Portugal : la CEDH s’empare de la question du réchauffement climatique
Des Portugais font valoir que les incendies de forêt que connaît leur pays depuis des années sont le résultat direct du réchauffement climatique et a un impact sur leur santé
1 décembre 2020, 11:54
Dans une affaire sans précédent, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a annoncé lundi la poursuite de l’examen « prioritaire » d’une requête présentée par six jeunes Portugais qui accusent 33 Etats européens de faillir à leurs engagements sur la lutte contre le réchauffement climatique.
« L’affaire porte sur les émissions de gaz à effet de serre émanant de 33 Etats qui participeraient au réchauffement climatique », explique la Cour dans un courrier aux parties.
La CEDH est saisie par six Portugais âgés de huit à 21 ans. Soutenus par l’ONG britannique Global Legal Action Network (GLAN), ils font valoir que les incendies de forêt à répétition que connaît leur pays depuis plusieurs années ainsi que les pics de chaleur sont le résultat direct du réchauffement climatique et ont un impact sur leur santé, leurs conditions de vie et leur état d’ »anxiété ».
Les requérants accusent les Etats incriminés de ne pas respecter les engagements pris en 2015 à l’issue de la COP21, avec l’Accord de Paris. Selon eux, ces Etats violent plusieurs dispositions de la Convention européenne des droits de l’Homme, dont son article 2 sur le « droit à la vie ».
Si la CEDH s’est déjà prononcée sur des violations liées à des dommages environnementaux, « c’est la première fois que la Cour est confrontée à une requête d’une telle ampleur », explique à l’AFP Thomas Manrique, de l’Université Toulouse 1 Capitole, qui écrit une thèse sur les questions sociétales dans la jurisprudence.
Les pays visés sont les 27 Etats membres de l’Union européenne auxquels s’ajoutent la Suisse, la Russie, la Turquie, l’Ukraine, la Norvège et le Royaume-Uni.
Questions posées
« A ce stade de la procédure, la Cour n’a pris aucune décision sur le fond de l’affaire. Elle expose l’objet de l’affaire et pose des questions », a tempéré un porte-parole de la CEDH, précisant que les Etats disposaient de plusieurs semaines pour y répondre.
Aux yeux de GLAN, il s’agit toutefois d’une première victoire. « Etant donné que la grande majorité des cas déposés à la cour de Strasbourg ne réussit pas à atteindre ce stade, cette décision constitue une étape majeure vers un potentiel jugement capital sur le changement climatique », a estimé l’ONG dans un communiqué.
« Sur le fond, l’urgence climatique et le renforcement des engagements des Etats ces dernières années pourraient conduire la Cour à se prononcer pour une violation de la Convention. Néanmoins, il est possible que les ambitions de la requête soient revues à la baisse en centrant les violations sur le pays de résidence des requérants, le Portugal », estime pour sa part Thomas Manrique. Lire la suite