Accueil International Rojava : ce que les Palestiniens pourraient apprendre des Kurdes ©

Rojava : ce que les Palestiniens pourraient apprendre des Kurdes ©

Plutôt que de se focaliser à bâtir un Etat qui n'en a que le nom, mais pas la fonction dans le seul but de rejoindre ce groupe si peu illustre d'Etats en échec, les Palestiniens devraient regarder vers Rojava et Erbil, où des Etats indépendants et stables existent bien, excepté à l'ONU qui ne les reconnaît pas

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De Rojava à Ramallah: Les pièges de la déclaration formelle d’un Etat en faillite

Alors que l’actuelle « Intifada des couteaux » lancée par les Palestiniens contre les Israéliens atteint son troisième mois sans que sa fin ointe encore à l’horizon, et que même l’infatigable John Kerry lève les mains au ciel d’exaspération, à nouveau, la question est soulevée : « Que faire de plus à présent? Comment l’espoir d’une paix entre Israéliens et Palestiniens peut-il être ravivé? Assez étrangement, la réponse permettant d’atteindre un Etat palestinien toujours inaccessible pourrait bien ne pas se trouver à Jérusalem, et certainement pas à Washington, mais dans un endroit peu connu appelé  Erbil et en un autre endroit encore moins connu appelé Rojava, auprès d’un des peuples les plus oubliés du Moyen-Orient, les Kurdes.

Une minorité essentiellement sunnite musulmane, mais non-arabe.

Le peuple kurde se chiffre à environ 25 millions de personnes, réparties de l’Est de la Turquie à travers le nord de la Syrie, le Nord de l’Irak et l’Ouest de l’Iran. Divisés par quatre par les lignes regrettables Sykes-Picot, les Kurdes ont choisi, dans chaque pays, une voie différente. Et certaines d’entre elles offres des leçons évidentes pour les Palestiniens.

Une de ces trajectoires est racontée dans un article de fonds du New YorkTimes Magazine (29 novembre) et se développe essentiellement en Syrie. Dans un « Rêve d’Utopie en Enfer », Wes Enzinna décrit Rojava en termes non moins miraculeux que ceux décrivant une oasis florissante de bon sens et même d’espoir au beau milieu d’un champ de bataille carbonisé par la folie destructrice. 

Alors que la tyrannie laïque d’Assad et que la tyrannie fanatiquement islamiste de l’Etat Islamique se combattent l’une l’autre, les Kurdes de Syrie se sont organisés et regroupés dans une enclave « environ de la taille du Connecticut » appelé Rojava dans le Nord de la Syrie.

C’est là que les idées et le leadership visionnaire du dirigeant kurde emprisonné Abdullah Ocalan ont rencontré la théorie politique radicale d’un penseur américain presque totalement oublié, et appelé Murray Bookchin. La conjugaison de leurs idées a créé rien de moins qu’un miracle utopique, explique Enzinna.

Ocalan, qui siège face à lui-même dans la prison d’une île turque, a abandonné derrière lui les chemins de la terreur à la manière Arafat, alors qu’il prenait conscience que combattre la Turquie pour parvenir à l’indépendance n’était pas réaliste et coûtait à son peuple un prix exorbitant.

Au lieu de quoi, il a transformé les idées de Bookchin en ce qu’il appelle « le Confédéralisme Démocratique ».

Se fondant sur les cités-Etats de la Grèce Héllénistique, les disciples d’Ocalan, qui représentant à peu près 4, 5 millions de Kurdes dans le nord de la Syrie, ont établi un certain nombre de ces cités-Etats démocratiques – où s’applique l’égalité des sexes, de façon presque aussi extrême que l’inverse exact est vrai quelques kilomètres plus loin dans les zones contrôlées par l’Etat Islamique. Des élections assurent que les non-Kurdes de la région sont également représentés dans tous les domaines de la prise de décision.

On peut aussi en apprendre beaucoup des six millions de Kurdes du nord de l’Irak. Protégés par une zone d’exclusion aérienne dirigée par les Américains entre les deux guerres du Golfe, la chute de Saddam Hussein a inauguré une ère d’autonomie sans précédent, de développement économique et de quelque chose qui ressemble à la démocratie et à la tolérance plus que n’importe où ailleurs dans la région.

Les Kurdes d’Irak ont transformé cette zone de la taille de la Suisse en ce qu’on peut dire être la partie la plus sûre, la plus tolérante et stable de l’Irak et de toute la région. Les visiteurs de la capitale Erbil remarquent une différence radicale avec la période de Saddam Hussein. Là où il n’y avait que des décombres, des bâtiments de plusieurs étages, des centres commerciaux, des voitures impressionnantes et tous les attributs de la « vie normale » couvrent Erbil en plein boom économique. Là où l’Etat hyper-policier de Saddam Hussein régnait d’une poigne de fer, s’est mise en place une proto-démocratie comprenant des « élections régulières, un parlement tapageur, tout un réseau de partis politiques et des médias bruyants », un gouvernement laïc et même les droits des femmes sont devenus des piliers, comme le détaille The Economist.

