Mort de Shinzo Abe : l’enquête hésite entre terrorisme et motif criminel.

Deux jours après l’assassinat de l’ancien premier ministre, les Japonais ont voté dimanche 10 juillet pour des sénatoriales, pour lesquelles le parti au pouvoir est favori. Le pays s’interroge toujours sur les motivations de l’assassin, criminelles ou terroristes. La réponse aura des répercussions sur la politique de défense du Japon.
Dans le petit bureau de vote du quartier de Shirokane Takanawa au centre de Tokyo, de nombreux électeurs ont défilé dimanche 10 juillet sous un soleil de plomb pour renouveler la moitié de la chambre haute du Parlement (Sénat) japonais. « L’assassinat de Shinzo Abe est dans tous les esprits, assure Kaori, employée de bureau. Il y a un peu plus d’électeurs que d’habitude, cela profitera largement au Parti libéral-démocrate (PLD, droite nationaliste) de l’ex-premier ministre. »

Un acte criminel ou terroriste ?

L’actuel chef du gouvernement, Fumio Kishida, lui aussi du PLD donné largement favori, a dénoncé le 9 juillet l’attaque « barbare » contre son ancien mentor, insistant sur l’importance de « défendre les élections libres et équitables »« fondement de la démocratie ». Choqué et ému par le drame, le Japon s’interroge sur les motivations de l’assassin de 41 ans arrêté sur les lieux du drame, ainsi que sur la nature de cet acte de violence.
« Quelles que soient ses motivations, les actes de terrorisme ne peuvent pas être tolérés, s’est indigné dimanche Riichiro Maeki, dans son éditorial du très conservateur Yomiuri ShimbunUtiliser la violence pour réprimer la liberté d’expression est totalement inacceptable. » La veille déjà, certains journaux japonais et anglophones avaient utilisé le terme « terrorisme » pour qualifier l’assassinat de Shinzo Abe, 67 ans. D’autres, plus prudents, parlaient d’un « criminel » frustré et un peu dérangé qui a voulu se faire justice lui-même.

Le suspect n’avait aucune affiliation politique

« La façon dont le gouvernement va présenter la nature de l’assassinat est déterminante, analyse Tetsuji Ida, commentateur politique. Si vous parlez de terrorisme, cela induit que le Japon est menacé par des forces extérieures contre lesquelles il faudra se défendre. »
Aux yeux de l’analyste, Tetsuya Yamagami, un ancien membre de la Force d’autodéfense maritime (la marine japonaise), au chômage, a simplement commis un crime. « On ne peut pas le qualifier de terroriste, il n’a pas de conviction politique, n’appartient à aucun groupe spécifique, il s’agit simplement d’une haine personnelle contre Shinzo Abe, c’est un homicide. »
L’auteur désigné a avoué avoir tué Shinzo Abe car il lui en voulait d’appartenir à un groupe religieux. Il pourrait s’agir de l’Église de l’unification, plus connue sous le nom de « secte Moon », en référence à son fondateur sud-coréen, d’extrême droite et anticommuniste, qui avait ruiné sa mère.

La Constitution pacifiste pourrait être amendée en fonction des résultats de l’élection

La coalition au pouvoir pourrait selon les projections remporter plus de 70 sièges sur les 125 à pourvoir (le Sénat compte 248 sièges, renouvelés par moitié tous les trois ans). Jusqu’à la mort de Shinzo Abe, la campagne a été dominée par des préoccupations locales, notamment les hausses de prix et les risques pesant sur l’approvisionnement en électricité, alors que la canicule qui touche le pays depuis fin juin fait craindre une pénurie d’électricité.
Il a été question également du budget de la défense face aux menaces militaires régionales pesant sur le Japon. Si le PLD obtient les deux tiers des sièges, il pourra organiser un référendum sur l’abrogation de l’article 9 de la Constitution pacifiste, rédigée au lendemain de la guerre, interdisant au Japon d’avoir une armée et d’entrer en conflit. Aux yeux d’une opinion publique sensible au soutien à l’Ukraine, qualifier « d’acte terroriste » l’assassinat de l’ex-premier ministre faciliterait un amendement de la Constitution. C’était le rêve de Shinzo Abe.

Ce que l’on sait sur le suspect arrêté pour l’assassinat de Shinzo Abe.

Le suspect arrêté pour l’assassinat vendredi de l’ancien premier ministre japonais Shinzo Abe est un homme de 41 ans nommé Tetsuya Yamagami, qui a avoué avoir tiré sur l’ex-dirigeant avec une arme de fabrication artisanale, a déclaré la police.
Voici ce que l’on sait pour l’heure.

Qui est Tetsuya Yamagami ?

Le suspect a déclaré à la police avoir servi dans la Force d’autodéfense maritime, la marine japonaise, pendant trois ans à partir de 2002.
Plus récemment, il a travaillé dans une usine de l’ouest du Japon pendant environ un an et demi, mais a démissionné en mai dernier selon des médias locaux. « Son attitude au travail n’avait pas posé de problème. Je suis surpris et choqué », a déclaré son ancien supérieur au quotidien Mainichi.
Selon la police, M. Yamagami a parlé aux enquêteurs de manière « détachée » après l’attaque.
D’anciens camarades de collège interrogés par la chaîne de télévision publique NHK l’ont décrit comme calme mais pas solitaire, doué pour le sport comme pour les études.

À quoi ressemble-t-il ?

Sur les images de l’attaque, Yamagami est vêtu d’un pantalon cargo marron et d’un polo gris. Sa bouche et son nez sont cachés par un masque chirurgical blanc. Il porte des lunettes à monture étroite et une longue frange recouvre son front. Il portait un sac en bandoulière dont il a apparemment tiré l’arme avant de la laisser tomber sur le sol lorsqu’il a été appréhendé.

Quelles étaient ses motivations ?

« Le suspect a déclaré qu’il en voulait à une certaine organisation et qu’il avait commis le crime parce qu’il pensait que l’ancien premier ministre Abe avait un lien avec celle-ci », a déclaré la police vendredi. Elle n’a pas donné le nom de l’organisation en question, mais les médias japonais ont affirmé qu’il s’agissait d’un groupe religieux, en citant des sources proches de l’enquête.
La NHK et le Mainichi ont déclaré que la famille de Yamagami avait connu des difficultés en raison des dons de sa mère à l’organisation. Selon l’agence Kyodo, qui cite des sources proches de l’enquête, le suspect avait d’abord prévu de s’en prendre au dirigeant de l’organisation en question, mais a ensuite décidé d’attaquer M. Abe, dont il pensait qu’il avait promu l’organisation au Japon.

Comment s’est déroulée l’attaque ?

Tetsuya Yamagami a déclaré qu’il avait utilisé une arme artisanale pour commettre l’attaque, et les images de la scène montrent un dispositif grossier, en forme de boîte, avec deux canons, recouvert de ruban adhésif noir.
La police a fouillé son domicile et a confisqué « plusieurs objets artisanaux ressemblant à des armes à feu ». Il est soupçonné d’avoir fabriqué au moins une de ces armes il y a plusieurs mois, selon l’agence Jiji, qui a également rapporté que le suspect avait participé à des exercices de tir à balles réelles dans la marine.
Selon les policiers, Tetsuya Yamagami a appris sur Internet la visite à Nara de Shinzo Abe. Il se serait rendu en train à la gare devant laquelle l’ancien premier ministre prononçait un discours.

 

 

 

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