Une improbable Naissance posthume autorisée

Israël : une décision historique autorise une mère à faire naître un petit-fils grâce au sperme de son fils tombé au combat. Dans un jugement inédit, le tribunal des affaires familiales d’Eilat a statué en faveur de Sharon Eisenkot, mère du soldat Maor Eisenkot, tombé en décembre 2023 lors de la guerre dans la bande de Gaza. Le tribunal l’autorise à utiliser le sperme post-mortem de son fils afin de donner naissance à un petit-enfant par le biais d’une gestation pour autrui.

Une volonté clairement exprimée
La demande de Sharon Eisenkot reposait sur des preuves solides : son fils Maor, jeune soldat de 19 ans du 12e bataillon de la brigade Golani, aurait exprimé de son vivant son souhait de devenir père, y compris dans le cas où il ne survivrait pas à la guerre. Ce vœu a été rapporté par un ami intime du jeune homme, à qui Maor avait confié vouloir que son sperme soit utilisé, même s’il ne connaissait pas la future mère.

Ces éléments ont joué un rôle central dans la décision du juge Rotem Kodler Ayash, vice-président du tribunal. Selon lui, le souhait exprimé de manière informelle mais claire par le défunt constitue une base suffisante pour autoriser une telle démarche. Il s’agit de la première décision du genre rendue depuis le début du conflit du 7 octobre 2023, et elle pourrait faire école.

Un parcours juridique complexe
Sharon Eisenkot a mené ce combat judiciaire accompagnée de l’ancienne députée Revital Swed, qui est à l’origine d’un projet de loi sur la continuité des soldats morts au combat. L’affaire a également mobilisé les avocats Shmulik Moran et Noa Glerman Liel. Ce trio a accompagné Sharon tout au long d’une procédure longue et délicate, entamée après la perte de son fils.

La loi sur la continuité, bien que proposée en 2017 à la Knesset, n’a pas encore été adoptée. Ce vide juridique a rendu la démarche plus difficile, forçant les familles à faire valoir leur cause au cas par cas. La décision d’Eilat pourrait toutefois constituer une base solide pour de futures requêtes similaires.

Un symbole fort pour les familles endeuillées
Maor Eisenkot n’est pas un inconnu : neveu de l’ancien chef d’état-major Gadi Eisenkot, il est mort au combat un jour après que son cousin Gal Eisenkot, également militaire, a été tué dans les mêmes circonstances. Cette double tragédie familiale a fortement marqué l’opinion publique israélienne.

Pour Sharon, cette décision a été un premier rayon de lumière après un an et demi de deuil. Elle a confié avoir souri pour la première fois depuis la mort de Maor en apprenant le verdict. Elle a également partagé la nouvelle avec son autre fils, qui doit prochainement effectuer son service militaire.

Le tribunal reconnaît, à travers ce jugement, qu’un individu peut vouloir laisser une trace de sa vie par-delà la mort, et que cette volonté mérite d’être entendue si elle est confirmée de manière crédible. La notion de continuité, ici, ne s’inscrit pas uniquement dans un cadre biologique, mais aussi symbolique et humain.

Une question morale et sociétale
Au-delà du cas particulier de la famille Eisenkot, ce jugement soulève des questions profondes sur le rôle de l’État et des institutions dans le respect des volontés posthumes. Certains estiment qu’Israël, en tant que nation, a une responsabilité morale envers les soldats tombés au combat et leurs familles. Permettre à ces dernières de concrétiser les souhaits non réalisés de leurs proches serait, selon eux, une forme de reconnaissance nationale.

La guerre actuelle à Gaza, qui a causé de nombreuses pertes humaines, confronte de plus en plus de familles à cette douloureuse question : peut-on et doit-on donner naissance à un enfant dont le père est mort au combat ? La réponse donnée par le tribunal d’Eilat semble pencher du côté de l’empathie et de la mémoire.

Selon la loi juive (Halakha), est-il permis à une mère d’utiliser le sperme de son fils décédé pour avoir un enfant ?

Non, selon la majorité des autorités rabbiniques, il n’est pas permis halakhiquement à une mère d’utiliser le sperme posthume de son propre fils pour concevoir un petit-enfant (via gestation pour autrui). Cette pratique soulève plusieurs problèmes halakhiques majeurs, notamment d’ordre familial, moral et de filiation.

Les points de blocage halakhiques majeurs :
1. Interdit d’inceste symbolique ou dérivé (Avizrayhou d’Arayot)
Même si l’acte n’est pas sexuel, le fait qu’une mère prenne le sperme de son propre fils pour en faire naître un enfant est vu par la plupart des rabbins comme une transgression morale symboliquement assimilable à un acte incestueux. Cela dépasse le cadre juridique classique et relève de la pureté des intentions et des limites familiales.

2. Problème de filiation
Dans la Halakha, la filiation paternelle a des conséquences halakhiques importantes (ex : héritage, statut lévitique ou sacerdotal, mariage, etc.).
Un enfant né de cette manière poserait des questions complexes sur sa paternité, son identité halakhique, voire son statut dans la communauté.

3. Utilisation post-mortem du sperme
Même en dehors du lien mère-fils, l’usage du sperme d’un homme décédé est très controversé dans la Halakha.
Beaucoup d’autorités considèrent que sans un consentement explicite formulé du vivant, cela n’est pas autorisé, car cela pose la question du consentement posthume et du respect dû au corps.

4. Problème éthique plus large
Il existe une réticence halakhique à « créer une vie sans cadre familial naturel », surtout si cela résulte d’une action non motivée par la procréation conjugale. Une grand-mère qui décide d’engendrer un petit-enfant à partir du sperme de son fils défunt est une situation sans précédent dans la tradition juive.

Qu’en disent les autorités halakhiques ?
Rav Elyashiv zt”l, l’un des plus grands décisionnaires récents, interdisait catégoriquement l’utilisation de sperme posthume, même par la veuve.
Le Rav Shlomo Zalman Auerbach zt”l exprimait aussi de fortes réserves sur toute insémination artificielle post-mortem.
Rav Yuval Cherlow, plus moderne, s’est montré un peu plus ouvert sur le sujet du sperme posthume (dans le cadre conjugal uniquement), mais pas dans un cas de parenté directe comme celui évoqué ici.

Et dans le cas spécifique de Sharon Eisenkot ?
Le cas mentionné (la mère d’un soldat tué au combat souhaitant un petit-enfant via une mère porteuse) a été tranché au niveau civil en Israël, pas religieux.
Ce n’est pas un processus encadré par la Halakha, et il est probable qu’il ne soit pas reconnu par les institutions religieuses officielles, notamment en ce qui concerne le statut halakhique de l’enfant (juif ou non, mamzer, héritier, etc.).

D’un point de vue halakhique strict, cette pratique est généralement interdite.
Elle constitue une rupture profonde avec les normes de parenté et de procréation traditionnelles juives.

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Max

Quel genre d’enfant va naitre, elle prend un risque enorme. Pourquoi pas une mere porteuse.

נתניאל

Au debut de l’article, je pensais qu’elle voulait faire inséminer la semence de son fils dans une mere porteuse. A la fin de l’article, j’ai compris que c’est la mere du défunt qui veut être la mere porteuse. C’est la que j’ai vomi. C’est juste horrible.