Le point important à retenir c’est que les Kurdes, aussi bien en Syrie, en Turquie ou les Kurdes du nord de l’Irak ont pris conscience que les attributs d’un Etat signifient peu de choses si la base nécessaire et suffisante reste absente, pour le bon fonctionnement d’une société qui le soutienne.

Les Kurdes ont préféré se tourner vers l’aménagement intérieur pour obtenir la stabilité.

Plutôt que de présenter leur candidature pour devenir membre insignifiant d’une myriade d’organisations internationales,ils ont cherché la prospérité économique et la bonne gouvernance.

En contraste très net, les Palestiniens ont tenté toutes sortes de manoeuvres pour tracer leur voie « vers l’Indépendance » en lançant des vagues terroristes, à travers des attentats-suicides, des jets de pierres, de balles et de couteaux.

Le Hamas à Gaza a lancé quatre « guerres des roquettes » totalement futiles contre Israël. L’essentiel de cette violence se consacre -non pas à mettre « fin à l’occupation » et à trouver la paix grâce à la solution à deux Etat- mais plutôt à tenter d’éradiquer entièrement l’Etat juif.

Dans le même temps, l’Autorité Palestinienne supposée « non-violente » maintient 106 ambassades, consulats et bureaux de représentation à travers le monde. En comparaison, l’Etat d’Israël n’en a que 103, alors que les Kurdes d’Irak en ont 13. ajoutons à cela les efforts incessants des Palestiniens pour obtenir leur reconnaissance à l’ONU et dans sa collection d’organismes associés, tout en cherchant simultanément à délégitmer et ostraciser Israël à partir de ces mêmes tribunes. Maintenir des missions diplomatiques et faire du lobbying pour sa reconnaissance sont des tâches très onéreuses et consommatrices de ressources.

Est-ce réellement la meilleure vers l’instauration d’un Etat pour les Palestiniens? Les Palestiniens doivent se demander à quoi rime leur jeu et à quoi il doit réellement aboutir. Si c’est vraiment un Etat indépendant aux côtés d’Israël, alors les milliards de dollars (des donateurs) dépensés en missions diplomatiques pour obtenir leur reconnaissance d’un Etat qui n’existe pas – et qui s’écroulerait dès le lendemain de sa déclaration d’Indépendance – seraient bien mieux dépensés à bâtir une société civile pour la faire grandir à partir du terrain.

Aussi, et de façon plutôt ironique, à tel point il n’y a que les Israéliens qui semblent le comprendre, il n’y a que quand les Palestiniens se tourneront vers l’intérieur pour construire une société qui fonctionne qu’une majorité d’Israéliens commencera à être convaincue que leur concéder un peu de territoire amènera moins de terrorisme et plus d’ordre, plutôt que l’inverse.

Les Israéliens sont aussi les seuls qui semblent se rappeler deux offres sérieuses et d’une grande portée pour une solution à deux Etats (en 2000 et en 2008), rejetées par leurs interlocuteurs Palestiniens ; deux moments cruciaux qui n’ont fait qu’ajouter à cette notion galopante de défiance. Un effort sérieux pour construire une société stable et fonctionnelle aurait pu faire des merveilles pour ramener cette confiance disparue.

Entre Gaza, la Syrie, le Yémen, l’Irak et la Libye, il y a suffisamment d’Etats faillis entourant Israël. Plutôt que de se focaliser à bâtir un Etat qui n’en a que le nom, mais pas la fonction dans le seul but de rejoindre ce groupe si peu illustre d’Etats en échec, les Palestiniens devraient regarder vers Rojava et Erbil, où des Etats indépendants et stables existent bien, excepté à l’ONU qui ne les reconnaît pas.

Le Succès des Kurdes dans la création d’une démocratie qui fonctionne en Rojava et à Erbil – en évitant les attributs encombrants d’un Etat tout en attendant patiemment le jour de leur indépendance en dépit de tout – devrait servir de modèle aux Palestiniens et comme une source d’inspiration pour chacun d’entre nous tous.

Dan Feferman est major de réserve dans Tsahal, où il a occupé les fonctions de conseiller en politique étrangère et d’analyste des renseignements.

Bob Feferman est directeur des relations communautaires pour la Fédération Juive de la Vallée St. Joseph à South Bend, Indiana.

jpost.com

Adaptation : v.

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Shimon

Dans le capharnaum des interets du Moyen-orient, l’Etat juif doit rester la democratie exemplaire. Et son exemple va faire peu a peu tache d’huile, par comparaison avec l’enfer que vivent reellement les populations environnantes. Il faut se rappeler qu’il y a deja 2 Etats palestiniens : la Jordanie et Gaza. S’il doit se constituer un troisieme, cela ne peut pas etre en tant que anti-Israel, anti-l’autre, ce qui est une definition de l’inconsistance du terrorisme, et la base de ses chantages.