Savigny-sur-Orge, mercredi 16 octobre 2019. Une stèle en hommage à Sarah et Isaac Koenigswein a été inaugurée par le maire (à droite) ce mercredi dans le square des époux Koenigswein en présence de Michel et Gérard Augarten (à gauche), leurs petits-neveux. LP/Nolwenn Cosson

Savigny-sur-Orge : une stèle rend hommage aux époux Koenigswein, déportés en 1942

Sarah et Isaac, un couple juif, sont morts dans le camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau, en Pologne. La commune reconnaît aujourd’hui une part de responsabilité dans la spoliation de leurs terrains.

Le 16 octobre 2019 à 19h42, modifié le 16 octobre 2019 à 20h02

Dans une enveloppe, Michel et Gérard Augarten ont réuni quelques photos de l’époque. « C’est lui que l’on voit au milieu », montrent-ils du doigt. Lui, c’est leur grand-oncle, Isaac Koenigswein.

Le 16 juillet 1942, ce tailleur de confession juive est arrêté, avec sa femme Sarah, par la police française lors de la rafle du Vel d’Hiv. Ils seront tous les deux déportés 11 jours plus tard vers le camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau, en Pologne, où ils mourront.

Soixante-dix-sept ans plus tard, la municipalité de Savigny-sur-Orge a inauguré ce mercredi une stèle en leur hommage, dans le square Albert-1er, renommé depuis avril dernier, le square des époux Koenigswein.

Leur tragique histoire est dorénavant gravée dans le marbre. Car si la ville n’est pas à l’origine de leur triste sort, elle porte, selon elle, une part de responsabilité morale dans la spoliation de leurs biens.

Sur cette photo, on découvre, au centre, le visage d’Isaac Koenigswein./DR
Sur cette photo, on découvre, au centre, le visage d’Isaac Koenigswein./DR 

« Sarah et Isaac sont nés à Varsovie. Dans les années 1920, ils fuient l’antisémitisme et s’installent en France. En 1934, ils achètent deux terrains sur le plateau de Savigny, où ils y passent leur temps libre, retrace Eric Mehlhorn, maire (LR). Mais ils sont rattrapés par la haine et victimes de la barbarie. Leur famille n’est pas en capacité de s’occuper de leurs terrains, qui laissés à l’abandon, entrent dans le patrimoine communal en 1976. Ils seront par la suite revendus à des particuliers dans le cadre d’un programme immobilier. Aujourd’hui, on s’inscrit pleinement dans un processus de réparation. »

Cette reconnaissance n’aurait jamais eu lieu sans la volonté d’une des nièces du couple. Elle est âgée de 14 ans quand elle voit ses parents, oncle et tante, être déportés. Personne ne reviendra des camps de la mort.

« C’est elle qui a déposé un dossier auprès de la commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations (voir ci-dessous) », précise son fils, Michel. Pour lui, cette stèle est « une réparation symbolique qui était importante pour nous, et pour notre mère. Elle est décédée récemment mais elle était au courant de ce projet de stèle. »

Le choix de son implantation n’a pas été fait par hasard. La ville voulait associer cette histoire aux souvenirs et à l’espoir.

« C’est un lieu de vie entièrement rénové, fréquenté par les familles, décrit le maire. On espère que leur nom trouvera une certaine résonance ici. On souhaitait honorer leur mémoire de la plus grande des manières. »

Plusieurs personnes de confessions juives étaient là pour l’occasion. Parmi eux, un homme a dû mal à cacher son émotion.

« Mon grand-oncle, qui vivait à Bordeaux, a aussi été déporté. Il est mort là-bas, confie-t-il. Je me retrouve dans cette histoire. C’est vraiment beau ce qui est fait ici pour eux. » Philippe Preszburger est aussi ému.

« À l’époque, beaucoup de juifs vivaient à Savigny. Contrairement à ce que l’on imagine, ils n’étaient pas riches. Ils remboursaient petit à petit le bout de terrain qu’ils avaient acheté, rappelle-t-il. Il y a une expression qui dit heureux comme un juif en France, ce n’est pas pour rien. Mon père était résistant, ma mère a été déportée. Elle ne doit la vie que parce qu’un membre de sa famille était américain. Ils n’ont jamais trop voulu me raconter ce qu’ils avaient vécu là-bas, c’était le silence total. Mais ils connaissaient sûrement votre famille. »

Quant à savoir si d’autres terrains ont été spoliés (1) dans des conditions similaires, Eric Mehlhorn avoue ne pas connaître la réponse. Michel et Gérard Augarten, eux, en sont persuadés : d’autres familles sont dans le même cas qu’eux.

« On ne peut pas être les seuls », lâchent-ils. Les deux frères ne sont jamais retournés sur les traces d’Isaac et Sarah, là où ils aimaient passer du temps. « Peut-être un jour. »

(1) Créée en 1999, la commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations est chargée d’examiner les demandes présentées par les victimes ou par leurs ayants droit pour obtenir réparation des préjudices intervenus pendant l’Occupation, tant par les nazis que par les autorités de Vichy.

Le pillage d’appartement, le vol ou la vente forcée de biens culturels mobiliers ou encore la confiscation de valeurs durant l’internement dans un camp font partie des préjudices qui ouvrent droit à indemnisation ou restitution. La commission établit une proposition d’indemnisation chiffrée. Une décision finale est prise par le Premier ministre sur la base de cette recommandation.

 

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