INTERVIEW – Philip Gordon, conseiller du président Obama pour le Moyen-Orient entre 2013 et 2015, chercheur au Council of Foreign relations, revient sur le conflit syrien et sa gestion par les Etats-Unis. Les négociations entre le régime de Damas et l’opposition syrienne, qui devaient démarrer lundi à Genève, pourraient être retardées de quelques jours.

Manifestation en faveur de Bachar el Assad en février 2012, en Turquie (Reuters)

Les négociations entre le gouvernement de Bachar el-Assad et l’opposition syrienne ont-elles une chance de se tenir et surtout d’aboutir?
Il est probable que les deux camps trouveront les moyens de se réunir parce que personne ne veut être jugé responsable d’un échec. Mais les divisions sur le fond sont énormes et je suis très sceptique quant aux résultats possibles d’une telle négociation. La Russie et l’Iran, parrains de la Syrie, refusent en effet que l’on discute d’une élimination politique de Bachar-el Assad alors que l’Arabie Saoudite, la Turquie ou le Qatar, qui soutiennent l’opposition, refusent tout compromis qui ne garantirait pas le départ d’Assad du pouvoir. Ce sera donc très difficile d’aboutir, voire impossible.

Philip Gordon, conseiller du président Obama pour le Moyen-Orient entre 2013 et 2015, chercheur au Council of Foreign relations. Crédits : Sipa.

Pourquoi les Etats-Unis n’ont pas suffisamment soutenu militairement l’opposition tant qu’il était encore temps, avant la prise de Raqqa par Daech en Syrie?
Il y a eu, je l’avoue, un déséquilibre du côté américain entre les objectifs et les moyens. Nous avons sous-estimé la ténacité du régime et du soutien que pouvaient lui apporter la Russie et l’Iran. A l’époque, nous ne recherchions pas de compromis mais la fin du régime de Bachar. Or, à chaque fois que les Occidentaux et leurs alliés arabes sunnites ont intensifié leur soutien militaire et financier à l’opposition syrienne, la réponse de Damas n’était pas dans la capitulation mais dans la contre-offensive.

Diriez-vous, avec le recul, que le refus de Barack Obama de bombarder les forces du régime syrien après qu’elles ont franchi la « ligne rouge » de l’utilisation de l’arme chimique a été une erreur?
Oui, mais pas pour les raisons auxquelles vous pensez. Ce fut une erreur parce que la crédibilité des Etats-Unis en a souffert et que cela a semé le doute chez nos alliés. Mais je ne pense pas des frappes ciblées par les Etats-Unis et la France en août 2013 auraient pu provoquer la transition que nous souhaitions. Barack Obama voulait, avant d’intervenir, avoir le soutien du Congrès car il craignait davantage que notre crédibilité soit endommagée par une absence de résultats sur le terrain après avoir frappé le régime de Damas. Il a cherché à obtenir cette légitimité, mais il ne l’a pas eue.

Retrouvez l’interview de Philip Gordon, conseiller du président Obama pour le Moyen-Orient entre 2013 et 2015, dans le JDD en kiosques, sur iPad ou sur Internet. Découvrez également nos offres d’abonnement.

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