Qualifiée de « raciste » et « politiquement incorrecte » dans le discours post-colonial, l’analyse de cette dynamique prégnante dans les mentalités arabo-musulmanes, a été exclue du débat pendant des années

Un tribalisme récurrent

Or, cette dynamique, au fondement du système tribal qui est le socle culturel de ces populations, ainsi que celui du système politique du Moyen-Orient, est toujours en vigueur. Il n’est que de constater que les crimes d’honneur et l’absence de liberté de la presse qui perdurent dans ces sociétés, comme l’a souligné Bassem Eik, du PHRMG (Palestinian Human Rights monitoring groups).

Mordehaï Kedar de l’Université de Bar Illan, fait lui remarquer que les territoires sous autorité palestinienne sont aux mains de clans. Et en veut pour preuve qu’une famille de Jénine ne donnera jamais en mariage sa fille à un garçon de Hébron, affirme-t-il. « Il n’est pas de chez » nous sera l’argument. Ce qui montre bien leur difficulté à s’unifier sous le dénominateur commun de « Palestinien ».

Sur le plan politique, construire une société moderne dans une culture tribale est un défi de taille. Le fonctionnement de nos sociétés libérales et démocratiques repose sur une constitution basée sur des lois, des organisations gouvernementales et une société civile organisée, et n’obéissent pas à une loi de groupe.

Avec pour conséquences des malentendus en série dont la politique occidentale au Moyen-Orient a durement pâti.

Les exemples sont légion. « J’accompagnais une délégation israélienne à Casablanca pour prendre part à des négociations économiques, se souvient Mordechaï Kedar de l’Université de Bar Illan. « Nous venons vous apporter la paix », ont dit les israéliens. Ça a fait scandale. Chose que l’on ne peut comprendre que si l’on sait que pour les arabes cela signifie « nous venons vous apporter notre domination ».

« Bien sûr », rebondit Lucien-Samir Lucien-Samir Oulahbib, de l’Université Jean Moulin à Lyon, « car le mot paix n’a pas la même signification. Salam Alekhoum, ne veut pas dire tout simplement bonjour, comme quelques fêrus d’orientalisme occidentaux se plaisent à le croire », insiste-t-il. « Dans Salam, (paix) il n’est pas question de la paix au sens absolu, métaphysique entre êtres humains. Dire Salam Alekhoum revient à dire que l’on accepte la paix de l’islam ».

La Naqba du monde arabe

Dans nos esprits démocratiques la justice repose sur la vérité. Or pour les arabos-musulmans, la justice repose sur l’équilibre de cette dynamique de l’honneur et la honte. Penser en termes de solutions équilibrées pour les deux parties, pour autant qu’ils fassent des concessions, afin en contrepartie d’en tirer bénéfice, fait sens dans nos démocraties.

Mais si tel était le cas dans le monde arabo-musulman et si le conflit israélo-palestinien n’était que territorial et uniquement un problème d’autodétermination, cela pourrait se résoudre par mail. « Mais dans ces cultures, sauver son honneur ne peut que reposer sur la honte infligée à l’adversaire.

« Mon honneur ne peut se construire que sur votre honte, si vous gagnez je perds, si vous perdez je gagne, ce qui a été pris par la force doit être reconquis par la force,  les concessions sont donc perçues comme source de honte et on ne peut que laver sa honte dans le sang » explique Richard Landes de l’Université de Boston. Ce que nous appelons les relations de « win-win » (gagnant gagnant)que ce soit sur le plan politique ou économique qui permet aux deux parties d’en tirer avantage tout en faisant des concessions, n’a pas cours dans le monde arabo-musulman ou tout compromis est perçu comme un échec. Gagner signifie retrouver son honneur sur le dos de l’humiliation (honte) de l’autre. Nier cette logique exposerait à un retour de bâton féroce.

Israël, l’humiliation suprême

Dans ce contexte, la victoire d’Israël est perçue comme une humiliation suprême. La perte d’honneur enregistrée avec les défaites Arabes a impacté durablement les mentalités et le désir de laver cette honte dans le sang est ancrée. Richard Landes, de l’Université de Boston, considère la Naqbah comme une humiliation collective du monde Arabo-musulman.

Mais plus largement c’est le monde moderne, la modernité dans toutes ces manifestations, économiques et culturelles, qui est perçu comme une Naqba et le siècle qui a suivi l’avènement de l’Islam, un âge d’or aux parfums de paradis perdu. « Toute terre qui a été sous la bannière de l’Islam est considérée pour toujours comme islamique.

Par conséquent Israël ne peut pas être légitime d’aucune façon, car un peuple dhimmis (inférieur par nature) ne peut pas être souverain sur une terre islamique », précise Lucien-Samir Oulahbib.

Ne pas perdre la face à tout prix

Toute stratégie politique devrait pourtant prendre en compte l’impact de cette dynamique sur les mentalités arabo-musulmanes qui explique l’échec cuisant des accords d’Oslo ou le « Printemps arabe ». «  Quand Arafat a fait capoter les négociations de paix il a dit : «  je ne veux pas boire le café avec Sadate », rappelle Harold Rhodes, journaliste et membre du Gatestone Institute, ce qui voulait dire en clair que ces accords auraient signifiés sa mort, si le groupe auquel il appartenait devait perdre la face » explique-t-il.

L’irrédentisme arabe est aujourd’hui encore une source de fierté et claquer la porte très populaire pour les leaders du monde arabe. « Arafat n’a jamais dit « non », mais il n’a jamais été capable de dire « oui ». La fierté précède la chute », écrit Bill Clinton dans ses mémoires « My life ».

La société arabe devrait admettre ses erreurs. Mais même si cela devait contribuer à la renforcer ensuite, le faire signifie perdre la face. « Et l’occident contribue à les maintenir dans cette impasse, quel qu’en soit le prix à payer pour les Juifs et les Arabes », déplore Lucien Samir Oulahbib.

Pour les diplomaties occidentales et leurs stratèges, connaître le narratif de ces sociétés est indispensable. Là où il n’est question que de perdre la face, la vengeance, le ressentiment ne peut être remplacé par une approche rationnelle, condamnée à échouer voire pire, expose à un retour de bâton féroce.

Or Israël est le miroir des échecs du monde arabo-musulman, ou plutôt du monde arabisé et islamisé. L’anti-sionisme est devenu qu’on le veuille ou non, l’expression contemporaine de l’antisémitisme. Dans le monde Arabe il vire à l’impérialisme religieux et ethnocentrisme.

L’échec de la solution des Etats repose en grande partie sur l’ignorance américaine et européenne des véritables causes qui sous-tendent le conflit et leur refus de prendre en compte ces dynamiques honte-honneur, qui n’a de fait aucune chance de trouver sa résolution.

Le principal obstacle à la paix est de ne pas aller à la racine du problème. Il importe de déterminer d’où vient cette terreur de la honte et cette quête d’honneur désespérée.

 

Kathie Kriegel pour le Jerusalem post

 

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André

Les dirigeants libéraux européens et américains s’imaginent que tout le monde pense comme eux, que tout le monde est rationnel et que tous les conflits peuvent se résoudre par un bon accord raisonnable qui satisfasse matériellement les deux parties. Leurs bibliothèques regorgent de livres de voyages et savants sur l’histoire des peuples et des mentalités, de leurs croyances et symboles, mais ils n’en tiennent jamais compte. A croire qu’ils ne les lisent jamais ou uniquement comme des romans de fiction…