà tellement… », explique Emile Bravo lors d’une interview accordée à BFMTV.

Sa BD raconte l’histoire de Spirou, jeune groom du Moustic hôtel et de son ami, Fantasio. Tout deux vivent à Bruxelles, la Seconde Guerre mondiale vient de commencer et l’occupation nazie s’étend progressivement.

Au fil de cette nouvelle aventure, Spirou va ainsi être témoin et victime de cette page sombre de l’Histoire. Pour les besoins de sa fresque, Émile Bravo s’est inspiré de ‘Mr. Klein’, célèbre film de Joseph Losey où Alain Delon incarne un marchand d’art qui après avoir été confondu avec un homonyme juif va progressivement accepter cette supposée judéité.

« Enfant, j’avais vu ce film. Il m’avait vraiment marqué. On se disait que Juif ou pas Juif, tout le monde pouvait être embarqué. Il y avait quelque chose de terrifiant. »

Comme dans le film de 1976, Spirou monte à bord d’un train à destination d’Auschwitz. Mais le groom va parvenir à s’en échapper. « On ne peut pas l’envoyer à Auschwitz, sinon ce ne serait plus Spirou ! Il doit rester naïf et continuer à croire en l’humanité. Il serait revenu différent ou il y serait mort : comme c’est un gamin, il aurait été directement gazé. » Dans ce train, Spirou croise un Hollandais, qui lui permet de comprendre l’ampleur de la situation.

« L’idée de se sauver ne vient pas à Spirou », insiste le dessinateur avant d’ajouter que « ce sont les autres qui lui inspirent cette idée. Il écoute ceux qui l’entourent. Heureusement, on croise dans notre vie des gens lucides qui nous éveillent. Ça ne pouvait pas venir de Spirou, car c’est un jugement d’adulte, de gens un peu éclairés. Spirou est tellement ingénu. Il n’a pas de préjugé raciste. On découvre le monde à travers lui. Il nous renvoie à nous-même et nous permet de nous demander ce que nous aurions fait pendant la Seconde Guerre mondiale. »

 

La BD « Spirou, l’Espoir malgré tout », aux éditions Dupuis. (Crédit : Facebook)

En échappant au train pour Auschwitz, Spirou sauve deux enfants. L’instant est héroïque, suivi par un moment de doute, où l’on croit l’un des deux enfants morts.

« C’est toujours pour coller au réalisme », précise Émile Bravo, qui voulait aussi aller avec cette scène à l’encontre des clichés du genre.

« Plonger d’un train en route dans une rivière, c’est assez courant en BD. Ce qui me faisait rire, c’est qu’une rivière, ce n’est pas forcément très profond. La scène est dramatique, mais il y a aussi de l’humour. »

À travers cette BD, Émile Bravo dit vouloir « faire écho à notre monde d’aujourd’hui », marqué par le retour du nationalisme.

Un projet ambitieux. Contrairement aux super-héros américains qui ont souvent narré les récits graves, les personnages de la BD franco-belge sont le plus souvent restés extérieurs aux grands événements du monde. En cela, le Spirou d’Émile Bravo est différent du Spirou que l’on connaît. Chose que le dessinateur revendique. « Je ne reprends pas Spirou. Je fais l’avant-Spirou. C’est un peu différent. J’explique l’humanité de ce personnage qui était apparu un peu brutalement dans les premiers albums », affirme-t-il.

« Vaut-il mieux mourir maintenant ou plus tard ? »

Spirou – L’Espoir Malgré tout se compose de 330 pages réparties en 4 tomes. Chaque tome débute et se termine avec une scène de train, comme une métaphore des différents cercles de l’enfer que doivent traverser Spirou et le lecteur pour survivre.

« Chaque fin est un départ vers l’Est, accompagné d’un dilemme : vaut-il mieux mourir maintenant ou plus tard ? »

Une question d’une difficulté inouïe, néanmoins intégrée avec subtilité au récit. Emile Bravo espère éveiller la curiosité chez son jeune lecteur, faire naître en lui « l’envie de se documenter pour découvrir ce qui se passe par la suite. »

Un extrait du tome 3 de « Spirou – L’Espoir Malgré Tout ». (Crédit : Dupuis)

Le quatrième et dernier album, prévu pour avril, va confronter Spirou à l’horreur de la Solution Finale, avant de se conclure avec « une révélation choquante » sur un des personnages de sa fresque.

Il n’y aura pas forcément de happy end, prévient Émile Bravo : « Il faut créer un petit choc pour les gens qui ne connaissent pas. »

L’oeuvre s’adresse aux plus de huit ans, le dessinateur espère toucher le plus large public possible.

Par TIMES OF ISRAEL STAFF 15 novembre 2021, 12:59

Détail de la couverture de la BD « Spirou, l’Espoir malgré tout », aux éditions Dupuis. (Crédit : Dupuis)

 

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